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Billet de blog 20 avril 2015

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Grèce/Europe. Jean Quatremer s’habille en Pravda.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Si le quotidien Libération n’est pas la voix du Conseil Européen, et son numéro du week-End dernier, très complet sur la question Grèce versus Bruxelles, le prouve, son correspondant à Bruxelles aurait fait, lui, des merveilles à la Pravda sous le régime de l’URSS. Il est difficile en effet de trouver plus belle langue de bois néolibérale que lui actuellement, et meilleur couteau de chasse dans la tentative d’assassinat de la Grèce de Syriza.

Il est parfait en lame courbe, pour ce qu’essaient de faire les gouvernements de droite et de gauche en Europe actuellement, ce que voudraient réussir l’Allemagne de Schäuble et Merkel, mettre à mort ce dont ils ont le plus peur, un peuple qui a refusé le diktat stupide de la Troïka, qui refuse de payer au delà du raisonnable le sauvetage des banques allemandes et françaises « qui avaient prêté de manière inconsidérée à des gouvernements grecs corrompus », comme l’écrit, en miroir inversé de Quatremer, dans ce  numéro de Libération, Maria Malagardis.

« Si les Grecs réussissent, alors il y a une remise en cause de trente ans de politiques néolibérales qui visent à asphyxier les peuples » rajoute Clémentine Autain, porte-parole d’Ensemble, dans un grand débat de la rédaction qui réunit aussi Yves Bertoncini, directeur de l’Institut jacques Delors, Michel Vakaloulis, professeur de sciences politiques à Paris-VIII, Raoul Sampognaro économiste de l’OFCE, et la philosophe Sandra Laugier, qui a publié récemment avec Albert Ogien « Pourquoi désobéir en démocratie ? », aux éditions La Découverte.

Pour étayer son argumentation, Quatremer n’hésite pas à proférer mensonges et contrevérités, car pour tuer son chien il faut l’accuser de la rage.

« A suivre Syriza il y aurait d’un coté, une Grèce démocratique et, de l’autre, une zone euro bureaucratique sans aucune légitimité politique », écrit-il.

Ce à quoi semble répondre Michel Vakaloulis dans une autre page du journal, en disant que pour le gouvernement grec « Il ne s’agit pas de mettre en cause la souveraineté des dix-huit autres Etats-nations, mais de contester le noyau dur de la politique austéritaire imposée ».

Et si Quatremer pose « que la crise grecque révèle un choc de légitimité entre les états d’un coté et la quasi fédération qu’est la zone euro de l’autre », on peut tout d’abord parodier : « Fédération, vous avez dit fédération ? », et ensuite s’étonner qu’il n’en profite pas pour en tirer un éclairage plus approfondi que son poste à Bruxelles devrait rendre possible. Mais c’est ainsi, point à la ligne.

Et sur la ligne qui suit, Quatremer nous amène à Juncker, le président de la Commission, qui affirme sans bouger un cil: « Il ne peut pas y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».

Mais comme au pays des veaux on a quand même un peu de mémoire, on se souvient avec Clémentine Autain  « qu’on s’en est rendu compte, puisqu’en France il y a eu un référendum rejetant le Traité constitutionnel européen en 2005. Et que l’Union européenne s’est littéralement assise dessus ».

Et Quatremer d’en rajouter sur Juncker. « Les Etats de l’Union sont engagés par les traités qu’ils ont librement signés » ; en rajoutant, cerise sur la gâteau, histoire de nous mettre du baume au cœur par ces temps où on veut supprimer le latin au lycée : « pacta sunt servanda ». 

Le fonctionnement démocratique de l’UE est donc en question. C’est ce que pointe Sandra Laugier : « Il y a une mise en cause de la représentativité de ces processus d’élection et de représentation des intérêts des citoyens ».

Il faudra bien un jour y venir. Ce que ne fera ni la droite ni le PS. Il faut donc inventer une alternative, construire une nouvelle donne.

Il manque aujourd’hui au monde ce qu’il a connu en d’autres temps. Une foi dans un futur meilleur. Une fraternité pour avancer. Des valeurs à transmettre. Des luttes à partager. Tout ce que le tournant des années 80 a enseveli dans l’économie néoclassique, sous l’argent ‘mesure de tout’, le profit immédiat, la valorisation monétaire de ce qui échappait au monde marchand, la criminalité en col blanc qui tient la main du politique dépossédé de ce qui faisait sa grandeur, être au service du bien public et de l’intérêt général.

Et c’est pourquoi les mots d’un Quatremer sont intolérables. Dans une Europe où l’égoïsme des Etats entraine les hommes à n’être plus que des individus débranchés de leur société, oublieux du bien être et du futur de leurs enfants, nous avons besoin d’une parole vraie, de journalistes capables de parler de l’intérêt général plutôt que des intérêts particuliers, de monter que ceux qui pensent autrement ne sont pas des ennemis, mais au contraire des amis qui cherchent des chemins pour demain. Nous avons besoin que les vérités soient dites plutôt que soient reproduits les mensonges des dominants.

Reste à s’inquiéter avec Yves Bertoncini « des percées eurosceptiques et europhobes » qu’entrainent cette politique de blocage pratiquée par l’Europe avec la Grèce. Une politique « qui rassemble tous les arguments sauf un, l’intelligence », note Laurent Joffrin dans son éditorial.

Espérons que l’Europe n’auras pas capoté sous les coups de boutoirs des Quatremer/Merkel/Juncker/Draghi/Moscovici/Valls, ou qu’une nouvelle crise financière n’aura pas fait tout éclater, avant que les peuples n’aient ouvert les yeux, lancé le « révolution existentielle » que prônait Vaclav Havel », et repris en main leur destin.

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