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Billet de blog 21 septembre 2015

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Notre pays n’est plus la France. Mais qui sait ce qu'est l’Europe ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Le choix n’est pas entre deux visions du monde, mais entre la précision et le verbiage », a dit Paul Veyne dans  un livre d’entretiens en 1995. On aimerait que cette phrase éclaire chaque jour ceux qui, depuis quelques jours, s’en prennent aux propos de Michel Onfray dans le Figaro, ou ceux qui commentent au gré du temps l’actualité.

La passion qui manipule et l’émotion manipulée.

Car ce qu’on entend est bien, à quelques nuances près, l’expression de passions opposées, qui sont, chacune à elle même, leur propre légitimité. On ne commente pas, on déforme, on grossit, on extrapole, pour mieux servir sa propre pensée, réduite à la défense du camp qu’on a choisi.

On en fera bien sur en premier lieu le reproche à Onfray, encore qu’il ne soit attaché, lui,  à aucun camp,  mais dont les propos dans le Figaro ont été formulés de la façon la plus maladroite et inacceptable possible. Plutôt que de se montrer précis sur le fait qu’une image insoutenable d’enfant mort sur une plage de Turquie ait « conduit Hollande à modifier la position de la France sur la crise des migrants », question posée par le Figaro, il s’est enfermé dans un commentaire sur le rôle et l’utilisation de la photo dans notre société. Ce qui pouvait s’entendre dans un débat sur le rôle de l’image dans les médias est devenu inaudible. Pire, est devenu totalement improductif, car permettant, par son ambiguïté, ouverture à polémique.

Une porte que Laurent Joffrin dans Libération n’a pas manqué de prendre.  Il s’est payé le luxe de faire la leçon en 301 mots à Onfray qui n’en avait pris que 121 dans sa première réponse de l’interview. Et Joffrin a été jusqu’à écrire que  « la mise en cause systématique des «versions officielles», des «émotions médiatiques», des «discours dominants» est une modalité permanente de la rhétorique complotiste selon laquelle des forces obscures manipulent par définition la conscience publique ». Onfray complotiste ! Il fallait oser. En fait, il attaque Onfray, mais c’est Hollande qu’il défend. Alors, Joffrin, Journaliste de cour ? « Onfray est censé être philosophe. Pourquoi s’abaisse-t-il en usant d’une recette aussi éculée ? », nous dit -il . On pourrait lui renvoyer la balle. Joffrin est censé être journaliste. Pourquoi s’abaisse-t-il à user de la réfraction verbale pour mettre à terre l’adversaire ? En  l’accusant de faire le jeu du FN.

On parle du FN pour ne rien dire des autres dérives politiques.

Car derrière la polémique Onfray, c’est la politique qui montre son nez. Les questions que soulèvent Onfray, sur l’idéologie libérale qui domine, « aussi bien sous Sarkozy que sous Hollande », dit-il au Figaro, sont celles que la gauche de gouvernement refuse d’entendre, même venant de son propre camp. Et que Joffrin le libéral ne peut accepter, car en l’acceptant il devrait faire œuvre de journaliste, expliquer que le libéralisme ce n’est pas la liberté, que c’est son contraire, que le libéralisme est à la liberté ce qu’est la loi sur le renseignement à la démocratie, une arnaque. Expliquer pourquoi son journal ménage toujours le choux gras du politique. A gauche comme à droite les questions font peur.

Alors que, nous dit Jacques Julliard dans Marianne, « Les questions que se posent les Français à propos de l’Europe, à propos de leur emploi, de leur sécurité et de leur culture nationales sont légitimes, on doit pouvoir y répondre sans soupçonner chez les uns des relents de racisme, chez les autres la volonté élitiste de stigmatiser les  peuples ».

Mais à question il faut réponse. Et les réponses qu’on refuse de donner, les précisions qu’on se garde de donner, débouchent sur la surprise du réel qui finit par les apporter, mais sous une forme violente.

