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Billet de blog 6 octobre 2015

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Acteurs politiques dépassés. Acteurs politiques à dépasser. Utopie ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Peu capable de faire vivre ses promesses de campagne, peu capable de donner à sa fonction cette dimension qu’avait réussi à donner à la sienne Franklin Roosevelt dans les mois suivant son accession à la présidence, on  ne peut dire que Hollande, (Comme Sarkozy lors de son mandat), ait réussi à convaincre. Comme on ne peut dire que ceux qui le critiquent à gauche aient réussi également à être convaincant. C’est donc de l’extérieur des partis qu’est attendue l’élaboration des idées et des propositions alternatives.

Parmi les initiatives à signaler, il y a celles du mouvement Utopia, qui tenait ces jours derniers son université d’été à Cannes-Mandelieu, avec comme invité d’honneur Edgar Morin, et la présence du célèbre pianiste argentin Miguel Angel Estrella, tous deux porteurs de la même volonté d’apporter à tous les secteurs de la société, l’un, la musique, ( Ce qui lui valut l’interdiction de travailler par la dictature de son pays, puis d’être arrêté et torturé en Uruguay), l’autre, son exercice raisonné de l’examen critique, de l’intelligence, de la réflexion, ( Qui lui vaut parfois de se voir reproché des idées supposées simplistes). 

Un projet de société.

Les travaux d’Utopia étaient regroupés sous l’objectif : « Pour une société du Buen Vivir », un concept emprunté à l’Amérique latine qu’on peut traduire par « vie bonne » ou « bien vivre ». Un projet de déconstruction de l’idéologie dominante actuelle (consumérisme, croissance, valeur travail), de dépassement du patriarcat et de l’anthropocentrisme. Un projet pour une société fraternelle, écologiquement soutenable et conviviale, empruntant des chemins de transition au niveau individuel, local, national et international.

Ce projet, destiné à être partagé, est construit par des femmes et des hommes impliquéEs par ailleurs dans plusieurs mouvements et plusieurs luttes de la société civile :  

-Des luttes locales, (par exemple contre la barrage de Sivens, ou l’extraction minière, à Rosia Montana en Roumanie, ou dans le Creuse contre les autorisations accordées par l’Etat à la société minière Cominor, pour rouvrir l’extraction de l’or, et donc de l’arsenic associé, des métaux rares, le tout source  à venir de graves pollutions des terrains, des eaux souterraines et des rivières par l’utilisation du cyanure indispensable.

-Des luttes politiques nationales et internationales en faveur de l’environnement et du climat ;

-Des luttes contre l’oligopole bancaire (Mouvement ‘’Où sont passées les chaises de HSBC ?) ;

-Participation aux forums sociaux mondiaux…

Trois jours de travaux intenses, sur des sujets discutés point par point, parfois jusqu’à une heure du matin, ne peuvent se résumer dans un article forcément limité.

Nous retiendrons, dans le cadre du projet « Buen Vivir »,

L’appel au dépassement du capitalisme et du productivisme en raison des dégâts humains et environnementaux qu’ils entrainent,

Les réflexions sur les combats qui portent en germe le monde de demain par un renouveau de l’engagement citoyen contre le dérèglement climatique et les pollutions, l’opposition aux grands projets inutiles,

L’engagement pour une nouvelle politique énergétique et l’arrêt du nucléaire civile et militaire,

Le soutien à une agriculture paysanne et la souveraineté alimentaire,

La relocalisation et la défense des biens communs,

La liberté de circulation et d’installation des personnes humaines.

Tous sujets développés en ateliers ou en assemblées de discussion générale.

Dialogue avec Edgar Morin

Le dialogue avec Edgar Morin a recoupé un certain nombre de ces thématiques, avec ce point central mis en avant par le penseur de la complexité, l’idée de bien être. Un bien être à reconsidérer sous un angle nouveau, car étant devenue un idéal lié à des techniques, et ayant malheureusement entrainé dans sa recherche la dissolution du moi humain. Le développement des biens matériels offerts par la technique a débouché  sur un sous développement de l’être que Morin illustre ainsi: « Plus l’homme est puissant par la technique, plus il est fragile devant les malheurs ».

Et Morin de nous inviter à écouter ces pays d’Amérique du sud où des populations qui ont vécu l’oppression veulent désormais vivre, bien vivre, comme en Equateur, par exemple. De les écouter, car leur expérience vaut aussi chez nous où bien des choses vont mal. Où les gens vivent un mal être de civilisation, qui n’est pas celui diagnostiqué par Freud, mai qui est attaché à l’être vécu comme un statut d’objet ; à la perte des solidarités, familiale, de voisinage, de travail, qui ont été désintégrées sous le règne de la consommation et de l’individualisme ; au développement des détresses urbaines.

Morin rappelle avoir proposer, aussi bien à Rocard premier ministre qu’à Sarkozy président, de créer des maisons de la solidarité, à l’image des « Crisis center » en Californie. Proposition incomprise, déformée, ou restée sans réponse.

Aussi, Morin pense désormais qu’il faut créer un autre type de société. Car les forces centrées sur le calcul, qui ne connaît pas l’humanité, sur la compétitivité, sur la pression des intérêts, sur l’anonymat, sur la domination de la finance, sur l’accaparement de l’univers par la spéculation, sont devenues hégémoniques.

L’idée de révolution s’étant dégradée il nous faut l’écarter. Mais l’idée de réforme a perdu de son sens aussi, reprise dans un langage qui n’est destiné qu’à faire plaisir au patronat.

Nous y échappons en créant des oasis de vie. La famille, les copains, les vacances. L’engagement local aussi, ou pour une cause particulière, comme celle de l’environnement, les mouvements alternatifs, etc.

Mais cela ne suffit pas. On comprend que tout doit changer. Qu’il nous faut exister comme force historique, une force souple, confédérée, non bureaucratique. Qu’il faut construire un mouvement de métamorphose, un mot qui n’est pas réservé qu’aux libellules. Qu’il nous faut imaginer une autre civilisation. Construire une pensée pour une vie. Et l’expression « bien vivre », « Buen Vivir », peut synthétiser ce modèle de civilisation.

D’autres sujets, susceptibles d’irriguer la pensée nécessaire pour imaginer cette terre d’utopie vers laquelle il nous faut aller, ont été l’objet des travaux d’Utopia. Celui sur la propriété et les communs, celui du revenu universel, de la place de l’art et des artistes dans un monde libéré de la toute puissance actuelle du marché dans ce domaine, du féminisme défendu par la voix des responsables présentes du mouvement des Femen. Tous sujets que vous pourrez retrouver sur le site d’Utopia : http://www.mouvementutopia.org/blog/

Vous trouverez sur le site bien d’autres informations sur des actions qui ne manqueront pas de vous intéresser. Comme ce cycle mensuel de conférences politiques et citoyennes, organisé en partenariat avec Alternatives Economiques, le CEPN, et Mediapart.

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