François Bayrou a souvent dit à ses militants qu’il défendait une position centrale. Encore en septembre 2012 : « Le jour où ce mouvement d'unité aura porté ses fruits, on aura des débats. Il y aura ceux qui défendront mordicus la position de droite, ceux qui, comme moi, défendront une position plus centrale et plus autonome et peut-être un jour on sera obligé d'accepter de travailler avec des gens plus à gauche ». (http://www.20minutes.fr/politique/1013191-modem-francois-bayrou-appelle-militants-rester-groupes).
Un an après, le rapprochement UDI-Modem peut il être donné comme central ? Et si oui, pourra-t-il le rester. L’avenir nous le dira.
Mais le logo de ce rapprochement, conçu comme l’adition de l’UDI et du Modem placé au dessus d’une barre, au dessous de laquelle on trouve « l’alternative », ne porte-t-il pas symboliquement la forme d’une « division » à venir.
Car ils sont nombreux à dire à l’UDI, comme Rudy Salles, député du Nouveau Centre et ancien pilier de l’UDF sur la Côte d’Azur: « que la réconciliation annoncée aujourd’hui de la grande famille centriste ne peut se faire sans garde-fou », ajoutant, comme le rapporte Nice-Matin : « nous avons signé une charte qui réaffirme que nous sommes dans l’opposition et stipule noir sur blanc qu’il n’y a aucune alliance possible avec le PS ».
D’ailleurs, quel média n’a pas relayé un scepticisme ambiant, puisé aussi bien au sein des formations centristes que des autres ?
« Certains élus centristes ne sont pas franchement emballés par l'idée d'une alliance entre l'UDI et le MoDem », écrit le JDD, citant Sauvadet qui « refuse les alliances à la carte » faites par le Modem. Une position « comprise » par Maurice Leroy, porte-parole de l’UDI.
Un scepticisme qui n’affleure pas qu’à l’UDI, mais aussi au Modem. Il suffit d’écouter Jean-Luc Bennahmias, le député européen du Modem de Marseille : « Le Modem possède un ADN qui n’est pas celui de l’UDI ».
Si cela est dit de Marseille, cela se dit également dans les sphères Modem des Hauts-de- Seine où le président de l’UDI n’est autre qu’André Santini, le député-maire sulfureux d’Issy –les-Moulineaux, élu par les militants du département peu après, excusez du peu, sa condamnation par le tribunal de Versailles aux cotés de son compère Pasqua. (Il s’est pourvu en appel). http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/01/21/pasqua-et-santini-condamnes-a-2-ans-avec-sursis-dans-l-affaire-de-la-fondation-hamon_1820103_3224.html
Ambiguïté inscrite dans le texte même de l’accord qui dit d’une part que « l’alliance avec le PS et les appareils de la coalition au pouvoir est impossible », et d’autre part que ce rassemblement s’adresse aux français du centre, de la droite républicaine et même de gauche déçus par la fermeture de la majorité au pouvoir.
Alors, que peut-on attendre de ce rapprochement « négocié avec le plus grand soin », comme l’a dit François Bayrou dans un message à ses militants ?
Ce n’est pas la conférence de presse du 5 novembre qui a permis d’y voir clair.
Certes, les prémisses sont bien posées. Il était devenu urgent, « le désarroi et la colère gagnant une part croissante de la société française », de proposer aux français « désabusés », une alternative, l’alternance répétitive droite gauche étant devenue totalement improductive.
Certes, la conclusion est de responsabilité : « nous décidons de nous rassembler pour créer une force dont la mission sera de faire face a cette crise ».
Mais au-delà des affirmations que tout un chacun pourrait signer : « nous somment des humanistes », « nous sommes républicains et démocrates », « nous sommes des réformistes » ; au-delà des buts affirmés : besoin de renouveler la vie politique ; condamnation de la politique du gouvernement ; positionnement dans une opposition constructive, déterminée, et non manichéenne ; refus des extrêmes ; revendication de la liberté… les réponses attendues par les militants du MoDem et de l’UDI n’ont-elles pas été déçues ?
Les premières d’entre elles concernent bien entendu les élections municipales à venir, les alliances déjà actées ou en cours de discussion, la liberté de négociation laissée aux sections locales. Rien n’est dit. Mais on peut se demander si les ruades attendues dans les écuries UDI ne viendront pas obliger certains, au Modem, à manger leur chapeau.
Les secondes portent sur les grands choix politiques de ce qui est annoncé dans la charte rédigée par les deux parties comme un « projet », et dont pas une ligne n’est détaillée.
Il a bien été annoncé que chaque mois un grand sujet de préoccupation nationale serait traité concrètement par le rassemblement centriste. Mais certains se montrent sceptiques.
Quel grand dossier le MoDem est-il parvenu à produire ou à faire connaître, en six ans, sur la réforme fiscale, la lutte contre la corruption, la réforme de la justice, etc. ? Pourquoi les 18 commissions thématiques mises en place après 2007 se sont-elles perdues dans les sables de la rue de l’université ?
Quels grands textes a produit l’UDI au cours des 12 derniers mois ?
Et les questions affluent. Que faudrait-il donc pour que ce rassemblement du centre ait une chance de devenir central ? L’éclatement annoncé (espéré) de l’UMP ? Une déferlante du FN aux élections de 2014 ? Une crise sociale que les événements de Bretagne annonceraient ? Un Président de la république fissuré au point de s’écrouler ? Et devenant central, ce rassemblement ne serait-il pas emporté, comme bien d’autres choses, dans ces occurrences là ? Qui peut le prévoir ?
Reste que ce mariage du jour se voulait joyeux. Y aura-t-il assez de dragées pour les Français ?
L’Ironie du jour, c’est l’UMP qui nous l’a fournie. Ne voilà-t-il pas qu’un fameux nageur de piscines ensoleillées cherche à plonger dans le cours des choses, le président de l’UMP lui même, Jean-François Copé. Il a annoncé hier qu’il souhaitait « montrer aux Français qu’une autre politique est indispensable face à la situation de délitement de l’exécutif » et que son parti présentera « les grandes lignes d’un projet d’alternance » pour la France « fin janvier ou début février » 2014, comme le rapporte une dépêche de l’AFP.
Il a bien dit alternance. Pas alternative.
De quoi relancer l’argumentation du grammairien François Bayrou.