Le rideau de fer est tombé depuis longtemps, mais certains ont encore des barbelés dans la tête. On le voit, jusque dans un blog de Mediapart, à propos de réactions au livre de Piketty, « Le capital au XXIe siècle ». Voir le post de Geoffroy de Lagasnerie.
Il s’appuie, dans son Piketty bashing, sur 4 tweets de Pascal Riché, ancien journaliste à Libération, mais surtout ancien Young Leader de la French-American Foundation (Pro-atlantiste). Riché, pour qui la guerre froide est une actualité, sans doute, pense facile de réduire à néant en quatre fois 140 signes un ouvrage de 1000 pages, best-seller mondial en 2014. Plus on écrit court, plus on croit faire fort, sans doute ?
Quatre tweets que de Lagasnerie estime utile de commenter. Reflexe de prof ou sensation de devoir combler la bouteille vide ? A vous de voir en allant lire.
Il complète par quoi ? Par des arguments neufs ? Non pas. En puisant tout simplement dans un article de l’américain Russel Jacoby dans Le Monde Diplomatique d’aout dernier. Un seul exemple, Jacoby écrit :
« Il (Piketty) ne tient aucun compte du capital social, des ressources culturelles et du savoir-faire accumulés dont bénéficient les plus aisés et qui facilitent la réussite de leur progéniture ».
Lagasnerie écrit, faisant dire à Piketty : « Je réduis le capital au capital économique. J’occulte le capital culturel, scolaire et social, c’est-à-dire toutes les formes d’héritage qui participent de la domination sociale et de sa reproduction ».
Mais lui, comme Jacoby, n’ont pas lu assez bien le Piketty, car il y aurait trouvé cette phrase : « Le revenu des parents est devenu un prédicteur presque parfait de l’accès à l’université ». Pour Lagasnerie et Jacoby, Piketty ne dit rien du scolaire ni du social. Ils ont du sauter pas mal de lignes. Car on y trouve plusieurs fois abordé la question de la formation, des retraites, de la pauvreté. Ainsi : « Nous allons simplement préciser quelques-uns des enjeux… particulièrement importants pour l’avenir… d’une part, la question de l’égalité d’accès à la formation… et la question de l’avenir des systèmes de retraites de répartition dans un monde de croissance faible ».
L’affaire est entendue. Piketty dérange. A droite c’est l’évidence. A gauche, ou tout au moins dans une certaine gauche, il dérange aussi. Pas assez « couteau entre les dents » sans doute. Alors, d’autres schtroumpfs de derrière le rideau se lâchent dans le landerneau des commentaires. « Toute la naïveté de Piketty est de croire que le capitalisme de marché est 1/ encadrable 2/ réformable » ou encore : « C'est-à-dire qu'il est du côté du capital financier, des banques et de la Troïka ».
Alors que Piketty argumente, parfois longuement, par pédagogie, expliquant qu’il est toujours difficile de prévoir l’incidence finale d’une répudiation de la dette, les schtroumpfs sont ceux du fond de la classe qui n’écoutent pas, lisent peu ou vite. Ils se rassurent en rabâchant des slogans, comme autrefois on sortait son missel.
Pour terminer, je reviens sur les risques qu’il y a à être intégré aux Young Leaders en mettant un lien vers une protestation du Parti de Gauche, qu’on sent représenté dans certains commentaires assassins sur Piketty, mais qui éclaire surtout la culture des Riché ans Co. Le Parti de gauche dénonce auprès de François Hollande la composition de la liste 2013 des Young Leaders, dans laquelle apparaissent associés en binome un Commandant de sous marin français et une assistante du directeur de la NSA, l’agence d’espionnage américaine. On voit où mène l’atlantisme de l’élite.