On en parle en France. De l’autre coté des Pyrénées en Espagne aussi. Cela a été tenté en Grèce où ça a foiré. L’union des partis dits de gouvernements serait en passe d’être à la mode.
Parce que menacés, par le FN ici, par Podemos et Ciudademos là bas, les PS, LR (ex UMP), PSOE et PP, tous, « partis d’alternance » installés des deux cotés d’une frontière commune, sont prêts à tenter un bout de chemin ensemble, ou en parlent, afin de sauver leurs sièges et leur pouvoir, d’échapper aux procès pour corruption qui pourraient être faits à nombre de leurs membres, de conserver les avantages liés aux postes et aux fonctions, d’éviter le risque de disparaître.
Ce que Pablo Iglesias, le leader de Podemos, ce parti de deux ans d’âge qui vient de faire, à un poil près, jeu égal avec le Parti Socialiste espagnol, appelle un coup d’Etat soft. En référence à ce que disait David Harvey de Wall-Street, ce parti de la finance qui dirige le monde en s’imposant aux gouvernements, pour défendre la tour d’ivoire du système économique néolibéral.
Coup d’Etat soft, car il s’agit de garder le pouvoir à tout prix, dans le respect formel de la démocratie. Ce qui n’empêche pas d’en trahir l’esprit, car en définitive c’est le peuple qui paye. Le prix du sauvetage des banques en 2008. Un prix social aujourd’hui et demain.
L’histoire ne manque pas d’exemples de coups d’Etat soft, ou de tentatives, opérés au moyen de simples accords passés entre les partis du régime, nous dit Iglesias. Celui du 23F en Espagne en 1981 en est un. La réforme constitutionnelle négociée entre le PSOE et le PP dans l’été 2011 en est une autre forme. La réforme constitutionnelle désirée par Hollande pourrait s’y rattacher.
Car en France, comme en Espagne, les mêmes disfonctionnement opèrent, les partis d’alternance mènent la même politique, depuis des années, celle qu’a imposée le traité de Lisbonne aux nations européennes, soumettant leur souveraineté au pouvoir de la finance et des banques.
Ecoutons ce que disait de l’Espagne en 2011 le député Carlos Martinez Gorriarande de l’UPyD, un parti du centre espagnol : « La particularité de la crise espagnole tient à la superposition d’une crise financière internationale et d’une crise politique. La paralysie institutionnelle démultiplie les effets de la crise économique, et elle pourrait bien finir par vider la démocratie de toute légitimité ».
Ne peut-on pas dire la même chose aujourd’hui de la France ? D’évidence, on peut le dire, comme on peut le dire de l’ensemble des pays européens. A même crise mêmes effets : Rigueur, chômage, précarisation, pauvreté, démantèlement des services publics, etc. Et par dessus, trahison des élites, engagements politiques oubliés, clowneries médiatiques, du type « Tapie revient en politique »…
Sauf qu’en France, la situation est pire qu’en Espagne où l’extrême droite ne campe pas à la porte du palais.
Mais en France comme en Espagne : « il faut que la gauche revienne sur le conservatisme qui lui lie les poings ». (Pablo Iglesias dans son ouvrage « La démocratie face à Wall-Street). « Notre époque exige une cure de jouvence, un élan vers la radicalisation ». (Du même, page 49).
Mais qui créera en France une alternative comme il s’en est dessinée une en Espagne ? On aurait pu croire que Larrouturou et son parti Nouvelle Donne était bien parti pour ouvrir le chemin. Hélas, après un bon départ la machine semble s’être grippée.
On aurait pu croire que, à gauche de la gauche, Mélenchon ouvrait une voie. Hélas, la machine a capotée. Ne reste qu’un homme de plus en plus isolé, qui attend 2017, pour nous refaire le coup du « j’y suis, j’y vais », en pure perte de sens.
On aurait pu croire que les verts seraient à même de fédérer. Hélas, cela risque de finir une fois de plus dans une aventure inutile et éphémère en 2017, avec en ligne de mire obtenir quelques sièges aux législatives post présidentielles.
La dernière alternative serait une révolution de palais chez les socialistes. Mais il y faudrait un courage que les intéressés jugent vraisemblablement suicidaires, comme s’il était encore temps de songer à sauver des sièges dans les conditions qu’on sait.
On en reste donc à une droite au bord de la crise de nerf. A un centre qui flotte entre deux eaux comme un bouchon sans bouteille. A un Parti Socialiste d’où sort un chef de gouvernement qui rêve d’abandonner le mot socialiste, pour mieux gérer encore l’Etat comme un conseil d’administration de la classe économiquement dominante.
Dés lors, sans alternative crédible, une part des français choisiront l’incrédibilité d’une marinade dans laquelle ils iront cuisiner une autofiction qu’on aurait aimé ne pas avoir à ingurgiter.
Ne supportant plus « la caste » qui nous gouverne, mélange de promotion énarchique de type « Voltaire », et de banquiers, ils se jetteront dans les bras de l’extrême droite, qui, elle, se lancera très vite dans la politique des gros bras, comme on vient de le voir à Pontivy, où un mouvement nationaliste breton d’extrême droite, déclinaison du Bloc identaire, à organisé un manifestation contre l’accueil des migrants.
Nous auront bientôt des médias couchés devant l’extrême droite, des adhérents du Medef financeront ses campagnes, Marion Maréchal sera au ministère de l’intérieur et nommera l’évêque de Toulon conseiller technique en charge des cultes, pour mieux encourager et accompagner la dérive des religions vers une morale d’ordre, trop contente de contrer en France un pape qui dérange la droite de la Manif pour tous.
L’Espagne espère. La France désespère. Qui réussira à mobiliser ces français qui attendaient autre chose de la politique après le départ de Sarkozy ? Syriza, en Grèce, a eu tous les pouvoirs financiers européens contre lui, Podemos s’attend de voir les mêmes pouvoir de l’argent tout faire pour empêcher le changement en Espagne. Hollande s’est couché devant eux dès son arrivée.
La finance guide la main du pouvoir. Le procès Cahuzac, s’il vient à l’heure annoncée, montrera que la criminalité financière est monnaie courante au niveau de nos élites. Il suffit de quelques bons livres pour savoir que cette criminalité en col blanc joue un rôle important dans les crises financières* et donc dans les crises sociales qui les suivent. Il est temps d’ouvrir une bataille décisive contre la caste politique et financière qui nous gouverne. Le sauvetage de la démocratie républicaine est à ce prix.
*Lire « les banquiers contre les banques » de Aurore Lalucq avec William Black. Editions Charles Léopold Mayer.