Que ce soit la droite ou la gauche, chacune est championne de l’incohérence décisionnelle. Des lois sont votées dans l’urgence sans rien qui les justifie vraiment. On voit annoncées des lois à venir qui existent déjà. On en voit qui ne sont jamais suivies des décrets d’application qui les rendraient opérantes...D’autres sont abrogées, car on n’en avait pas anticipé les conséquences. Et on assiste depuis longtemps à un recul de l’Etat, il est vrai théorisé par les tenants de l’économie néoclassique qui ont construit, au fil des années, les arguments des politiques conservatrices justifiant leurs décisions constantes au service de la finance et des transnationales : Politique de rigueur, flexibilité du travail, aides aux entreprises sans discernement, Cice, Etc.
Reculer pour ne pas sauter.
On vient ainsi de voir plusieurs fois ces jours ci reculer le gouvernement. Comme pour ne pas sauter sur des mines anti-personnel.
- Avec le recul sur ce projet qui voulait diminuer les prestations des handicapés disposant d’un livret A.
- Avec celle de ces impôts locaux subitement réclamés, à cause d’une loi votée sous Sarkozy en 2008, à des populations qui n’y étaient pas astreintes auparavant. Le gouvernement, alerté, n’avait rien voulu entendre. Jusqu’à ces jours derniers, où il a été annoncé que l’exonération, supprimée en 2008 et coupable du problème, sera maintenue en 2015 et 2016. Hollande est-il déjà persuadé de perdre la présidentielle, qu’il laisse la patate chaude à son successeur en 2017 ?
- Avec un Manuel Valls, amené à reconnaître que les prélèvements fiscaux sur les ménages avaient augmenté de 66 milliards depuis 2010, alors que ceux sur les entreprises avaient été cantonnés à 8 milliards. Information lancée par l’OFCE. Voir Valls avouer que cela avait entrainé « une forme de rupture entre les français et l’impôt », est assez suave.
Dysfonctionnement à tous les étages.
J’ai composé au fil du temps une petite liste à la Prévert des informations pointant ces dysfonctionnements qui mettent les nerfs des français en boule et les persuadent qu’ils sont mal gouvernés.
Niveau de vie en baisse.
L’Insee l’annonce, le niveau de vie des français a baissé pour 50% des ménages. Il n’a augmenté légèrement que pour le premier décile (les plus pauvres), n’a pas augmenté entre le deuxième et la quatrième, baissé à partir du cinquième. Et baisse beaucoup, toute proportion gardée, (1%), pour les hauts revenus du dernier décile. 19,2 millions de foyers ont perdu 5,2 milliards en 2014. 4,8 millions de foyers ont été gagnants. Etait-ce la politique attendue en 2012 ?
Péril sur le salarié.
Le Medef repart en guerre contre le CDI, qui serait « anxiogène »… a dit Gattaz, qui n’est jamais à une outrance près. Lire le monde daté du 3 novembre qui commente : « une vielle marotte de l’organisation patronale, l’idée que le coût et la complexité du licenciement décourage les chefs d’entreprises d’embaucher ». On n'attend plus que les prochaines interventions de Macron pour mettre un peu d’huile sur le feu qui incendie la gauche ces temps ci, à l’approche des régionales. Simplifier le code du travail au bénéfice du code civil, au bénéfice de l’arbitraire patronal, son projet de loi le recherchait déjà. Le gouvernement continue sur ce chemin du moins de protection sociale, mais de plus de protection des entreprises.Etait-ce la politique attendue en 2012 ?
Opacité sur le secret bancaire et l’optimisation fiscale.
Deux rapports viennent de faire le point sur les résultats de la lutte contre le secret bancaire et l’optimisation fiscale. On apprend que les Etats-Unis sont les maitres du secret, derrière la Suisse. qu’illustre leur refus de signer les textes de l’OCDE sur la question. Mais que l’Europe n’est pas en reste. Le Luxembourg est en 6è place. L’Allemagne arrive en 8è. Et la France passe de la 43è place à la 31è. Joli recul sur la transparence. Encore un effort de Michel Sapin et de Bercy, et on arrivera bien à sucer à la roue de nos voisins.
Nucléaire.
La France, championne du nucléaire, jusqu’à ce que Areva tombe en capilotade, croyait que l’objectif raisonnable de la transition énergétique était d’économiser l’énergie, de développer les renouvelables, et de réduire graduellement le nucléaire, dont la dangerosité est désormais avérée. Or, EDF veut remplacer le parc nucléaire par des EPR, ces réacteurs dont le prix explose à chaque défaut révélé. Plus de dix milliards aujourd’hui, contre un peu plus de 3 au début de l’aventure. Une annonce qui sonne comme une provocation pour bien des gens. Une aventure a plus de 200 milliards d’euros. Dont EDF, endettée, n’a pas le premier en poche. Etait-ce la politique attendue en 2012 ?
