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Billet de blog 6 novembre 2015

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SIVENS LA HONTE (volet 2) ou La face cachée de la lune

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

PRÉAMBULE -  Avant d'entrer dans ce volet 2 de Sivens la HONTE, je veux rendre hommage à tous ceux qui n'ont pas accepté l'interdiction de commémorer la mémoire de la mort de Rémi Fraisse à Sivens, interdiction prise par un arrêté délirant de Maryline Lherm, en accord avec le préfet Gentilhomme (la préfecture a toléré la manif au dernier moment) et avec Thierry Carcenac, à savoir trois personnes que j'ai mises gravement et publiquement en cause depuis le début juin 2015 pour la destruction de la Métairie Neuve à Sivens en leur reprochant plusieurs délits : un premier passible de 10 années d'emprisonnement, un second passible de 5 années d'emprisonnement, un troisième passible de 3 années d'emprisonnement, un quatrième passible de 6 mois et d'une forte amende, le tout passible d'une peine complémentaire d'interdiction d'exercer toute fonction publique.

HONNEUR à tous ceux qui ont maintenu leur position et qui n'ont pas accepté de se soumettre à une interdiction émanant - ou soutenue par - de tels individus.

HONNEUR à ceux qui ont commémoré la mort de Rémi ce 25 octobre 2015 dans le calme et la dignité à Sivens et qui n'ont pas, comme d'autres, profité de l'occasion pour passer sur de nombreux médias et préparer ainsi les prochaines élections dans notre société de "communication", « d’émotion » et de désinformation qu'ils connaissent, dénoncent et pratiquent si bien.

SIVENS LA HONTE (volet 2)

LES DEUX PERIODES

L'affaire de Sivens comporte et comportera toujours deux périodes : avant et après la mort de Rémi Fraisse. Je vais analyser dans ce billet ces deux périodes sur les plans stratégique et juridique, en commençant par évoquer leur socle commun qui devrait être incontournable pour tout le monde mais qui ne l'est plus depuis la mort de Rémi pour FNE et Ben Lefetey.

AU COMMENCEMENT ...

A Sivens, il faut commencer, il est encore temps, par le commencement.

Depuis la mort de Rémi Fraisse, nombreux sont ceux qui ont oublié le commencement. Les fondamentaux. Je parle des fondamentaux de l'action associative en matière de défense de l'environnement (pas des fondamentaux de la République dont le mépris quotidien nécessiterait un chapitre par jour).

En réalité, "l'affaire de Sivens" commence lorsque les préfets du Tarn et du Tarn et Garonne signent les deux arrêtés datés des 2 et 3 octobre 2013 qui déclarent d'Utilité Publique (DUP) et d'Intérêt Général (DIG) le barrage de Sivens.

Certes, il y a eu auparavant divers projets sur le site, diverses études, mais ces études auraient pu rester, comme bien d'autres, lettre morte. Des études de qualité sont restées lettre morte. Des études foireuses et dépassées comme celles de Sivens auraient très bien pu être mises au placard. Penser simplement qu'on a parlé avant ou après le barrage de plus de 100 agriculteurs intéressés (81- le Tarn ! - dans l'Etude de la CACG) alors qu'au début 2015 on sait que moins de 20 étaient prêts à "contractualiser", c'est à dire à acheter de l'eau du barrage (rapport Forray N°2, janv 2015, pages 79 et 80). Car blablater pour dire qu'il faut de l'eau pour l'agriculture (ce dont tout le monde conviendra) est une chose ; contractualiser pour acheter de l'eau issue d'un ouvrage créé avec des fonds publics est tout autre chose. Des études comme celles du barrage de Fourogue, réalisé illégalement dans le Tarn prévoyaient des besoins en eau pour les agriculteurs plus de deux fois supérieurs à ce qu'ils se sont avérés être ensuite. Les faits l'ont démontré, comme ils ont démontré les difficultés de remplissage de ce barrage et de celui de Thérondel proche de Sivens !

