Tous nos gouvernements, issus d’élections dites libres depuis trente ans, se sont toujours abrités derrière celles-ci pour qualifier leurs décisions de légitimes. Décisions prises ‘’au nom du peuple français’’.
Ce peuple, s’appartient-il ? Non. Ce peuple appartient en fait à ces politiques, leur a toujours appartenu, qui a bénéficié de sa liberté comme une domesticité bénéficie de la sienne. Liberté contrainte ; par la peur de perdre son emploi ; la peur de manifester devant une police armée comme pour la guerre. Peuple conditionné - par une presse en grande partie aux mains de grands industriels et de princes de la finance ; peuple mal responsabilisé par un enseignement défaillant - en vue de rendre ses cerveaux disponibles.
A priori, donc, que pouvons-nous attendre de ces responsables politiques qui tous, dans le passé, ont pris des décisions favorables à la finance et aux grands groupes internationaux constitués en lobbys puissants et corrupteurs. Pas grands choses.
Si l’organisation des nations pouvait se passer de la politique, un grand tribunal populaire les convoquerait pour les chasser et leur interdire toute action.
Malheureusement, nous ne pouvons nous passer de politique. Nous avons besoin de la politique. Nous nous devons de faire à nouveau, comme du temps de nos ancêtres, de la politique un bien commun. Ceux qui affirmeraient le contraire le font sur de mauvaises raisons. Il n’y a, en conséquence, pas d’alternative que ce commun à construire.
Il nous faudra donc nous organiser, via le monde associatif, les représentants sociaux, des citoyens tirés au sort et rapidement formés au débat et au dialogue, pour que soit mise en place une force de proposition de suivi et de contrôle de l’action politique. Et que cette force de proposition et de contrôle soit actée dans la constitution.
Si nous avions eu, par le passé, cette force de proposition et de suivi de l’action politique, nous n’aurions pas subi toutes ces décisions prises par des hommes, de droite comme de gauche, pour complaire aux théoriciens du néolibéralisme, répondre à leur souhait de voir réduire le rôle de la puissance publique, de permettre à ceux-ci de faire main basse sur les services publics, de réduire le champ de l’intérêt général aux profits d’intérêts particuliers.
Nous n’aurions pas vu régner, non plus, au sommet de l’État et dans nombre de collectivités, ces hommes corrompus, jamais, ou si peu nombreux condamnés, comme des Balkany, des Ceccaldi-Raynaud, des Cahuzac, des Flosse, des Mancel, des Bédier, pour ne citer que les plus scandaleux. Restent bien-sur tous ceux dont les noms trainent dans des scandales d’État pas encore jugés, scandales remontant pour certains à plusieurs décennies.
Si nous avions eu par le passé cette force, nous n’aurions pas aujourd’hui ces hôpitaux obligés d’envoyer des malades en Allemagne. Hier, nous n’aurions pas vu ces images de pompiers jetès à terre par une police non solidaire, car payée peu avant par le gouvernement à qui elle est indispensable pour se maintenir. Nous n’entendrions pas un préfet délirer sur la responsabilité des malades en réanimation, préfet excusé puisque maintenu à son poste. Nous n’entendrions pas, en pleine crise sanitaire dans l’Est, le directeur de l'agence régionale de santé (ARS) du Grand Est annoncer le maintien d'un plan de fermeture de 174 lits et d’une réduction de près de 600 postes d’effectifs.
De la même façon que de faire un, ou des procès, serait inutile, car le procès serait général, il n’est pas question d’être naïf, et de croire que le vieux monde ne résistera pas. La vigilance citoyenne devra rester mobilisée.
Il ne faudrait pas qu’au sortir de cette crise, qui à elle seule a montré, plus que tout autre, la nécessité d’une « rupture », d’une remise en cause du système, qu’il en aille comme très vite il en a été en 1945, que le citoyen soit profondément déçu dans son espoir par la remise en selle des plus fautifs des hommes du passé.
Nous ne souhaitons pas que cette phrase de Camus redevienne d’actualité : « Je ne puis pardonner à la société politique contemporaine qu’elle soit une machine à désespérer les hommes ».
Cynthia Fleury l’a écrit récemment : "Après la crise du coronavirus, il faudra combattre ceux qui vous diront qu'il faudra continuer comme avant".