Michel de Pracontal écrit sur Médiapart
« La dernière publication de Séralini a déclenché une nouvelle tempête dans les médias français et internationaux. Alors que l’article est paru le 19 septembre dans la revue Food and Chemical Toxicology, les recherches de Séralini font aussi l’objet d’un livre – Tous Cobayes, édité par Flammarion – et d’un film portant le même titre, tous deux annoncés pour le 26 septembre. Séralini et ses collègues ont même les honneurs d'une couverture du Nouvel Observateur, sobrement intitulée Oui, les OGM sont des poisons !, extrapolation bien audacieuse si l'on considère que l'étude ne traite que d'un maïs génétiquement modifié. Last but not least, la revue américaine Science consacre une breaking news à la fameuse étude, en reproduisant la couverture du Nouvel Obs… »
Michel de Pracontal est certainement très sérieux. Ce qui l’autorise donc à publier dans l’urgence dès le 22 septembre l’article intitulé :OGM : une étude fait beaucoup de bruit pour presque rien. Je dis dans l’urgence car cette étude n’a été publiée que le 19 septembre. Trois petites journées qui lui ont suffi pour acquérir cette certitude absolue. Quel talent !
Le 23 octobre, toujours sur Médiapart, il confirme sous le titre :OGM: les experts réfutent l'étude de Séralini
Comme nous avons évidemment tous envie de nous régaler d’OGM, il m’a semblé intéressant de vous transmettre quelques commentaires consécutifs à ces publications.
1) ATTAC 33
Capitalismus toxicus
LZ P’TIT GRAIN N° 208/JEAN-LUC GASNIER
vendredi 28 septembre 2012
La récente polémique et le vacarme médiatique provoqués par la publication de l’étude du professeur Gilles-Eric Séralini concernant les effets délétères du maïs Monsanto NK 603 ( traité ou non au Roundup) mettent en évidence l’absence d’une autorité incontestée et indépendante dans le domaine de l’évaluation des risques sanitaires en France
Cette carence jette la suspicion sur toutes les études publiées à ce sujet et les citoyens se trouvent confrontés, comme d’ailleurs dans le domaine du nucléaire, à des déclarations contradictoires, opposant les « pro » et les « anti ». Des associations comme le CRIIGEN et la CRIRAD tentent de développer et de vulgariser une expertise indépendante mais sans grands moyens et sans bénéficier de soutiens puissants. L’Etat n’assumant pas son rôle d’acteur impartial et garant de l’intérêt public, le risque est évident de voir se développer un travail de lobbying et de désinformation encore plus systématique et déterminé de la part des firmes. L’affaire du maïs NK 603 de Monsanto montre que la défense et la démarche « marketing » de la multinationale sont malheureusement relayées complaisamment par toute une kyrielle de journalistes « pseudo-scientifiques » qui n’hésitent pas à citer des experts dont les liens avec l’industrie peuvent très facilement et très rapidement être vérifiés ( par un simple clic sur un moteur de recherche). Ainsi, dans un article de Médiapart intitulé « OGM, une étude fait beaucoup de bruit pour presque rien », le journaliste Michel de Pracontal reprend à son compte les doutes émis par des scientifiques comme le professeur Mark Tester, spécialiste de la génétique des plantes à l’université d’Adélaïde, dont les liens avec les industriels de la biochimie figurent clairement sur le site de l’université d’Adélaïde(ici). On peut y lire notamment : “His commercial acumen is clear from his establishment of private companies and successful interactions with multinational companies such as Monsanto, Syngenta, Bayer and Pioneer-DuPont. He is a Director of Australia’s largest wheat breeding company, Australian Grains Technologies.” .Ce professeur, cité par Michel de Pracontal, n’hésite pas à déclarer : « Si les effets sont aussi importants, et si les conclusions de l’étude s’appliquent aussi aux humains, pourquoi les Nord-Américains ne tombent-ils pas comme des mouches ? » Ce type d’argument, fréquemment repris par l’industrie, démontre la malhonnêteté intellectuelle de cet « expert » sous influence car il feint d’ignorer la différence fondamentale entre toxicité aigüe et toxicité chronique. La toxicité des OGM relève évidemment du second type et les effets d’une alimentation polluée par les OGM ne pourront évidemment s’apprécier qu’au bout d’une longue période et seront toujours contestables voire invérifiables en pratique car dilués dans une pollution plus générale . Ce qui est certain c’est qu’on ne verra jamais personne « tomber comme une mouche » après ingestion d’un OGM ! Certaines critiques émanant de la communauté scientifique – concernant notamment le nombre de rats, l’interprétation des données, la présence de biais statistiques- paraissent plus pertinentes mais relèvent véritablement du débat d’experts ; elles nécessitent une compétence particulière et ne sont pas immédiatement compréhensibles par le grand public.