Avant le 2 octobre 2013, il y avait donc eu des contestations justifiées et le projet aurait très bien pu être abandonné, hors la pression... du lobby de l'eau, d'autant que le Conseil National de la Protection de la Nature avait donné à deux reprises un avis défavorable au projet et que la commission d'enquête avait subordonné son aval à un avis favorable du CNPN.

Pourtant le Conseil général et l’Etat ont décidé de faire le barrage : les arrêtés de DUP et de DIG ont été pris par les préfets.

Ce sont ces décisions administratives, les arrêtés de DUP et de DIG qui génèrent le litige. Qui entraînent d'autres arrêtés. Qui déclenchent les débuts de l'occupation du site.

Les arrêtés sont donc pris. Le Collectif Testet, opposition légaliste comprenant des associations et des adhérents simples, pense  qu'ils sont illégaux : logiquement, il les attaque pour les faire annuler par le juge administratif. Là, on est en plein dans les fondamentaux de l'action associative.

Quand on conteste une décision administrative qu'on estime illégale, on l'attaque pour la faire annuler. C'est la base.

Mais voyons ensuite ce qui s'est passé.

SIVENS AVANT LA MORT DE RÉMI FRAISSE

Très vite après les arrêtés de DUP et de DIG, l’affaire a mal tourné pour tout le monde.

-          Mal tourné pour l’opposition légaliste, qui a perdu un référé visant à faire suspendre le projet, référé qui pouvait être perdu, je n'en discute pas. L’ayant perdu, elle a en revanche saisi le Conseil d’Etat dans un pourvoi en cassation perdu d’avance quand on connaît la jurisprudence du Conseil d’Etat en pareil cas. Le pourvoi n'a même pas été admis. L'affaire a coûté 4400 €. Pourvoi de com. ou grosse erreur ? Je ne sais pas. 

-          Mal tourné pour l’Etat, du fait de l’opposition activiste au barrage qui a occupé les lieux contre vents et marées et qui a tenu bon malgré diverses agressions comme celle du 23 janvier 2014 où un commando masqué pro-barrage a tout cassé dans la Métairie Neuve occupée, manifestant ainsi un profond respect pour le patrimoine départemental, avant que Carcenac et le préfet ne fassent beaucoup mieux le 1er juin 2015 en faisant table rase de ces bâtiments protégés par le PLU.

Dans ces conditions conflictuelles, je ne reproche pas à Ben Lefetey d'avoir discuté avant octobre 2014 avec le cabinet Royal. Ancien salarié de Green Peace et des Amis de la Terre national, encarté chez EELV, il n’a pas dû avoir grand mal pour entrer en contact avec Adélaïde Colin, ancienne de Green Peace, passée du cabinet Duflot au cabinet Royal. Il était connu de certains opposants qu’il avait des contacts avec Bénédicte Genin, chargée de l’eau au cabinet Royal. Personne ne le lui a reproché à ce jour. En tout cas pas moi.

Quant à Ségolène Royal, malgré quelques impairs, je lui reconnais volontiers dans l'ensemble sa bonne foi dans cette affaire avant la mort de Rémi. Certes, Ségolène Royal est entrée dans ce dossier en parlant publiquement d'un barrage hydro-électrique, c'est à dire qu'elle ne connaissait rien à l'affaire, mais ce n'est pas grave. Manuel Valls et une bonne série de ses courtisans PS ont bien dit que le barrage devait servir pour assurer l'eau potable à Montauban! (ce qui était une grosse blague). Certes, Ségolène Royal a été aisément trompée par Maryline Lherm quand elle a repris son bobard sur la vieille dame qui aurait été chassée par les méchants zadistes. On a vite vu qu'elle avait été trompée. Cela peut arriver à tout le monde. Des opposants au barrage ne sont-ils pas trompés par le staff FNE depuis la mort de Rémi ?

Ce qui importe c'est que dans l'ensemble, Ségolène Royal avait pris conscience du problème posé par le projet aberrant de Sivens avant octobre 2014. Comme quelques rares politiques (je pense à Roland Foissac alors vice président du conseil général), elle a eu le souci de sortir de l’imbroglio par une négociation à partir de bases fiables : c’est ainsi qu’elle a commandé un rapport à deux experts MM Forray et Rathouis. Pour essayer de sortir de la crise. Publié le 27 octobre 2014, le lendemain de la mort de Rémi ! ce rapport confirmait que le projet ne tenait pas debout, ce que Ségolène Royal a reconnu ensuite dans diverses déclarations.

