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Billet de blog 14 janvier 2015

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Ils on été Charlie. Hollande et Valls, attendus par leur Histoire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Quand on communie on ne réfléchit pas ». Ces propos de Valls nous interpellent. Ne sont ils pas l'appel à une réflexion nécessaire pour dépasser ce moment d’émotion nationale et internationale, partagé en tête de cortège par plus de cinquante dirigeants de tous pays. Des chefs d’Etat dont on peut craindre qu’une fois retournés s’asseoir derrière les dorures de leur bureau, ils ne se livrent à leurs manœuvres habituelles. Pousser au Grexit pour Merkel. Jouer à la roulette russe de la sortie de l’Europe pour Cameron. Recommencer d’insulter la France pour Netanyahou qui dit aux juifs français : « l’Etat d’Israël est votre maison ». 

Sauf que ces paroles de Valls ne datent pas d’hier mais de 2008 et sont tirées de ses entretiens avec Claude Askolovitch.

Rares ont été ceux qui, au cœur de ces événements sanglants qui ont touché Charlie Hebdo, la communauté juive et nos policiers, ont essayé de lancer une réflexion sur l’avant et l’après de trois jours d’inhumanité barbare. Une réflexion globale sur notre société où peut advenir l’inimaginable. J’ai entendu Hubert Védrine, Michel Onfray, Robert Badinter. Il y en a eu sans doute quelques uns de plus. Mais ils n’ont pas fait foule. Quelques tribunes dans la presse ont également essayé d’apporter leur contribution.

On a focalisé sur dimanche, ce qui se comprend, sur « l’élan magnifique », le « besoin d’unité », le « réveil des consciences », « l’union nationale », la « marche planétaire », et aussi bien sur « l’internationale terroriste », « le manque de moyens du renseignement », et, heureusement pour la lucidité juridictionnelle sur « le prix de l’illusion d’une sureté totale ».

Mais désormais, comme l’a dit une veille institutrice à la retraite dans Libération, « il faut transformer les belles paroles en actes ».

Et c’est là où nous retrouvons le premier ministre Manuel Valls. Pour mettre face à face ce qu’il disait hier et ce qu’il dit aujourd’hui, en matière de politique et d’arsenal législatif. Pour le mettre en cohérence avec une vision de la France qu’il affichait, et notamment sa vision des Français des banlieues, n’hésitant pas à dire : « Les immigrés aussi sont les victimes de l’insécurité absolue ; y compris celle que nous avons laissée s’installer dans les quartiers populaires, et - allons jusqu’au bout -  de l’insécurité que nous, les hommes politiques, les responsables, les Etats, instaurons, contre eux, dans l’application même des lois ».

Une lucidité qu’on espère le voir réveiller rapidement. Car là est bien l’enjeu véritable, puisque reconnu de longue date, et par lui même, et aussi par toute la classe politique qui… n’a rien fait. Sauf construire des projets toujours mal financés, jamais évalués, toujours obsolètes dès que lancés, à l’exemple des politiques de revalorisation des zones urbaines en difficultés, des soutiens toujours insuffisants aux écoles, aux lycées et aux collèges défavorisés.

Le constat le plus étonnant de ces derniers jours ne vient pas d’un politique. Il vient du réalisateur de cinéma Luc besson qui a confié au Monde une chronique : « Réparons l’injustice faite à la jeunesse ». Dans laquelle il écrit : « Quelle est la société que l’on propose ? Basée sur l’argent, le profit, la ségrégation, le racisme… On t’écarte pour ta couleur et ton prénom. On te contrôle dix fois par jour, on t’entasse dans des barres d’immeubles et personne ne te représente. Qui peut vivre et s’épanouir dans de telles conditions ? ».

L’objectif est donc de donner de toute urgence à notre jeunesse des banlieues comme à celle des villes, la place qui ne lui a pas été faite. En contravention totale avec la devise républicaine affichée aux frontons de nos mairies. Où est ta liberté lorsque tu vis dans un ghetto ? Où est l’égalité lorsque tu n’as comme horizon que le chômage ? Où est la fraternité lorsque la société ne te voit plus, sauf à te considérer comme karchérisable ?

C’est l’Etat tout entier qui doit réoccuper ses territoires. C’est l’école tout entière qui doit créer les conditions de la citoyenneté. C’est à la politique de doit retrouver ce pour quoi elle est faite, organiser la vie de la cité.

Mais il faut savoir boucler le cercle. Ce qui veut dire que l’Etat doit retrouver les moyens de sa politique. Faire barrage à ce qui travail contre l’intérêt général : Les comportements antisociaux. Que ce soit ceux de la criminalité organisée, ou ceux de la criminalité financière. Doit être condamnable celui qui attaque un bureau de tabac, comme celui qui prodigue ses conseils à l’entreprise qui veut éviter de payer ses impôts. Il est temps de considérer les déviances des élites qui nuisent à la nation, comme les déviances qui nuisent aux personnes et aux biens. Ces dernières sont jugées assez vite. Les premières le sont trop lentement, et le sable du temps les fait trop souvent oublier. Ce qui affaiblit l’idée de démocratie.

Si on a beaucoup parlé d’unité dimanche dernier et en ce début de semaine, c’est de celle imprimée par ceux qui se sont réunis pour marcher ensemble en silence, celle de la société civile. On attend désormais que les hommes politiques, et surtout ceux qui exercent le pouvoir, fassent preuve de la même dignité, du même courage, pour faire face.

On l’attend en France. Mais aussi en Europe, en Allemagne, en Angleterre et de cette cinquantaine de responsables gouvernementaux qui étaient dimanche en tète du cortège à Paris. En sachant qu’il n’y a guère à attendre de certains d’entre eux, connus pour le peu de respect qu’ils éprouvent pour les libertés. 

Un historien britannique, Tony Judt, a écrit dans son ouvrage « La responsabilité des intellectuels », que « Lorsqu’on lit l’histoire de la France dans l’entre-deux guerres, on est frappé par l’incompétence, l’insouciance et la négligence coupable des hommes qui gouvernèrent le pays et représentèrent les citoyens ».

On pourrait dire un peu la même chose des hommes politiques de ces quinze dernières années.

On aimerait n’avoir plus avoir à le dire dans deux ans. Hollande aura-t-il compris que les français lui laissent encore une chance d’effacer 36 mois d’incompréhension. Valls 2015 relira-t-il Valls 2008 ?

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