Néanmoins, sans être un spécialiste, le simple citoyen peut légitimement se poser un certain nombre de questions :
comment justifier que les études de toxicité visant à mettre en évidence des maladies dégénératives qui ne se déclenchent qu’après une longue exposition soient menées sur des durées courtes (3 mois sur le rat de laboratoire Rattus norvegicus dont l’espérance de vie est de 3 ans en moyenne ) ?
Comment justifier que les études et les dossiers toxicologiques soient pris en charge par les firmes elles-mêmes lors des demandes d’autorisation de mise sur le marché auprès des autorités d’agrément. ? Comment ne pas s’inquiéter de la diminution des crédits de recherche publique et des partenariats de plus en plus fréquents entre laboratoires universitaires et sociétés privées ? . . .
Ces questions jettent le trouble et la suspicion car, derrière ces anomalies, le citoyen perçoit confusément l’emprise progressive de multinationales comme Monsanto sur le domaine public et la promotion d’intérêts privés au détriment de l’intérêt général.
Aujourd’hui, la détérioration de nos conditions de vie est le résultat d’un environnement toxique créé par les grands conglomérats industriels et financiers : les OGM sont toxiques, les pesticides sont toxiques, les emprunts sont toxiques . . . L’époque est toxique car la société capitaliste est plus toxique que jamais : pour satisfaire son appétit de rentabilité immédiate, le capitalisme financier obère l’avenir. Le paradoxe est que bien souvent, les décideurs nous promettent toujours la récompense de nos efforts pour demain, pour un long terme qu’ils ignorent, pour un futur qu’ils compromettent de plus en plus. Remboursez vos dettes, travaillez sans compter et demain, la croissance revenue, vous pourrez enfin toucher le fruit de vos efforts . Jusqu’à une époque récente, cette promesse fonctionnait ;
désormais le boniment est éculé et l’inquiétude pointe car, dans tous les domaines, les effets de la toxicité chronique du capitalisme sont perceptibles et les symptômes sociaux et environnementaux d’une maladie dégénérative qui touche l’ensemble de la planète se multiplient. Attention, nous ne sommes pas des rats de laboratoire . . .
Voir en ligne : Attac 33
2) Quelques commentaires sur Médiapart
22/10/2012, 21:11 PAR LUC COUBARD
Il a fallu plus de dix ans pour prouver que Lance Armstrong se dopait, bien que plus de 600 contrôles se soient révélés négatifs.
Pour le du BPA il a fallu de nombreuses années entre le moment où des scientifiques américains ont découvert (accidentellement) les risques des cette molécules et la reconnaissance des dangers par les autorités compétentes.
Pour un historique éclairant sur des conflits entre des lanceurs d’alerte et des industries, on peut consulter le livre de Marie Monique Robin, « Notre poison quotidien ».
On assiste toujours aux mêmes mécanismes où les industries mises en cause déchainent l’artillerie lourde pour préserver leurs business et il y a eu malheureusement des scientifiques pour nous dire que le benzène, l’amiante, le PCB, l’aspartame etc... sont sans danger !
Alors la question que pose simplement l’étude de M. Gilles Eric Seralini est :
Est il normale que ce type d’OGM (il ne s’agit pas des OGM en général), qui rentre dans la chaine alimentaire, ne donne pas lieu a des études plus sérieuses, plus longues, effectuées par des organismes indépendants pour lesquels on pourra vérifier l’absence de conflits d’intérêts ?
A ce propos, l’Anses avait déjà fait savoir qu’elle estimait que «pour plus de la moitié des OGM étudiés, les données fournies par l'industriel ne sont pas suffisantes pour conclure sur la sécurité sanitaire liée à la consommation de l'OGM».
retrouver dans le fil des discussions
recommander(189) répondre alerter
22/10/2012, 21:42 PAR GAVROCHE.
Sacré Michel... Vous permettez que je vous appelle Michel ? (Michou, c'est encore un peu trop tôt)...
Je garde un souvenir ému de vous, dans l'émission de papa Schneidermann la semaine dernière... Votre première phrase fut : "Je ne suis pas payé par Monsanto", et la deuxième "c'est une affaire idéologique, M. Seralini en fait est contre le brevetage du vivant "...
Vous m'avez bien fait rire.
