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Billet de blog 24 janvier 2014

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Hollande, Gattaz, ou le galvaudage des mots.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comme l’enseignait dans les années 60 Maurice Duverger, en politique et en économie le camouflage est utilisé par les individus, les partis, les groupes de pression, dans leur tentative d’influencer ou d’obtenir l’appui de l’opinion.

Depuis ces années d’opposition entre les théories marxistes et celles de l’occident, les choses n’ont pas beaucoup changé. Le marxisme a peut être disparu, mais les mots servent tout autant qu’autrefois à la manipulation des citoyens et à l’expression des idéologies.

Il est donc utile de conserver l’esprit critique lorsque des leaders aussi influents que François Hollande ou Pierre Gattaz s’expriment publiquement.

On est donc fort justement amené à considérer les mots qu’ils ont utilisés au crible de l’enseignement de Duverger.

Prenons les mots « entreprise », « responsabilité »,  « confiance ». Ne sont ils pas galvaudés dans la bouche de nos deux leaders.

Car à qui Hollande adresse-t-il ce mot de « responsabilité », dans « pacte de responsabilité » ? Aux entreprises, pensent certains. Certes. Mais plus encore au pays, aux citoyens, pensent d’autres, ce pays et ces citoyens qu’il faut séduire.

D’ailleurs, le président du Medef, Pierre Gattaz,  reconnaît dans le pacte de compétitivité de Hollande le pacte de « confiance » qu’il avait échafaudé en décembre. Et à qui ce mot « confiance » s’adressait il ? Aux entreprises, au gouvernement penseront certains. Mais plus certainement encore aux citoyens auxquels on l’envoyait comme un leurre, les supposant naïfs, au point d’être crédules et d’accepter que l’Etat alloue 100 milliards d’euros aux entreprises pour des emplois promis, mais dont l’histoire nous dit bien qu’on pourrait attendre longtemps de les voir advenir.

On galvaude également le mot « entreprise », dont on fait semblant de croire qu’il est une entité d’espèce.  Or, l’entreprise est multiple. Quoi de commun entre la PME de 50 employés et la multinationales qui se paye des conseils en optimisation fiscale pour échapper à l’impôt ?

Et il n’est nul besoin de rentrer dans le débat « économie de l’offre » contre « économie de la demande » qui nous enferme plutôt dans un débat illusoire, les supposant inconciliables.

Nul besoin, non plus, d’opposer « entreprise » et « Etat », comme si on avait affaire à deux composantes irréconciliables, non miscibles.

Ceux qui nous le font croire ne sont que des joueurs de bonneteau.

La stratégie est dès lors d’ouvrir la possibilité au respect des mots. En posant les bonnes questions. En tentant d’y répondre avec liberté.

La question qu’on devrait se poser avant tout, lorsqu’on parle « entreprise » et « Etat » est celle de leur utilité  sociale.

Quel rôle joue l’entreprise dans la construction de l’intérêt général et du bien public ?

Et quel rôle joue l’Etat par sa politique, par ses lois, par son fonctionnement, dans la mise en place des règles qui permettront à tous de jouer au sein de l’équipe de France, de l’équipe Europe ?

Et ceci une fois affirmé, on regarde qui joue le jeu ou pas. Qui respecte les règles. Qui  ne les respecte pas surtout. Au sein des entreprises. Au sein de l’Etat. Au sein des organisations nationales et locales.

Et dès lors il est inutile de se poser la question du succès ou de  l’échec de la politique économique annoncée par Hollande. Il suffit de répondre aux questions du paragraphe précédent. Car la politique de l’offre bien menée débouchera sur la demande qu’elle génèrera. Pas besoin d’engagements illusoires du Medef sur la création d’emplois. L’entrepreneur sain voudra aller de l’avant. Il n’est pas l’ennemi du pays. Il suffit de regarder ceux qui réussissent pour savoir qu’il s’agit moins de coût du travail que d’intelligence managériale sur quoi il faut se pencher.

Mais des ennemis, le pays en a quelques uns, et ceux là ont les trouve parfois dans les sphères dirigeantes du Medef, derrière le lobbying à l’Assemblée et au Sénat. Il faut être clair à leur sujet, annoncer qu’on va sévir contre les mauvais joueurs, les partenaires de la triche, les joueurs de bonneteau.

L’entreprise, la banque, la société de conseil, l’intermédiaire, l’élu,  qui ne joue pas le jeu de l’équipe nationale, qui participe à l’affaiblissement de la France en corrompant ou en étant corrompu,  qui cherche à échapper à l’impôt, et qui, par l’optimisation fiscale, va fragiliser l’intérêt général au nom de ses intérêts particuliers, il ou elle doit être poursuivi et réprimé.

La banque qui a favorisé l’évasion fiscale des riches doit être poursuite et condamnée, comme elle l’est aux Etats-Unis.

L’élu corrompu doit être rendu inéligible pour vingt ans.

Des lois doivent être votées pour ouvrir les possibilités en ce sens.

La justice doit être systématiquement saisie à la première alerte. Et on doit lui donner les moyens d’avancer à vive allure.

Au fond, si nous avons un problème, en France, c’est un problème portant sur l’utilisation des mots. Sur le langage. Commençons par rétablir le bon usage des mots. Luttons contre leur utilisation dans les techniques de camouflage par ceux qui cherchent à s’attirer les bonnes grâces de l’opinion, et nous aurons une gouvernance qui s’améliorera.

On appellera jusqu’à ce qu’ils changent, Gattaz, un joueur de bonneteau, Hollande un Président  en difficulté de parole claire, et le chat sera toujours un chat.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.