Nous pouvons classer les défenseurs du burkini sous deux catégories. Celle qui travestit les mots et celle qui travestit les principes. Ils jouent souvent d’ailleurs dans les deux équipes. Qu’une seule qualité regroupe, la volonté de faire pression sur l’Etat et les citoyens pour qu’ils acceptent, non pas l’islam et sa culture, mais ce qu’en dicte sa mouvance la plus extrémiste, le salafisme wahhabite.
Dés lors, il n’est pas étonnant que les rejoignent d’une part les extrémistes venus des rangs des autres religions, d’autre part, les naïfs, qui, au nom des grands principes, refusent de voir que les ennemis des musulmans de France, qu’ils croient défendre, sont en fait les partisans de l’extrémisme salafiste wahhabite, dont l’emprise s’étend chaque année davantage.
Ceux qui travestissent les mots cherchent à faire croire, par médias interposés, que le burkini est un vêtement normal, ce qu’il n’est pas, car les tenants du Burkini eux mêmes, devant le juge, disent le contraire, comme l’atteste l’avocat du CCIF (Comité contre l’islamophobie en France). Son client, nous dit-il, fait appel de la décision du tribunal administratif de Nice interdisant le burkini car « cette décision ouvre la porte à l’interdiction de tout signe religieux dans l’espace public ». In le Monde.fr du 13/08. La messe est dite.
Après la première vague des défenseurs naïfs, arrivent désormais les complices radicalisés des religions. Comme l’illustre un article sur Mediapart*. Lequel commence très fort.
Il serait « urgent de choisir le camp des opprimés… pour rétablir l’état de droit conforme aux normes bafouées de la République », et « combattre le racisme d’Etat qui, sous ses oripeaux de laïcité, sévit aujourd'hui contre nos compatriotes musulmans».
L’auteur de ces phrases n’a donc rien lu ces jours ci et les jours d’avant de ce qui s’écrit. Car il aurait appris des choses intéressantes.
Dans Libération, ceci, sous la plume de Aalam Wassef, Editeur Egyptien. « Qu’il ne faut pas être naïf sur le symbole de cette étoffe ». Et que le CCIF « s’érige en défenseur non pas «des musulmans de France», mais d’une mouvance extrémiste très singulière, le wahhabisme de France qui s’emploie à exporter son idéologie », en matière entre autres, « de mode de vie, de mode vestimentaire, voile, niqab, burkini », et qu’il « se préoccupe tout particulièrement des femmes, de leur corps, de leurs devoirs, de leur pudeur et, peut-on entendre aussi, de leur honneur ».
Mais derrière ce refus de voir, il y a autre chose bien entendu. C’est la chose religieuse. Pas la chose musulmane, la chose des autres extrémismes religieux.
Et notre chroniqueur de nous sortir un communiqué de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP). Qui dit ceci :
« les plages républicaines et laïques prétendent interdire à des citoyennes de se baigner en burkini, les mêmes n’osant par "pudeur" sans doute rappeler que les femmes juives orthodoxes portent exactement les mêmes tenues "tsnouot" modestes, souvent dans des plages "communautaires". Tant il est évident que ce n’est pas la tenue qui est visée mais celles qui la portent parce qu’elles sont musulmanes ».
Et de nous faire son commentaire : « Le silence des autorités religieuses chrétiennes, mais en ce qui nous concerne particulièrement, le silence des autorités religieuses ou communautaires juives à ce propos nous interroge. Nous considérons que cette ruée raciste contre les musulmans de ce pays devrait toucher les organisations juives communautaires et consistoriales dans ce qu’elles ont de plus cher, et pour cause : l’égalité de tous, quelle que soit l’appartenance religieuse, et le droit fondamental à la libre pratique de son culte ».
Et là, ce qui est merveilleux, c’est de voir appliqué le même procédé que les salafistes appliquent. Celui du travestissement du sens des valeurs républicaines. C’est au nom de l’égalité républicaine, issue directement du mouvement des Lumières, de sa résistance face à la religion et au pouvoir absolu, que notre chroniqueur veut imposer dans les lieux publics le burkini et la tenue « tsnouot ». Et d’en appeler « au sursaut républicain ». Pour défendre comme il dit "la libre pratique de son culte". Les responsables de sa communauté seront étonnés d'apprendre que nos politiques qu'ils cotoient en toutes occasions sont un empêchement à "leur pratique cultuelle".
Sauf que le sursaut républicain a bien lieu. Mais porté par ceux qui sont en position de le défendre, et avant tout les porteurs du droit. Comme l’a fait dans Le Monde Roseline Letteron professeur de droit public, qui écrit : « Le débat sur le « burkini », on s’en doute, n’est pas seulement vestimentaire. Son enjeu est la conception de la laïcité que l’on souhaite mettre en œuvre dans notre pays, ajoutant, que le juge niçois « réaffirme la conception française de la laïcité ». Puis elle rappelle « Que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 19 novembre 2004, comme la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans une jurisprudence constante, a déclaré que le droit de manifester ses convictions peut être soumis à des restrictions pour garantir le principe de laïcité », concluant ainsi : « la juridiction emploie même l’expression de « modèle français de laïcité, validant ainsi la conception visant à protéger l’Etat contre toute ingérence des religions et à assurer le respect du principe de neutralité ».
Donc, pour conclure, il y a bien derrière cette affaire d’étoffe, une volonté transparente qui révèle l’affirmation religieuse d’une radicalité qui cherche à s’imposer, en revisitant, comme l’écrit Joseph Macé-Scaron dans Marianne, « les idéaux de 1789 et des lumières pour les retourner à des fins obscurantistes ».
Cette campagne religieuse fondamentaliste que certains appuient dans Mediapart n’est pas soutenable. « Rien ne justifie de sombrer dans l’excès consistant à faciliter cette propagande en se solidarisant avec ces signes régressifs et sexistes comme s’il s’agissait d’objets sacrés de l’islam », écrit Catherine Fourest sur son blog.
Nous n’avons aucune raison de céder devant une conception de la société qui bafoue un des piliers de notre nation, la laïcité, gagnée de haute lutte au cours de notre histoire contre l’obscurantiste religieux et l’absolutisme du pouvoir. Il nous faut résister, pour reprendre les termes de Philippe d’Iribarne directeur de recherche au CNRS, à cette tentative de « construction d’une contre-société, rebelle à nos valeurs ».
Alors, messieurs du lobby des radicalités religieuses, l’affaire est-elle entendue ?
https://blogs.mediapart.fr/gavroche/blog/190816/ceux-quon-foule-aux-pieds