Comme je suis bonne fille, je vous offre un peu de lecture :
La récente polémique et le vacarme médiatique provoqués par la publication de l’étude du professeur Gilles-Eric Séralini concernant les effets délétères du maïs Monsanto NK 603 ( traité ou non au Roundup) mettent en évidence l’absence d’une autorité incontestée et indépendante dans le domaine de l’évaluation des risques sanitaires en France
Cette carence jette la suspicion sur toutes les études publiées à ce sujet et les citoyens se trouvent confrontés, comme d’ailleurs dans le domaine du nucléaire, à des déclarations contradictoires, opposant les « pro » et les « anti ». Des associations comme le CRIIGEN et la CRIRAD tentent de développer et de vulgariser une expertise indépendante mais sans grands moyens et sans bénéficier de soutiens puissants. L’Etat n’assumant pas son rôle d’acteur impartial et garant de l’intérêt public, le risque est évident de voir se développer un travail de lobbying et de désinformation encore plus systématique et déterminé de la part des firmes. L’affaire du maïs NK 603 de Monsanto montre que la défense et la démarche « marketing » de la multinationale sont malheureusement relayées complaisamment par toute une kyrielle de journalistes « pseudo-scientifiques » qui n’hésitent pas à citer des experts dont les liens avec l’industrie peuvent très facilement et très rapidement être vérifiés ( par un simple clic sur un moteur de recherche). Ainsi, dans un article de Médiapart intitulé « OGM, une étude fait beaucoup de bruit pour presque rien », le journaliste Michel de Pracontal reprend à son compte les doutes émis par des scientifiques comme le professeur Mark Tester, spécialiste de la génétique des plantes à l’université d’Adélaïde, dont les liens avec les industriels de la biochimie figurent clairement sur le site de l’université d’Adélaïde(ici). On peut y lire notamment : “His commercial acumen is clear from his establishment of private companies and successful interactions with multinational companies such as Monsanto, Syngenta, Bayer and Pioneer-DuPont. He is a Director of Australia’s largest wheat breeding company, Australian Grains Technologies.” .Ce professeur, cité par Michel de Pracontal, n’hésite pas à déclarer : « Si les effets sont aussi importants, et si les conclusions de l’étude s’appliquent aussi aux humains, pourquoi les Nord-Américains ne tombent-ils pas comme des mouches ? » Ce type d’argument, fréquemment repris par l’industrie, démontre la malhonnêteté intellectuelle de cet « expert » sous influence car il feint d’ignorer la différence fondamentale entre toxicité aigüe et toxicité chronique. La toxicité des OGM relève évidemment du second type et les effets d’une alimentation polluée par les OGM ne pourront évidemment s’apprécier qu’au bout d’une longue période et seront toujours contestables voire invérifiables en pratique car dilués dans une pollution plus générale . Ce qui est certain c’est qu’on ne verra jamais personne « tomber comme une mouche » après ingestion d’un OGM ! Certaines critiques émanant de la communauté scientifique – concernant notamment le nombre de rats, l’interprétation des données, la présence de biais statistiques- paraissent plus pertinentes mais relèvent véritablement du débat d’experts ; elles nécessitent une compétence particulière et ne sont pas immédiatement compréhensibles par le grand public.
Néanmoins, sans être un spécialiste, le simple citoyen peut légitimement se poser un certain nombre de questions :
comment justifier que les études de toxicité visant à mettre en évidence des maladies dégénératives qui ne se déclenchent qu’après une longue exposition soient menées sur des durées courtes (3 mois sur le rat de laboratoire Rattus norvegicus dont l’espérance de vie est de 3 ans en moyenne ) ?
Comment justifier que les études et les dossiers toxicologiques soient pris en charge par les firmes elles-mêmes lors des demandes d’autorisation de mise sur le marché auprès des autorités d’agrément. ? Comment ne pas s’inquiéter de la diminution des crédits de recherche publique et des partenariats de plus en plus fréquents entre laboratoires universitaires et sociétés privées ? . . .
Ces questions jettent le trouble et la suspicion car, derrière ces anomalies, le citoyen perçoit confusément l’emprise progressive de multinationales comme Monsanto sur le domaine public et la promotion d’intérêts privés au détriment de l’intérêt général.
Aujourd’hui, la détérioration de nos conditions de vie est le résultat d’un environnement toxique créé par les grands conglomérats industriels et financiers : les OGM sont toxiques, les pesticides sont toxiques, les emprunts sont toxiques . . . L’époque est toxique car la société capitaliste est plus toxique que jamais : pour satisfaire son appétit de rentabilité immédiate, le capitalisme financier obère l’avenir. Le paradoxe est que bien souvent, les décideurs nous promettent toujours la récompense de nos efforts pour demain, pour un long terme qu’ils ignorent, pour un futur qu’ils compromettent de plus en plus. Remboursez vos dettes, travaillez sans compter et demain, la croissance revenue, vous pourrez enfin toucher le fruit de vos efforts . Jusqu’à une époque récente, cette promesse fonctionnait ;
désormais le boniment est éculé et l’inquiétude pointe car, dans tous les domaines, les effets de la toxicité chronique du capitalisme sont perceptibles et les symptômes sociaux et environnementaux d’une maladie dégénérative qui touche l’ensemble de la planète se multiplient. Attention, nous ne sommes pas des rats de laboratoire . . .