La finance, sangsue du système productif.
C’est le titre d’un papier récent de Denis Clerc, fondateur de Alternatives économiques. A l’heure où on nous parle tous les jours de l’industrie qui va mal, du coût du travail qui la fragilise, Clerc nous alerte sur une vérité jamais assez répétées : Quelle que soit la conjoncture, désormais, seuls les dividendes ne baissent pas. Il prend l’exemple des pétroliers, dont les résultats s’effondrent, sans incidence sur les dividendes versés. Les cinq plus grands d’entre eux viennent d’emprunter 20 milliards, réduisent leurs investissements de 30 milliards, et distribuent 70 milliards à leurs actionnaires. Diront-ils merci aux employés qui seront vraisemblablement virés un peu partout dans les mois qui viennent ? La finance voilà mon ennemie. Etait-ce ce à quoi s'attendaient les gens en 2012 ?
Les emplois créés par le CICE plus chers que ceux des 35 heures.
C’est ce que révèle Eric Heyer interviewé par Alteréco le 2 novembre. Question : « Le coût de la création d'emplois par le CICE est-il comparable à celui généré par le passage aux 35 heures ? ». Réponse : « Oui, le CICE revient beaucoup plus cher par emploi créé que les 35 heures».
Eric Woerth et Bercy ont été sympa avec Balkany en 2008.
Mediapart le révèle dans son édition du 1er novembre. Balkany a bénéficié d’une « transaction » avec le fisc en 2008. L’élu avait été lourdement redressé sur le revenu à la fin des années 1990. Mais avait trainé des pieds pendant onze ans, jusqu’à être en position d’être bien traite par les copains. Citoyen moyen, chef de PME, artisan, commerçant, essayez vous à ce petit jeu et vous verrez si vous êtes aussi chanceux que Balkany. Et relisez Les animaux malades de la peste de La Fontaine, pour mieux comprendre que la crapule humaine est éternelle. Et Balkany officie toujours comme maire de Levallois ? Poursuivi pour délits multiples, on ne peut pas le démettre ? Etait ce la justice que les gens attendaient en 2012?
Même poésie pour les saoudiens.
Mediapart encore, une lecture qui favorise l’insoutenable légèreté de l’être. Le parquet de Grasse vient de classer un dossier qualifié par Anticor comme « une des plus grosses affaires de corruption de la Cote d’azur », Celle du Château Robert, qui mêle « élus locaux, services de l'État, famille royale d’Arabie saoudite, propriétés luxueuses, cadeaux et échanges de bons procédés ». Une affaire qui met notamment en cause l’ancien maire UMP de Vallauris, Alain Gumiel, soupçonné de s’être entendu « en dehors de tout processus démocratique » avec le prince saoudien Mohamed ben Fahd Al-Saoud, pour lui accorder la constructibilité d'une partie d’un terrain jusqu’alors protégé, en échange de 9 hectares destinés à la municipalité. On dit que la justice est cruelle. Que la Garde des Sceaux est laxiste. Du coté de chez Estrosi elle est assez flexible.
Impunité pour la finance.
La banque est une « Hydre mondiale », comme l’a écrit François Morin dans un petit livre indispensable (12 euros), publié chez Lux. Une hydre puissante bénéficiant souvent de complaisances coupables. Mediapart illustre la chose avec Natixis Asset qui a commis des irrégularités au détriment de nombreux organismes de placements, dont celui qui contribue au financement des députés. Pas grave semble dire la Questeur de l’Assemblée, qui n’a pas souhaité prendre connaissance du dossier que lui proposait de consulter Laurent Mauduit, qui écrit : « C’est une histoire assez stupéfiante, qui en dit long sur l’impunité dont dispose le monde de la finance ».
Caisse des dépôts.
La Cour des comptes avait révélé dans un rapport secret que la cession de 32 000 logements par une filiale de la Caisse des dépôts avait donné lieu au versement de commissions exorbitantes. Mediapart, qui avait levé le lièvre s’était vu attaqué en diffamation. La caisse des dépôts s’est désistée en juin. Sage décision, mais révélatrice de cette inconsistance des grands commis de l'Etat.Ici la CDD.
Sénateur généreux pour la famille.
