Le film « Salafistes » a été une occasion nouvelle de montrer à quel point les intellectuels et journalistes français dérivaient dans le marigot des préjugés, du copinage, de l’idéologie, et de la perte des repères censés structurer leur pensée.
On l’a vu avec Antoine Perraud, dans Mediapart. Avec Lanzmann aussi dans Le Monde, où il n‘a pas hésité à qualifier de « chef d’œuvre » le documentaire de son ami Margolin, avec lequel il est associé sur un projet de film sur la Corée du Nord.
Heureusement, face aux hurlements qu’ils ont poussés devant l’interdiction aux mineurs du film, d’autres sont plus lucides, et j’ai plaisir à saluer l’article d’Emmanuel Burdeau sur Mediapart*, empli de cet effort de vérité qu’on est en droit d’attendre de tout intellectuel ou journaliste dans la période troublée que nous traversons.
« Salafistes » consiste surtout en des entretiens recueillis, au Mali et en Mauritanie (par les cinéastes)… sans la médiation d’aucune intervention de leur part », nous dit Burdeau, relevant ainsi au passage l’énorme faille du film des cinéastes Margolin et Ould Salem, que ne veulent pas voir ses thuriféraires, cette absence de commentaires, d’explications, qui auraient redonné de l’équilibre à un film dans lequel les seuls à s’exprimer sont des d’idéologues et intellectuels salafistes, dont les propos sont à l’occasion « entrecoupés de respirations, d’images d’archives ou d’extraits de vidéos de propagande de Daech ».
Le seul reproche que je fais à Burdeau est sa concession inexplicable à ceux qui voudraient voir autoriser le film aux mineurs.
Car, c’est lui qui le souligne, les salafistes exposent sans commentaire dans ce film leur « haine de la démocratie, la détestation des femmes, l’antisémitisme délirant, l’homophobie… ».
Ne pas aimer la démocratie n’est pas un crime. Mais la détestation des femmes, l’antisémitisme délirant, l’homophobie… sont, si j’ai bien compris nos lois, punis devant les tribunaux de la République.
La loi Pleven contre le racisme a plus de 40 ans. Elle spécifie que le racisme n’est plus une opinion mais un délit puni par la loi. Un sondage d’Opinion Way de 2012 fait ressortit que 47% des Français estiment que les sanctions contre le racisme ne sont pas suffisantes. Dès lors, comment relayer les opinions racistes exprimés par les interviewés de « Salafistes » ?
La loi réprime aussi la diffusion de propos caractérisant la discrimination envers les personnes homosexuelles.
Quant à l’égalité homme femme dans notre pays, elle est désormais reconnue. Cela ne veut pas dire que tout est parfait. Mais la question est un sujet de débats permanent, et régulièrement des progrès sont acquis. Contraception en 1967, loi Weil en 1975, égalité d’accès aux mandats électoraux en 2000. Principe d’égalité des salaires. Droit au respect de ses choix dans les lieux publics et privés.
Donc, au nom de quel principe pourrait on autoriser « Salafistes »? N’importe quel Français qui tiendrait publiquement, ou dans les médias, des propos antisémites, homophobes, ouvertement antiféministes, seraient immédiatement poursuivi. Et que dirait-on d’un film dans lequel des Français exprimeraient les mêmes propos ? Toute la gauche et la droite républicaine s’insurgerait. Et on devrait être tolérant pour « Salafistes » ?Au nom de quel reniement ? J’aimerais que l’on me l’explique.
* Article d'Emmanuel Burdeau: Voir car des commentaires enrichissant.
https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/300116/made-france-et-salafistes-de-la-terreur-lecran
Cet autre lien, apporté dans un commentaire de l'article de Burdeau. On y apprend que le Film a été présenté pour approbation aux salafistes avant diffusion en France. (Cliquer droit recherche google)
http://www.eklektika.fr/salafistes-margolin-ould-salem/