Juste un conseil, si vous estimez que les OGM ne sont pas dangereux, ne vous gênez surtout pas : mangez-en...
retrouver dans le fil des discussions
recommander(186) répondre alerter
22/10/2012, 21:01 PAR COCHON AÉRODYNAMIQUE
Tout cela est lamentable, y compris l'autosatisfaction évidente de M. de Pracontal.
L’Académie des Sciences ne sort surement pas grandie de cette affaire, ni le Haut Conseil des Biotechnologies, et l’Agence Française de Sécurité Alimentaire y alimente fortement son discrédit déjà bien engagé.
Je ne suis pas compétent pour juger de la justesse du protocole d’étude utilisé par le Professeur Seralini, mais il apparait que ces vieux messieurs endormis du quai Conti et les apparatchiks plus ou moins stipendiés des organismes de surveillance sensés protéger le consommateur se réveillent bien tard et seulement quand un grand groupe industriel international est attaqué sur ses pratiques douteuses….
Le problème, ce ne sont pas les OGM, ce sont les cupides intérêts privés qu’il y a derrière, à la recherche à tous prix de rentes durables en racontant n’importe quoi, la corruption permanente sous couvert de « lobbying », ce qui n’a pas eu l’air jusqu’à présent de déranger ces messieurs.
Il est largement temps de faire un grand ménage à l’AFSA et d’en faire un organisme pro-actif au service de la santé publique. On peut en dire autant de sa grande sœur européenne, la palermitaine EFSA.
Quant à l’Académie des Sciences, Il suffit de rappeler les positions de ses éminents membres sur l’amiante pour comprendre qu’elle n’est pas à l’abri d’influences pernicieuses….
La recherche et le contrôle des OGM ne doivent concerner que la recherche publique, financée s'il le faut par des taxes, sous le contrôle du Parlement.
retrouver dans le fil des discussions
recommander(153) répondre alerter
22/10/2012, 21:43 PAR MARC TERTRE
le communiqué des académies d’agriculture, de médecine, de pharmacie, des sciences, des technologies et vétérinaires
Grosses réaction des académiciens qui se plaignent de ne pas avoir été prévenus, et que le communiqué ait été pris "à la va vite" sur un coin de table, et de façon non "consensuelle". Le premier à dénoncer la manœuvre est le professeur Paul Deheuvels dont les travaux en statistique font autorité mondialement. Or Séralini a été beaucoup attaqué en raison, soi disant, de la défaillance dans le traitement statistique des données. Or ce n'est pas du tout l'avis du professeur, qui atteste au contraire de l'excellence des travaux du professeur sur ce point là :
Voila l'intégralité de sa réaction
Je viens d'apprendre qu'un tout petit nombre de représentants des six Académies (Sciences, Médecine, Technologies,...) se sont réunis pour publier un communiqué commun concernant l'étude du professeur Séralini(éditée récemment dans la revue "Food and Chemical Toxicology").
Les Académies ne sont pas engagées dans leur ensemble
Sans même avoir lu leur déclaration, je me dois d'attirer l'attention du public sur le fait que le dit communiqué ne peut engager l'une ou l'autre de ces académies dans leur ensemble. En effet, un groupe d'experts a été convoqué en urgence, on ne sait par qui, on ne sait comment, dans une absence totale de transparence concernant le choix de ses membres, et sur la base de 2 représentants par académie. Ces personnes ont cru bon de rédiger dans un espace de temps très bref un avis très critique sur cette étude. Elles ne peuvent prétendre à elles seules incarner l'avis de l'ensemble du monde scientifique français, et ce serait une forfaiture que de le laisser croire.
Étant le seul membre de l'Académie des sciences représentant la discipline des statistiques en tant que telle, il aurait été normal que je sois consulté, et tel n'a pas été véritablement le cas.
Il ressort des conversations que j'ai eues à postériori sur ce communiqué que les représentants des cinq académies mentionnés plus haut y aient critiqué la partie descriptive de l'étude du professeur Séralini, concernant les tumeurs, en lui reprochant de ne pas être significative sur le plan statistique. Ils auraient, par contre, ignoré la partie toxicologique de l'article, traitée avec sophistication par des méthodes modernes (dites de PLS). Notons que l'article de Gilles-Eric Séralini est, justement, publié dans une revue de toxicologie.
