La conjonction de deux événements dans lesquels notre président va briller dans toute sa gloire, le sommet de Davos, évoqué par Laurent Joffrin dans un billet de lundi titré « Le spleen des milliardaires » (pas de lien disponible), et le Sommet de l’attractivité à Versailles de lundi, annoncé par Europe1, et traité dans un article de Mediapart par Hubert Huertas. (Lien en fin d’article), m’amène à un rapprochement éclairant de ces écrits avec les propos de Jean-François Gayraud dans son livre récent : « Théories des hybrides ».
Je ne peux m’empêcher, en effet, en lisant l’article de Hubert Huertas, intitulé « A Versailles, Macron fait la cour aux rois du monde », de relire Jean-François Gayraud qui s’attache à nous ouvrir les yeux sur « l’évolution de la criminalité qui parvient désormais à influer sur la conduite des individus, mais aussi des grandes entreprises et des Etats ».
Un phénomène qui puise d’abord sa source dans la mondialisation née des années 80, dont il ne représente pas seulement la face noire, mais en est un des moteurs les plus actifs.
Ce que Joffrin ne devrait pas contester, qui, après avoir taxé l’objectif de travail des participants à Davos : « Créer un avenir commun dans un monde fracturé » de « tardive lucidité », relaie un rapport de l’ONG OXFAM, affirmant : « que l’inégalité est un des traits essentiels de cette mondialisation tant célébrée à ce sommet des huiles essentielles ».
Gayraud nous explique que les processus d’hybridation des espèces criminelles sont facilités par l’existence de tout un demi-monde d’intermédiaires et de facilitateurs (banquiers, cabinets d’avocats, communicants, agents immobiliers, etc. qui, aidant à la fois les entités politiques et criminelles à blanchir leurs activités (argent et image), concourent ainsi à leur rapprochement.
Dés lors, on ne s’étonne pas de voir un jour l’actualité mettre en avant, comme un phénomène indéchiffrable, la proximité entre un Villepin et un Sarkozy avec un Djouhri, ancien voyou de banlieue, désormais qualifié d’homme d’affaires, affaires auxquelles il fut initié par un dirigeant d’Elf, avant d’être recruté par Vivendi Environnement, et devenir enfin un intermédiaire dans les ventes d’armes. Ce qui lui a permis d’aboutir au sommet, en jouant un rôle de premier plan dans l’affaire du financement, possible, de la campagne de Sarkozy en 2007, par le gouvernement libyen de Kadhafi. Un rôle que la justice française devrait lui demander d’expliquer, après son arrestation à Londres, si tant est qu’on ne lui permette pas de filer à l’anglaise avant d’être extradé.
Comme on ne s’étonne pas un autre jour, de voir invités par le président Macron, à Versailles, quelques banksters notoires et évadés fiscaux.
Etre réaliste en politique, n’est ce pas aujourd’hui inviter, déjeuner et diner avec les facilitateurs de l’hybridation criminelle internationale.
Dans son introduction à « Théorie des hybrides » Jacques de Saint Victor rappelle les propos de Raymond Aron dans sa préface au livre « Théorie de la classe des loisirs » de Thorstein Veblen (en 1970), qui prévoyait que le monde des échanges internationaux ne serait pas une « promesse de paix grâce à l’effacement progressif des frontières » mais resterait entièrement ouvert « à l’action des prédateurs, aux meurs barbares, au vol de la propriété et à l’enrichissement sans cause ». De Saint Victor rajoute : « en 1989, nous nous étions endormis dans un jardin à la française et nous nous sommes réveillés depuis dans une jungle mondialisée ».
Il n’est donc pas fou de prendre au sérieux la phrase de Hubert Huertas dans son article : « La réception de Versailles ne dit pas seulement que désormais la France est libérale et qu’elle ne s’en cache plus. Elle marque aussi le début d’une autre étape, incertaine ».
Cette étape incertaine, je la vois comme le contraire de cette « Révolution » que nous promettait Macron dans son livre ainsi titré. Car il n’aura jamais le courage de rompre avec le milieu dont il est issu, la banque et la finance, et sera emporté, malgré lui, on peut le craindre, à céder à l’ordre du monde que nous décrit Gayraud.
Pour conclure, Je reprendrai encore quelques mot à Jacques de Saint Victor : « Lutter contre le terrorisme est plus « glorieux » que lutter contre des prédateurs ».
Versailles. Huertas. Mediapart : https://www.mediapart.fr/journal/france/220118/versailles-macron-fait-la-cour-aux-rois-du-monde
Versailles. Europe1 : http://www.europe1.fr/emissions/la-une-de-leco/emmanuel-macron-organise-le-grand-sommet-de-lattractivite-a-versailles-3552344
Rapport OXFAM par Marine Orange.
https://www.mediapart.fr/journal/international/220118/rapport-oxfam-un-monde-toujours-plus-inegalitaire