Mais auparavant, le gouvernement et le préfet Gentilhomme avaient envoyé l'armée.

Ségolène Royal n'est pour rien dans l'envoi de l'armée à Sivens et dans ce qui s'est passé en septembre/octobre. Je n'en doute pas. C'est Manuel Valls qui a tenu des propos de matamore démagogue le 6 septembre 2014 devant les agriculteurs en Gironde (lire l'article de Marc Laimé en lien). Pas Ségolène, qui mettait en garde le département du Tarn le 7 septembre 2014 sur le respect de la règlementation et demandait une expertise.

A mon humble avis, c'est le trio Valls/Cazeneuve/Gentilhomme qui a envoyé l'armée à Sivens en septembre/octobre 2014, avec les conséquences que l'on connaît.

Mais Ségolène Royal étant membre du gouvernement Valls, il convenait après la mort de Rémi que l'opposition légaliste au barrage en tire toutes les conséquences, ce qu'elle n'a manifestement pas fait, puisqu'elle n'a même pas communiqué à ce jour le rapport Forray dans les procédures qui étaient ouvertes ! C'est ici que commence mon désaccord.

SIVENS APRÈS LA MORT DE RÉMI

DEUX STRATÉGIES EN DISCUSSION

1-      La stratégie que j’ai proposée

De mon côté, dès la mort de Rémi Fraisse, j’ai proposé au Collectif Testet de porter le fer en justice. J’en ai discuté plusieurs fois début novembre 2014 avec l’avocate de FNE et Collectif Testet et avec des dirigeants du collectif jusqu’au 19 novembre 2014 où je suis allé rencontrer Grégory Dhoye à Rabastens pour lui expliquer mes points de vue.

J’ai fait des propositions sérieuses, précises, techniques, fondées sur mon expérience antérieure d’avocat et de dirigeant associatif. Collectif Testet étant seul dépositaire de l’action qui avait été engagée contre les arrêtés autorisant le barrage, je ne pouvais, comme simple opposant, que proposer mon aide au Collectif  Testet pour la bataille judiciaire que je demandais d’engager. Je l’ai fait en vain.

2-      La stratégie de Collectif Testet /FNE

De ce côté, c’est l’abandon de la bataille judiciaire qui a prévalu. C’est clair. Non seulement, FNE et Lefetey ont entraîné le collectif dans leur refus de faire un référé fin 2014, mais à ce jour, ils n’ont rien fait dans les affaires qui concernent les arrêtés qui ont permis le barrage. Depuis la mort de Rémi, ils n’ont déposé dans ces deux dossiers aucun mémoire et aucune des pièces capitales et très importantes susceptibles de faire annuler les arrêtés de DUP et de DIG, il n'ont pas déposé le rapport Forray devant le tribunal. Qu'on me permette de penser que c'est une honte pour tout le mouvement associatif français en matière de défense de l'environnement après ce qui s'était passé. Je vais l'expliquer ici.

LE DEAL INFÂME ET LA FACE CACHÉE DE LA LUNE

Le contexte : dès la mort de Rémi Fraisse, France Nature Environnement entre ouvertement dans le jeu et occupe les médias avec Ben Lefetey. Ségolène Royal souhaitant ouvrir une concertation pour sortir de la crise, elle envisage de rencontrer séparément les parties mais FNE et Lefetey demandent une réunion commune de toutes les "parties" (sans la ZAD bien sûr) qui est acceptée par tous le 4 novembre 2014.

De nombreux documents officiels ou pas indiquent clairement l'objectif ouvertement poursuivi lors de cette réunion par Ségolène, objectif validé par FNE et Lefetey.