Un mauvais procès fait à l'étude de Séralini
Dans tout texte du genre, la partie descriptive se contente de décrire, sans pour autant en tirer de conclusion démontrée. C'est bien ce qui se passe ici, et je ne trouve rien à redire sur le plan professionnel à cette composante, quoi que puisse en dire le petit groupe de signataires de la motion.
A l'inverse, la composante de toxicologie de l'article a l'immense mérite d'étudier la cohorte de données complète des analyses réalisée sur une durée d'environ 16 mois. Cette partie de l'article aboutit, quant à elle, à la mise en évidence de différences significatives sur le plan statistique, sous réserve, bien entendu, que leur traitement ait été correctement réalisé, et je ne vois aucune raison de penser que ce n'ait pas été le cas.
On pourra m'objecter que ce sont précisément ces parties descriptives de l'article de Séralini qui ont attiré l'attention des médias, puisqu'elles parlent des tumeurs dont les animaux d'expérience ont été victimes. Ce n'est pas la question. Je pense qu'on fait à cette étude un mauvais procès, par de mauvais arguments, et avec un acharnement parfaitement suspect compte tenu des immenses intérêts financiers qui sont en jeu. Il ne s'agit pas de savoir ce qu'en pensent les médias, mais plutôt de juger la qualité technique de ce travail.
Je tiens à dire, avec force, que l'article du professeur Séralini se situe à un niveau élevé de qualité parmi les articles de même catégorie. On ne peut lui reprocher sa valeur scientifique qui est indéniable. On ne peut l'attaquer sur sa partie descriptive qui ne cherche pas à établir des preuves, au sens statistique du terme, mais à donner une présentation lisible, purement factuelle, des résultats obtenus. Il est d'autant plus anormal que le communiqué des cinq académies ne s'intéresse guère (si mes renseignements sont corrects) à la composante toxicologique de l'analyse, qui, elle, fait usage de niveaux de confiance établis selon les règles habituelles de la statistique.
Pour une saine confrontation des idées
Je récuse donc par avance tout texte qui serait présenté au nom de cinq académies sur ce sujet, partant du fait évident que le comité qui l'a signé ne représente que lui-même, indépendamment de l'éminence de ses membres.
C'est d'ailleurs un procédé à la limite du scandale de vouloir parler au nom de tous lorsqu'on est peu nombreux. Quelle que soit la qualité des signataires, ils expriment un avis qui ne peut prétendre constituer une vérité universelle, tant que le problème n'aura pas été véritablement discuté ouvertement, et sur le fond.
L'article du professeur Séralini a l'immense mérite de mettre en évidence qu'il n'y a pas suffisamment d'études portant sur les effets à long terme des alimentations à base d'OGM. Au lieu de critiquer dans cette étude ce qui ne peut pas l'être, tout en omettant de l'apprécier pour sa composante authentiquement innovatrice, les organismes établis comme l'INRA ou l'ANSES, devraient entreprendre des études approfondies sur des échantillons plus nombreux. Celles-ci permettraient de sortir par le haut d'une querelle aux paramètres évidemment biaisés. Il faut que le débat d'idées ait lieu, dans le calme, et sans avoir à subir les pressions des lobbys qui s'expriment pour ou contre des opinions, sans même prendre le temps de les discuter.
J'exprime un avis personnel, basée sur mon expérience professionnelle, et je n'insulte pas ceux qui ont une opinion contraire. L'intérêt de la science se situe, avant tout, dans une saine confrontation des idées et des arguments, qui soit, si possible, sans parti pris. On est, semble-t-il, très loin d'une telle situation, je le crains.
Il me semble que la recherche de l'objectivité aurait consisté a rendre compte des nombreuses réserves de membres de l'accadémie des sciences. A dire vrai, c'est là le vrai scoop : les "accadémies" ont toujours été par nature "du coté des pouvoirs" Ce qui étonne au contraire, c'est la révolte d'un certain nombre de scientifiques qui ne veulent pas jouer le role qu'on veut leur faire jouer...
retrouver dans le fil des discussions
recommander(143) répondre alerter
22/10/2012, 21:15 PAR PIERRE CHATAIGNÉ
tout ceci est bien, et même fort bien. Les experts ont dit que ... Il ne reste donc plus à ces mêmes experts (Académies, ANSES, HCB ...) qu'à mettre à disposition du public, sous une forme que M de Pracontal saura bien évidemment rendre lisible au commun des mortels, les études ayant servi de support à l'agrément qui a été accordé.
retrouver dans le fil des discussions
recommander(92) répondre alerter
3) Enfin j’ai sélectionné l’article suivant publié sur le site de KOKOPELLI.