Chaque sénateur bénéficie d’une réserve parlementaire d’environ 150 000 euros, lui permettant de financer des travaux sur son territoire, une façon de lui permettre de se créer des obligés. Certains sont généreux pour leur ville. Mais il en est un généreux envers l’association présidée par son épouse. Il s’agit de Jacques Marini qui, bien que président de la commission des finances au Sénat n’a pas hésité à alloué 45 000 euros à l’association Compiègne équestre, présidée par son épouse Monique Marini. Responsable mais pas coupable.
Racket sur les entreprises du BTP. Mais que fait la police ?
Extrait du Monde du 25 octobre : « A Marseille, sur les chantiers des quartiers Nord, l'enquête sur l'incendie criminel de la plus grande foreuse d'Europe a mis au jour un vaste système d'extorsion de fonds. Un réseau mafieux attisait la violence des cités pour racketter les entreprises du BTP et obtenir des marchés ». Plusieurs cas de ce genre se passant en Seine-Saint-Denis ont été relatés par le passé. Est-ce ainsi que les entreprises doivent travailler ?
L’Etat absent...
... Des territoires
L’Etat ne se préoccupe que peu des territoires. Terra Nova l’avait écrit, "la gauche a son électorat dans les villes". Sous entendu : pas la peine de regarder ailleurs. Résultat, La disparation de l’idée de solidarité territoriale.
Les illustrations ne manquent pas. Déjà actées, comme le fermetures de casernes dans un certain nombre de villes, la disparitions des bureaux de poste en campagne ; ces économies à l’hôpital, qui on vu hier des hôpitaux fermer et annoncent des coupes dans la masse salariale et des suppressions de lits. Comme cette incertitude qui pèse aussi sur la maintient de certaines sous préfectures. La présence de ce qui personnifiait l’Etat disparaît des territoires, et avec elle la croyance des français dans la pérennité de la nation ou dans ce qui figurait l’idée de République.
Je ne parle même pas de ces territoires dans lesquelles comme l’a écrit l’Obs/Rue 89 « Il n’y a pas de police au quotidien, mais une police d’intervention, qui débarque en force quand elle est appelée et repart aussitôt ». Et on est confronté place Beauvau à « un rejet total de tous les thèmes s’approchant de près ou de loin au registre des rapports police-population, notamment dans les quartiers sensibles, et un verrouillage de la communication sur le modèle de la citadelle assiégée ».
... Dans l’industrie.
Hollande, Valls, visitent assez souvent des entreprises, des usines, pour illustrer le souci qu’ils en ont. Mais ce n’est que de la communication. Sans remonter à Florange, le caillou dans la chaussure de Hollande, combien d’entreprises, d’usines, ont été cédées en 2014 et 2015 ? Le chiffre n’est pas facile à trouver, car on ne parle que des grands cas, du type Alstom, démantelé, ou Alcatel abandonné. Mais une petite recherche donne un peu de lumière. Il faut aller lire « L’usine Nouvelle » ou Les Echos. « Visteon cède ces usines en France à Cerberus », nous dit le premier. « La fusion des deux géants du ciment Lafarge et Holcim, risque de couter cher à la France » nous informe BFM. « L’Etat cède 49,9% de Toulouse-Blagnac à un conglomérat sino-canadien » annonce Air Journal fin 2014. Faut-il continuer. Areva, « l'hiver nucléaire» écrit Elie Cohen, Directeur de recherche au CNRS. Hollande avait lancé en septembre 2015 sa politique industrielle en 34 plans. Presque deux ans après Challenge nous dit que Macron enterre la politique industrielle de Montebourg des 34 plans et détaille ses « 9 solutions industrielles » qui devraient refaire de la France un grand pays productif. Macron meilleur que Montebourg. Ca fait plaisir d’être gouverné par des gens brillants.
Conclusion.
Attendons nous à assister sous la fin du mandat de Hollande à la même comédie que celle que nous avait jouée Sarkozy. Une fuite de militants après les régionales, une mise en scène de quelques cadeaux fiscaux, des reculs stratégiques jours après jour pour sauver ce qui peut l’être de popularité, des crispations dans son entourage, une ambiance de fin de règne. Puis on lira les mêmes titres de une dans la presse qu’il y a cinq ans. Le virage à gauche aura été inutile, Une claque, La magie estompée, La fin d’un règne, Une gauche à reconstruire, Crise d’héritage à Solferino, Un bilan à établir, Au revoir au Président normal, etc….. Sauf un miracle si… Si la droite explosait avant. Si Fillon cassait le vase de Soisson, si Jupé cassait la baraque. Si Bayrou s’alliait à Wauquiez. SI, si, si.