J'entends dire que Bayrou ne s'exprimerait pas sur la recherche.
Je ne sais si c'est vrai, ne lisant ni n'entendant pas tout. Mais j'ai jeté un œil sur ses derniers livres, et indirectement trouvé quelques réponses qui ont leur cohérences.
D'abord, il faut constater que les deux grandes priorités de Bayrou, "Construire" et "Instruire", si elles dominent justement son discours, sont en quelque sorte en amont et en aval de la question de la recherche. Elles sont le préalable à sa possibilité d'être, et l'avenir de sa justification, qui ne peut que s'inscrire dans l'utilité sociale.
Et c'était évident dès son "Projet d'espoir", écrit en 2007 pour sa campagne présidentielle, où il disait déjà la nécessité de réformer l'école pour "répondre à l'inquiétude sur l'université française". Dont il disait que "les taux d'échec, notamment dans le premier cycle, sont si lourds qu'ils désespèrent les familles et les étudiants".
Et voilà ce qu'il disait sur la recherche. "Il y a un drame de la recherche française: nous formons des chercheurs parmi les plus brillants du monde... et ils partent aux Etats Unis peupler les laboratoires de toutes les Silicon Valley. Gâchis pour la nation. Gâchis financier et gâchis humains".
Et il continuait ainsi: "C'est pourquoi un pacte s'impose pour augmenter régulièrement les moyens de la recherche publique. C'est pourquoi un pacte européen s'impose sur le même sujet". Appelant à ce que la recherche soit honorée chez nous comme elle l'est à l'étranger où elle est la voie royale de la sélection des élites, et où le titre de docteur qui sanctionne une thèse suscite les murmures d'admiration". Regrettant que "chez nous la recherche forme des chercheurs", alors que dans les autres pays "la recherche forme aussi les grands cadres de la nation". Il proposait donc "d'ouvrir une réflexion sur le rapprochement entre université et grandes écoles".
Ce qu'il a repris en 2012, dans "Etat d'urgence", publié au mois d'aout dernier, où un chapitre a pour titre: "Université, problème français". Il y parle de cette "dualité grandes écoles-université" qui "génère une véritable crise d'identité". L’université précise-t-il "se sent frustrée à double titre. Chargée de la mission la moins valorisante et la plus difficile de former à la connaissance et à la science un public de jeunes très hétérogène, elle dispose de beaucoup moins de moyens pour y parvenir que les voisins", "les grandes écoles, auréolées du prestige d'établissements de sélection pour l'élite de la fonction publique, de l'entreprise, et désormais de l'univers financier". Regrettant par ailleurs que le statut de recherche en France soit considéré comme une spécialisation, et non pas comme une formation généralisée de haut niveau.
A quoi se rajoute le fait que "En France, l'Université se dit au singulier, elle délivre des diplômes qui ont cours partout sur le territoire. Chez nos voisins, chacune délivre ses propres diplômes et est maitresse de son recrutement, pour les enseignants, de sa sélection pour les étudiants".
"L'université doit conquérir l'excellence réputée être le lot des grandes écoles. Elle doit avoir le doctorat popularisé, notamment auprès des DRH d'entreprises, comme une formation qui qualifie pour la responsabilité d'encadrement".
Concluant par cet appel aux personnes concernées à s'emparer des questions: "C'est un débat pour la communauté universitaire toute entière, débat auquel, je le crois, nombre d'universitaire participeront passionnément.".
Et, pour bien comprendre, à mon avis, les positions de François Bayrou sur la recherche, nous ne pouvons faire l'économie de les lier à son combat pour la réindustrialisation de notre pays. Un appel "À réhabiliter la création".
A juste titre, me semble-t-il, Bayrou constate: "Il n'y a pas de différence de nature entre la création économique, la création d'entreprise, la création de science, la recherche, brevets et processus de fabrication, la création culturelle, le livre, l'audiovisuel, la forme, le design". "Créer est tout un" dit il.
La supériorité de Bayrou sur les autres candidats est toute entière affirmée dans ces quelques mots, qui sont ceux d'un humaniste authentique. Pour qui l'espoir est dans l'homme. Pour qui la solution est dans l'homme. Dans sa capacité à créer.
En définitive, pour lui, la recherche n'est pas un élément social à isoler des autres. Ses propositions sont un tout comme l'homme est un tout. Dès lors il n'est pas étonnant que son slogan de campagne soit la solidarité. C'est le seul mot pour rassembler tout un peuple de citoyens, menacés par la crise et les politiques inadaptées proposées, et par la droite, et par la gauche.