Le 23 octobre, j’en ai contacté l’auteur en ces termes :
« Je viens de lire votre article du 25/09/12.Exaspéré par les articles de Médiapart sur ce sujet et par leur suffisance, je vous suggère de le diffuser à votre tour sur ce média en commentaire à leurs articles. Je peux éventuellement m'en charger avec votre accord. Merci par avance de votre réponse. Bien à vous. »
Je vous livre sa réponse très édifiante :
« Oui, bien entendu, il faut le diffuser. Je vous remercie de le faire.
Le déluge de propagande actuel ne vise pas à nous convaincre que Séralini serait un scientifique approximatif, mais à nous intimider, à nous faire taire, à nous décourager de lutter pour la vérité. »
Bien cordialement, Jean-Pierre Berlan
120925 Ogm ou la science contre la démocratie
Jean-Pierre Berlan, ex-Directeur de Recherche Inra.
Article publié sur le site de Kokopelli
Les contrefeux destinés à discréditer l’étude de Gilles-Eric Séralini et sa personne ne sont pas près de cesser : “« rien de nouveau, manque d’information sur la composition de la ration alimentaire, protocole expérimental biaisé, échantillon statistique insuffisant, présence possible de mycotoxines, coup médiatique, etc. »” Séralini témoignerait d’un biais anti-Ogm, accusent ses critiques - parabole de la paille et de la poutre. Mais la toxicologie est la seule discipline scientifique où ne rien trouver assure une carrière paisible. Montrer des dangers des éthers de glycol, du nucléaire, du sel, des Ogm expose à des déboires sûrs plutôt qu’à des promotions. Le courage et le mérite de Séralini et de quelques rares scientifiques d’aller à contre-courant sont d’autant plus grands. Tout aussi délicat à manier est l’argument que Séralini utilise une souche de rats sensible aux tumeurs. C’est suggérer qu’il aurait dû utiliser une souche résistante pour ne gêner personne et, bien sûr, laisse soupçonner que cette toxicologie sous influence peut choisir, si nécessaire, la “bonne” souche pour obtenir les “bons” résultats.
Depuis le début de cette guerre de tranchées en 1997, les Ogm assurent la carrière, les contrats, les crédits, la consultance, les brevets, les “starts-up”, l’aggrandissement des laboratoires et le prestige scientifique à ceux qui les font. Ils ont un intérêt personnel à leur succès, ce qui n’a, disent-ils, pas d’influence sur la Vérité si bien protégée par La Méthode. A ce complexe génético-industriel s’oppose une opinion publique dont le bon sens lui dit que si les scientifiques sont dans leur laboratoire, ce n’est pas parce qu’ils savent mais bien parce qu’ils ne savent pas et qu’il est dangereux de s’en remettre à des ignorants, même si, en bons dialecticiens (là aussi, qui s’ignorent), ils se font passer pour des “savants”. Particulièrement lorsque les connaissances et les représentations évoluent à tout vitesse, ce qui est le cas. Pendant des décennies, 95% ou plus de l’ADN était non-fonctionnel, mais il s’avère depuis quelques jours que cet ADN “poubelle” jouerait un rôle fondamental.
Les Ogm sont-ils scientifiquement dangereux pour la santé publique, pour l’environnement ? Peut-être ? Peut-être pas ? Peut-on juger leur dangerosité éventuelle pour les humains sur des rongeurs? C’est la pratique toxicologique barbare imposée, alors que des tests sur cultures de tissus humains permettraient de cribler rapidement les quelques 100 000 molécules de synthèse en circulation. Ces tests sont bon marché, rapides, et raisonnablement fiables : autant de raisons pour que les industriels les refusent. Reste que notre intérêt est de soutenir ceux que les lobbies industriels et leurs mercenaires cherchent à faire taire. Qu’on se souvienne du rôle des médecins mercenaires dans le désastre de l’amiante. Mais plutôt que se laisser piéger par une expression qui implique que la modification génétique est le problème (ce qui conduit à le confier aux experts sous influence), il faut se tourner vers la réalité, la marchandise, que les Monsanto, DuPont, Syngenta, Dow, Bayer et autres fabricants d’agrotoxiques (car ce sont ces industriels qui contrôlent les semences dans le monde) vendent sous cette expression. Après tout, c’est nous qui l’ingurgitons. Autant savoir de quoi il s’agit.
