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Billet de blog 15 avril 2012

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Grande avancée démocratique dans les médias. Les journalistes de Marianne votent sans isoloir

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les médias sont vraiment devenus un des problèmes de la démocratie en France. Dans son avant dernier numéro Marianne se faisait à juste titre l'écho des journalistes du Figaro et de ceux de Libération qui adressaient le même type de reproche à leur direction sur leur positionnement trop partisan dans cette campagne présidentielle.

Et ne voila-t-il pas, que cette semaine, ce sont les journalistes de Marianne eux mêmes, qui, de manière inexplicable, se mettent à abandonner toute prudence en s'amusant à voter, sans isoloir, devant leurs lecteurs. C'est annoncé en couverture: "Premier tour Pour qui votent les journalistes de Marianne".

Et Jacques Julliard, qui, en grand moraliste, dans son éditorial, dit de Nicolas Sarkozy "qu'il n'a plus rien à perdre, pas même sa dignité", ne s'étonne de rien. Il a été parfois mieux inspiré.

 Il fut un temps où Marianne, magazine auquel je suis abonné, nous apprenait à penser en dehors des clous de la pensée dominante et ne parlait pas  la langue de bois.

C'était un temps, pas si lointain, où les médias ne reprenaient pas les éléments de langage inventés à l'Élysée ou dans les équipes de campagne.

L'exemple en est donc donné dans ce dernier numéro de Marianne, au titre pourtant prometteur: "Les plus gros mensonges de la campagne". Mais pourquoi nous servir, à coté des "plus beaux bobards de cette présidentielle 2012", le plus joli dérapage (déontologique ?) journalistique de l'année ?

Car c'est bien cela que vient de nous servir Marianne. Est ce le rôle de ses journalistes de nous tenir, comme la première Pécresse, ou Morano,  venue, des propos  partisans, nous ventant l'élu de leur plume comme un vulgaire camembert.

 Pour les camemberts, j'ai l'habitude des étalages de supermarchés, qui en politique ont noms Figaro, pour le sapeur Sarkozy, et Libération, pour le sapeur Hollande.

 Mais Marianne ?  Y entendre Jean-Claude Jaillette dire  qu'il va voter Eva Joly, au prétexte que "l'écologie a disparu de la campagne". Comme si c'était la seule chose disparue dans les sables  de cette campagne! Ou encore, qu'il vote Joly au prétexte "des fraudes à l'environnement, de la lutte contre la corruption".  Comme si cela faisait programme de gouvernement ou même faisait d'Eva Joly une présidentiable pour les citoyens.

 Mais Marianne ? Y entendre dire par Christian Duplan, qu'il votera Mélenchon car ce dernier tente de "retrouver" le peuple que la gauche a délaissé! C’est quoi pour lui retrouver le peuple ? Pour moi, retrouver le peuple, ce serait mettre en avant des propositions ayant une chance réelle de le servir, de le défendre, de lui rendre ce qu'on lui a pris depuis trente ans, sous des gouvernements de droite, et sous des gouvernements de gauche.

 Mais Marianne ? Où Périco Légasse vote pour Dupont-Aignan, avec des raisons qui semblent raisonnables, mais qui n'ont que le seul défaut d'oublier tous les défauts des théories de Dupont-Aignan, comme cette "suppression de la Cour de justice européenne", qui pourtant n'a pas manqué, chaque fois que nécessaire, de condamner les travers d'une justice française trop souvent dépendante du pouvoir; ou comme cette "sortie de l'Euro", illusion la plus parfaite d'un possible qui nous ramènerait encore plus bas que ne nous mettront bientôt les marchés, la finance, et la spéculation.

 Mais Marianne ? Où Jean-Dominique Merchet  s'affiche à droite, "Une droite civilisée" nous dit il. Mais dont le sens de la civilisation ne saurait aller "Jusqu'à se reconnaitre dans la famille d'en face". Et tout cela pour soutenir François Bayrou, comme la corde soutient le pendu. N'ayant rien vu de l'originalité de Bayrou, qui consiste au contraire à dire, à répéter, qu'il y a des intelligences à droite, et à gauche, toutes enkystées dans les forces des appareils, et donc non productives, et que son projet, à lui Bayrou, est d'être au second tour pour les libérer et les rassembler, avec les forces du centre, dans une union nationale, qui seule pourra relancer cette France abaissée par trente ans de politiques alternées, qui auront été, d'un coté d'affaiblir la France en  cassant son modèle sociale, et de l'autre d'affaiblir la France par l'illusion que la dette était la solution à ses problèmes. Et que nous dit il encore sur Bayrou, lui, le journaliste dont on attend commentaires éclairés et analyses un peu profondes ? "Son programme détaillé ? Laissons les militants du Modem le défendre". Nous laissant entendre "qu'au premier tout il votera avec ses tripes, et au second avec sa tête".

 Marianne sauve malgré tout l'honneur, par la plume de Daniel Bernard, qui s'étonne "Qu'une majorité de ses confrères à Marianne considèrent que la publicité de leur préférence politique peut renforcer le lien de confiance tissé entre le journal et ses lecteurs" et nous dit qu'il "croise les doigts pour que son journal n'épuise pas sa mission d'information au terme du mandat de l'actuel président".

 C'est ce que j'espère. Nous aurons, nous avons déjà, Libération, Pravda de gauche, comme nous avons eu, avons encore, Le Figaro, Pravda de droite.

Nous avons, nous aurons, encore besoin d'une presse libre. C'est la raison pour laquelle je voterai Bayrou. Il est le seul à vouloir une moralisation de la vie publique, le seul a vouloir des médias indépendants et  mettre fin à la nomination des présidents de France Télévision et Radio France par le chef de l'Etat.

Je voterai avec ma tête au premier tour. Et très certainement blanc au second, si Bayrou n'y était pas.

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