Le réel d’une Europe impuissante à se gérer et à gérer les questions qui se posent à elle, qui montre chaque jour ses limites, son impuissance, son incompétence, c’est à dire l’incompétence des hommes qui la gouvernent, l’inadéquation de ses institutions, les limites de ses politiques. Avec en illustration, hier la crise Grecque ; l’afflux des immigrés sur les rivages italiens, une Italie qu’on laisse gérer seule la question comme on a aussi laissé la Grèce face au même problème ; la cacophonie aujourd’hui devant les réfugiées du Moyen-Orient ; l’exacerbation du racisme et des nationalismes ; Schengen au bord d’éclater avec le retour des frontières à l’Est etc.

Des autorités endoctrinées par les banques et la finance.

Et ce n’est pas Joffrin qui va nous donner dans ses éditoriaux les précisions sur les causes réelles mais bien cachées du déclin de l’Europe, le déclin « des peuples et des territoires qui la composent » comme l’a écrit Schauble dans le Figaro, une façon d’éviter le mot Etat, comme l’a noté sur France Culture Marie-France Garaud le 20 aout dernier. 

Déclin des valeurs qu’on nous avait présentées comme essentielles : La démocratie, la liberté, la solidarité,  l’humanisme, la dignité humaine, le respect des droits de l’homme, tous ces principes couchés dans l’article I-2 de la constitution européenne.

Cat il aurait fallu précisé que derrière ces mots, destinés à endormir les peuples, se cachait en réalité une économie de marché où la concurrence est libre, totalement au service des intérêts privés ; se cachait la mise des Etats et des peuples sous tutelle, comme l’a analysé Olivier Berruyer*, et comme l’a révélé hier la crise grecque, et auparavant le contournement du non au référendum de 2005 en France, mais aussi en Irlande et aux Pays-Bas.

Et quand on parle intérêts privés, on  ne parle pas de la PME ou du boulanger du coin, à qui on fait croire qu’ils jouent dans la même cour entrepreneuriale que les grands. Non, on parle des grands groupes transnationaux, des banques, de la finance, des marchands d’armes, des trafiquants, du crime en col blanc ou du crime organisé, des corrupteurs et des corrompus, tous liés pour gagner vite et plus, en bande organisée, mais si rarement poursuivis et encore moins condamnés. La justice est si lente mon pauvre monsieur ! On parle ainsi, car on a lu Jean-François Gayraud (La grande fraude) qui nous dit que « Les autorités sont si endoctrinées qu’elles en viennent à voir le monde à travers les yeux des banquiers et financiers. C’est une sorte de prise d’otage intellectuelle provoquant une distorsion de la perception du réel. Cet alignement des perceptions se fait au détriment de l’intérêt général et au profit d’intérêts particuliers ».

Criminalité à tous les étages. Circulez y a rien a voir !

Alors on a, Balkany, Joëlle Ceccaldi-Raynaud, Santini et Cie, en liberté de mal faire ; L’évasion fiscale jamais résolue car si peu combattue, d’où Cahuzac dans son fauteuil quelque part  et Madame Bettencourt et ses douze comptes en Suisse, (Le Monde du 21/11/2011), dans son fauteuil aussi, mais avec une couverture sur les genoux ;

La banque UBS, condamnée aux USA mais dont on se demande si et quand elle le sera un jour en France ;

Un patron de BNP Paribas osant dire que les nouvelles normes bancaires  seraient inadaptées car « ça n’est pas démocratique tout ça », (voir Alteréco**) ;

On a aussi le Conseil Constitutionnel, acceptant l’interdiction du Bisphénol en France dans les contenants, mais censurant la loi afin de permettre aux industriels de continuer d’exporter leurs saloperies, bel exemple d’une morale d’Etat en décrépitude ;

On a aussi des banques qui ont fraudé en bande organisée, sur les prêts subprimes, les taux de changes et  les taux interbancaires notamment, comme le Libor, l’Euribor ou le Tibor, le recyclage de l’argent de la drogue. Avec des condamnations par milliards de dollars ou d’euros. Parmi les Condamnées les banques Barclays, Deutsche Bank, Société Générale, BNP, Crédit Agricole, BPCE, Banque Postale, JP Morgan, Citigroup, Wachovia, Bank of America, Royal Bank of Scotland, UBS, Crédit Suisse. Des banques condamnées, mais aucun de ses responsables poursuivi.