Les lois et règlements exigent que les plantes semées soient “homogènes et stable”». Le premier adjectif signifie que les plantes doivent être identiques (aux défauts inévitables de fabrication près) et le second que la même plante soit offerte à la vente année après année. Le rôle semencier est donc de faire des copies d’un modèle de plante déposé auprès d’instances officielles. Le terme “clone” désigne, je pense de façon appropriée, la marchandise vendue, bien que les biologistes récusent ce terme qu’ils voudraient réserver à la reproduction végétative, la pomme de terre par exemple. Ils préfèrent donc continuer à utiliser le terme variété, “« le caractère de ce qui est varié, contraire de l’uniformité »” selon le dictionnaire. La variété chez les plantes est l’équivalent de la race chez les animaux (les Vilmorin utilisent indifféremment les deux mots dans leur livre de 1880, Les meilleurs blés) et renvoie à l’idée de caractères communs particulièrement visibles dissimulant des variations moins évidentes mais importantes. Partout, mais particulièrement en science, les mots doivent désigner la réalité. Lorsque le terme usuel implique le contraire de ce que l’on voit, c’est qu’il faut la cacher. Le paysan produisait du blé, le système agro-industriel produit des profits en transformant les pesticides en pain Jacquet. Le capitalisme industriel a siphoné la substance des activités qui ont fait notre l’humanité mais il serait dangereux que nous nous en rendions compte. Il fait tout pour entretenir l’illusion.
Ces clones sont “pesticides”. Le président Sarkozy a condamné les “Ogm pesticides” lors de son discours de clôture du Grenelle de l’Environnement. Il a donc condamné 99,6% des “Ogm” commercialisés. Le pourcentage est le même cinq ans plus tard. Mais qui fabrique les Ogm-pesticides ?
Ces clones pesticides sont de deux types, ceux qui produisent une toxine insecticide, ceux qui absorbent un herbicide sans mourir. De plus en plus, ces deux traits se retrouvent simultanément. La toxine insecticide est produite par toutes les cellules de la plante. L’herbicide, lui, pour agir doit pénétrer dans la plante. La construction génétique introduite dans la plante neutralise son action. La plante survit et l’herbicide reste. C’est le cas du Round-up qui fait la fortune de Monsanto. Dans les deux cas, le pesticide entre dans l’alimentation. Le but des fabricants d’agro-toxiques est, on le voit, de changer subrepticement le statut des pesticides : de produits toxiques à éliminer autant que possible de notre alimentation, ils sont en train d’en faire des constituants de notre alimentation. Le principe de l’équivalence en substance, scientifiquement ridicule mais qui fonde la “sécurité alimentaire” – tant qu’une fraise transgénique ne ressemble pas à une pomme de pin, elle est “substanciellement équivalente” à une fraise normale – permet de courtcircuiter les tests coûteux et longs qui grèvaient les profits des agrotoxiques chimiques.
Il n’y a pas de conséquences néfaste, nous affirment les fabricants d’agrotoxiques et leurs experts d’autant plus facilement qu’ils se gardent bien de faire les travaux approfondis qui permettraient (peut-être) de les découvrir. Ils se contentent de s’assurer “scientifiquement” que “« dans l’état actuel des connaissances scientifiques »”, on ne peut pas “scientifiquement” démontrer une toxicité éventuelle. Ils font de l’absence de preuve la preuve de l’absence. Or l’état de ces connaissances est balbutiant. Les bactéries de notre tube digestif sont 100 fois plus nombreuse que les cellules de notre corps. On connaît 5 à 10% seulement de ce microbiote, qui joue un rôle physiologique important – et mal connu. Il en est de même pour les micro-organismes du sol – une poignée de terre fertile contient de 5 à 50 milliards de bactéries, pour ne rien dire des champignons, des actinomycètes, des algues etc. 80% de la biomasse se trouve dans les 30 premiers centimétres de la sol et nous détruisons cette pellicule moléculaire de Vie qui assure le fonctionnement des grands cycles biologiques du carbone, de l’azote, de l’eau etc. On ne sait presque rien du développement de l’œuf fécondé à l’organisme final : l’oreille par exemple avec son pavillon, son conduit auditif, le tympan, l’enclume, l’étrier, les canaux, le limaçon et ses cellules ciliées qui transmettent le son au nerf auditif, tout ceci est délicatement et admirablement façonné spatialement, arrangé avec précision dans le temps et l’espace et se met exactement à sa place – à partir d’une seule cellule ! Tout plonger dans un bain de perturbateurs hormonaux et autres produits chimiques est d’autant imprudent que ces molécules peuvent entrer en synergie et être plus toxiques encore à des doses non mesurables. Pour résumer, l’Italie nous a offert un plat sublime de simplicité, la pasta al pesto. Les fabricants d’agrotoxiques veulent nous imposer désormais la pasta al pesticida. Ce n’est pas à leurs mercenaires de décider de notre appétit.
