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Billet de blog 3 mai 2016

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Entre fin du monde et cause humaine. Utopia et Patrick Viveret.

Le Mouvement Utopia a tenu son Conseil national à Romorantin. Parmi les sujets abordés figurait la préparation des propositions Utopiennes pour 2017 destinées à alimenter le débat électoral. Patrick Viveret a apporté, en ouverture, l'éclairage du philosophe qui juge nécessaire de poser, en amont et en aval de ces propositions, la question du mal-être, des fractures sociales et de la démesure.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le Mouvement Utopia a tenu son Conseil national le week-End dernier à Romorantin. Parmi les sujets abordés figurait la préparation des propositions Utopiennes pour 2017, destinées à alimenter un débat électoral qui devrait être l’occasion pour les citoyens de reprendre en main « la politique », pour en changer les règles, afin de la mettre au service de l’humanité et de la planète.

Patrick Viveret a apporté, en ouverture, l'éclairage du philosophe qui juge nécessaire de poser, en amont et en aval de ces propositions, la question du mal-être, des fractures sociales et de la démesure. C’est la condition sine qua non pour avancer vers la sobriété heureuse que suppose la société du buen vivir portée par Utopia.

Mais il est bon de noter tout d’abord que l’analyse critique des 40 dernières années ne manque pas de montrer que le concept de lutte de classes est redevenu actuel. Ce qu'illustre bien, après la phrase fameuse de Warren Buffet, l’émergence des résistances au système, un peu partout en Europe, et en France, Nuit debout oblige.

Face à la logique de destruction écologique, fortement corrélée avec celle des inégalités nous dit Viveret, face au phénomène de captation des richesses et des biens mis en place par l’ultracapitalisme financier et productiviste, face à l’inévitabilité d’une nouvelle crise économique et financière à venir, pire que les précédentes dans ses effets, les citoyens se rendent bien compte que le temps de l’indignation doit être dépassé pour entrer dans le temps de « la désobéissance civile » (Cf. Albert Ogien et Sandra Laugier),  dans le temps de la lutte contre « des institutions incapables de résoudre les problèmes rencontrés », (Joseph A. Tainter), dans le temps de la contestation des élites corrompues (Cf. Noel Pons).

Attention à bien comprendre les conséquences de la démesure, nous dit Patrick Viveret.  La démesure a été par le passé la cause de plusieurs effondrements de civilisation, (Voir ‘’De quoi l’effondrement est-il le nom ?’’ de Renaud Duterme, préface de Patrick Viveret. Editions Utopia). Elle explique à notre époque celui de l’URSS et du mouvement communiste, et pourrait être à l’origine des crises que nous affrontons et d’un effondrement possible. Démesure bien entendu du productivisme et de l’extractivisme (Energie fossile, matières premières, matériaux, eau, etc.), mais aussi celle qui s’exprime autant dans l’ivresse de l’argent (ploutocratie) que dans celle du pouvoir (oligarchie) ou de la technique. (Lire en complément ‘’Une question de taille’’ de Olivier Rey. Collection les essais. Stock).

Démesure enfin de la finance incontrôlable, révélée par le fait que seuls 3% des transactions financières concernent l’échange de biens et de services, alors que les 97% restant sont dévolus à ce que Patrick Viveret appelle « l’économie émotionnelle », et que d’autres appellent « l’économie virtuelle ».

Il faut comprendre également les liens qu’entretient la démesure avec le mal de vivre.

Ils peuvent être la conséquence d’un mal-être et d’un mal de vivre. Sur le plan personnel on repère ce lien dans la boulimie, l’alcoolisme, la toxicomanie – comportement de démesure – mais on repère aussi ce lien sur le plan sociétal. On engloutie des sommes dans la publicité ou les dépenses d’armement dix à quinze fois supérieures à celles dont on aurait besoin pour éradiquer la faim dans le monde et permettre l’accès à l’eau potable ou aux soins de base.

Attention à veiller aussi, ajoute Viveret, à ce que les passions tristes, décrites par Spinoza, qui diminuent notre puissance à agir, ne nous envahissent pas. Elles peuvent nous entrainer dans le même aveuglement que la captation capitaliste, et ressurgir dans tout projet alternatif, s’exprimer sous la forme d’un bonapartisme comme sous celui d’un écolo-machisme. Attention à ce que le dominé d’hier ne devienne pas le dominant de demain. « L’hubris est au cœur de la plupart des grands défis ».

Pour l’éviter, nous devons substituer à la démesure et à ses causes la puissance du désir, un « désir d’humanité », mobiliser les forces de vie, l’éros, face aux logiques mortifères.

Dés lors, il devient possible d’échapper à l’emballement de que Wilhelm Reich nommait dans son analyse de la psychopathologie du fascisme, « la peste émotionnelle », et de  construire une alternative possible.

A condition de rester lucide sur les grands basculement dans lesquels nous sommes déjà entrés, nous pouvons, dit Viveret, identifier un chemin vers le meilleur, cette société du bien vivre qui est l’un des objectifs pour 2020 des travaux du mouvement Utopia.

Les 5 piliers étudiés par Utopia pour 2017 :

Nature – Souveraineté alimentaire – Liberté de circulation – Accès aux droites et biens fondamentaux -  Démocratie.

Mais bien d’autres sujets font l’objet d’un travail en vue d’ouvrages et/ou de propositions à venir : Propriété et biens communs – Migrations – Revenu universel – Féminisme et dépassement du patriarcat, etc.

Pour en savoir plus, lire les ouvrages publiés par Utopia et diffusés à des prix situés entre 6 et 12 € maximum, ou se rendre sur le site : http://www.mouvementutopia.org/blog/

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