Si on parle des transnationales, des intérêts privés et de leurs agissements non éthiques ou illégaux, on est bien obligé de constater que, malgré le poids des mots de la propagande officielle destinée à détourner l’attention du public de la vraie nature du régime, et l’utilisation du secret d’Etat comme paravent, les peuples commencent à se réveiller, en Espagne, en Grèce, au royaume Uni. Où demain ?

Et si on parle du réveil de la conscience populaire, on est bien obligé de tenir compte des leçons de l’histoire. En allant chercher cet enseignement non pas chez les historiens orthodoxes, car les orthodoxes sont majoritaires chez les historiens comme ils le sont en économie, pour se rendre compte qu’à chaque époque où la société du bas se réveillait, la société du haut mettait en place des stratégies de déstabilisation, créant des perturbations et des désordres aptes à favoriser le déséquilibre social et la perte des repères. Ce fut le cas avant 1914, comme avant la seconde guerre mondiale. C’est aujourd’hui le cas partout. Et de cela il faut s’inquiéter, comme aurait du s’inquiéter les peuples sur les vraies raisons de la guerre de 1914/1918 ou celles de la seconde guerre mondiale. S’inquiéter des conneries des politiques et dévoiler derrières ceux-ci le jeu des actionnaires et dirigeants d’entreprises travaillant pour leurs seul intérêts.

Il faut lire Jacques R. Pauwels pour sa déconstruction dans « Le mythe de la bonne guerre »  de cette histoire truquée qu’on nous apprend. Ainsi, ces quelques lignes: « Le dictateur nazi et les idées fascistes étaient particulièrement prisées et admirées par les propriétaires, les gestionnaires et les actionnaires de ces entreprises américaines qui avaient, durant les années 20, investi de larges capitaux en Allemagne en acquérant et en créant des firmes, ou en s’engageant dans des partenariats stratégiques avec des intérêts allemands. Tels Coca-Cola, General Motors avec Opel, Ford, IBM, Standard-Oil, etc. ». N’hésitant pas à préciser « Les américains qui pensaient ainsi considéraient Hitler comme un des leurs ».

Il faut lire ce livre pour mieux être à même de tenter de lire chaque jour derrière ce qu’on nous raconte les raisons cachées de notre Europe et du monde.

Car ce n’est pas Joffrin ni ses semblables qui vont  enquêter pour nous expliquer le dessous des cartes. (Mais, il y a Mediapart). Nous dire les raisons pour lesquelles Sarkozy a entrainé la France à démettre un tyran libyen qu’il honorait à Paris peu avant, comme peu de chefs d’Etat ont été honorés, ni nous expliquer pourquoi à peine élu, il s’était précipité au Tchad en 2007 pour défendre les zozos de l’Arche de Zoé.

Ce n’est pas Joffrin qui ira lire le dessous des cartes de l’affaire ukrainienne, ni nous parlera, comme l’a fait Elise Lucet, du dessous peu clair de nos relations avec des dictatures pétrolières, comme le Kazakhstan, (Hollande après Sarkozy),  pas moins ou guère plus fréquentables que Bachar el Assad et Kadhafi.

Les jours, les mois qui viennent, sont porteurs d’une nuée brune qu’un système en faillite pourrait bien manipuler comme il l’a fait dans le passé. Quelles possibilités aurons nous de nous y opposer si dès aujourd’hui nous ne faisons pas l’effort de recherche et d’explication nécessaire, si nous ne cherchons pas à peser sur ceux que nous avons élus, si nous ne cherchons à être maitre de notre destin. Et donc si nous ne défaisons pas ces querelles qui n’ont d’autres résultats que de nous égarer.

http://www.les-crises.fr/voyez-comment-la-france-est-sous-administration-de-bruxelles-5/

http://www.alterecoplus.fr/chronique/christian-chavagneux/match-banquiers-regulateurs-cest-pas-fini-201509171720-00002109.html

Remarque. J’ai emprunté l’expression « Notre pays n’est plus la France » d'un article de Eric Naulleau dans Le Monde de samedi 19, consacré à l’urgence pour la France de se ressaisir.

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