Enfin, ces clones pesticides sont brevetés. L’enjeu ? Les être vivants se reproduisent et se multiplient gratuitement. La loi de la vie s’oppose à la loi du profit. La vie a donc tort. Ce projet de société, l’expropriation de la vie, commence avec le capitalisme industriel. Dès la fin du 18ième siècle, les aristocrates anglais infatués de courses de chevaux créent un système administratif du contrôle du “sang” de leurs animaux. Il est l’image dans un miroir des règles aristocratique de transmission du pouvoir et de la richesse. Les papiers administratifs (le “pedigree”) et le contrôle des saillies assurent aux aristocrates éleveurs le monopole du “sang” de leurs animaux. Un animal qui a des “papiers” a de la valeur, un animal roturier ne vaut que sa roture. Ce système est repris au début du 19ième siècle pour les animaux de ferme et perdure encore avec les livres des origines. Pour les plantes, il faut attendre bien que, dès la fin du 19ième siècle, les sélectionneurs se plaignent de l’injustice de la Nature. Elle prendra différentes formes. Biologique avec le fameux maïs “hybride” que les agriculteurs ne peuvent re-semer sans chute de rendement – une des plus belles escroqueries scientifiques du siècle passé et présent, ce monopole permettant de multiplier par 50 ou 100 le prix des semences - le non moins fameux Terminator de mars 1998 qui permet de faire des plantes dont la descendance est carrément stérile.
Monsanto s’est immédiatement jeté sur Terminator, ce produit de la collaboration de la recherche publique (!) et d’une entreprise privée, lui assurant ainsi une publicité mondiale. Cet Ogm “répugnant” révélait le secret le mieux gardé de la génétique agricole : séparer ce que la vie confond, séparer la production de la reproduction. Technologie et précipitation inopportunes, car les fabricants d’agrotoxiques étaient sur le point d’arriver discrètement à leurs fins avec la Directive 98/44 “de brevetabilité des inventions biotechnologiques”, péniblement transposée en droit français à l’unanimité (sauf le groupe communiste) à la fin 2004. Ce brevet - un monopole accordé à un cartel et le renforçant - favorise, prétend-t-on l’Innovation alors que la doxa économique enseigne depuis Adam Smith que la concurrence assure le Progrès. Quelle imposture ! Le Parti Socialiste a assorti son vote d’une demande de renégociation dont plus personne n’a entendu parler. En France, d’ailleurs, multiplier les obstacles règlementaires pour empêcher l’agriculteur de semer le grain récolté est une spécialité des ministres socialistes de l’agriculture, de Michel Rocard en 1995 à Jean Glavany (2001) en passant par Henry Nallet (1989). Mais Glavany a surclassé ses prédécesseurs avec sa “cotisation volontaire obligatoire”, une taxe sur les semences de ferme (non commerciales), pour secourir une interprofession sous la coupe du cartel.
Une société démocratique doit-elle se laisser dicter sa loi par les experts – ces “« hommes compétents qui se trompent en suivant les règles »” (Paul Valéry) - pour évaluer la dangerosité des clones pesticides brevetés (ou tout autre problème)? Pas besoin d’expert pour se rendre compte que nous courons au désastre. Des clones, alors que la diversité biologique cultivée est à l’agonie. Des clones pesticides qui permettent d’éviter les tests coûteux imposés aux agrotoxiques chimiques et nous enfoncent dans l’addiction à des poisons qui créent leur propre marché et l’élargissent constamment car les ravageurs et les pathogènes les contournent inévitablement. Des clones pesticides brevetés qui confient notre avenir biologique aux fabricants de produits en “cide”, aux fabricants de mort.
L’expression Ogm et les débats qu’elle impose, typiques de notre époque d’enfumage, révèlent l’état de notre démocratie. Appeler les choses par leur nom, ouvre un possible renouveau démocratique: démonter une législation semencière dépassée qui impose les clones et condamne des associations qui, comme Kokopelli, luttent pour sauvegarder la diversité. Lutter sérieusement contre l’addiction aux pesticides. En finir, enfin et surtout, avec le brevet du vivant. Le PS n’a–t-il pas dit qu’il en demanderait la renégociation ?
Bien entendu, les sycophantes détournent l’attention en annonçant l’avènement d’Ogm philanthropiques et verts. Les Ogm vont nourrir la planète et protéger l’environnement annonçait Axel Khan dans Les Echos en 1998. Mais nous n’avons toujours que des clones pesticides brevetés. Comment ces Ogm philanthropiques et verts pourraient-ils être ceux d’une société où la maximisation du profit est la seule règle, où les experts scientifiques sous influence remplacent la démocratie, où les “empoisonneurs publics” (Roger Heim, Président de l’Académie des Sciences dans sa préface au livre de Rachel Carlson, “Un printemps silencieux” de 1964 – une autre époque) et marchands de Mort ont toute liberté pour confisquer la Vie. Les Ogm philanthropiques et verts sont ceux d’une société démocratique et libre, donc philanthropique et verte qui, pour ces raisons, n’en aura pas besoin.