Un seul exemple : Lettre de mission de Ségolène Royal à Nicolas Forray, 10 novembre 2014 :

"J'ai réuni le 4 novembre l'ensemble des parties concernées (...) Je souhaite qu'une réponse conciliant les besoins en eau des agriculteurs pour exercer leur activité et les enjeux environnementaux soient rapidement élaborée et qu'elle s'inscrive dans un projet de territoire que toutes les parties ont appelé de leurs vœux" (souligné par moi)

Voir aussi le second rapport Forray, page 4, première phrase. C'est clair.

Dès le 4 novembre 2014, FNE et Lefetey se sont engagés publiquement dans la "sortie de crise" et dans ce fameux "projet de territoire", tout droit sorti du rapport Martin, celui qui, devenu ensuite ministre, devait "ouvrir les vannes de l'irrigation" (voir l'article de Marc Laimé déjà visé). Lefetey a eu ses entrées à la préfecture du Tarn et au ministère. Il est passé sur les médias et a fait des conférences pour dire que c'était bon, que c'était gagné, que le barrage était abandonné. Sa force a été de montrer ce fameux "projet de territoire" comme la pleine lune et de faire croire à certains opposants que cette lune n'avait pas de face cachée.

Or, il y avait une face cachée, qui m'est apparue au grand jour en ma qualité de juriste lorsque j'ai appris le 23 novembre 2014 que FNE et Ben Lefetey avaient signé une demande d'abrogation administrative des arrêtés qui avaient permis le barrage : ils avaient abandonné la bataille judiciaire visant à faire reconnaître la responsabilité de l'Etat dans ce qui s'était passé !

J'ai pensé aussitôt qu'il y avait eu un deal Cabinet Royal/Lefetey/FNE sur une issue négociée du litige comprenant l'abandon des procédures judiciaires en cours, je parle des principales, des fondamentales, CELLES QUI CONCERNENT LES DEUX ARRÊTÉS QUI ONT PERMIS LE BARRAGE.

Ceci vient d'être confirmé de la manière la plus nette fin octobre 2015 : depuis la mort de Rémi, Collectif Testet a certes gesticulé, émis des communiqués, mis en avant certaines de ses actions purement défensives(voir aussi les posts) mais Collectif Testet n'a RIEN fait pour essayer de faire sanctionner les arrêtés par la justice, alors que Ségolène Royal elle-même a laissé entendre qu'ils étaient illégaux !

Quand on conteste une décision administrative qu'on estime illégale, on l'attaque pour la faire annuler.

Si des éléments nouveaux surviennent, on fait ce qu'il faut ensuite en cours d'instance pour les utiliser et  pour la faire annuler ! C'est la base. Or, malgré des éléments déterminants survenus pendant l'instance, malgré ce qui s'était passé, Collectif Testet n'a rien fait encore à ce jour !

RIEN NE PEUT JUSTIFIER UNE TELLE INACTION si ce n'est un deal avec l'Etat.

Comme je dénonce publiquement cet état de fait indéfendable, je ne doute pas que Lefetey va bientôt nous dire ou nous faire dire par un de ses sectateurs qu'il allait faire quelque chose... mais rien ne pourra justifier ce qui s'est passé depuis la mort de Rémi dans ces procédures. En janvier 2015, le staff FNE n'a-t-il pas fait croire à quelques naïfs, suite à mes demandes visant à déposer un mémoire, qu'il allait déposer un mémoire complémentaire et ensuite qu'il l'avait déposé ! comme Lefetey l'a dit dans son blog le 16 juillet 2015... sauf que ce mémoire ne visait pas les arrêtés fondamentaux de DUP et de DIG ! Tromperie caractérisée (voir les posts).

Encore une fois, je ne conteste pas les discussions qui ont eu lieu entre le cabinet Royal et Ben Lefetey avant la mort de Rémi Fraisse. Je dis avec force que tout accord Cabinet Royal/Lefetey/FNE sur une issue négociée du litige incluant le fait de laisser tomber les procédures judiciaires en cours, notamment en s'engageant à ne pas se servir du rapport Forray comme c'est le cas depuis une année, AURAIT  DÛ ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME CADUC APRES LA MORT DE RÉMI.

IL PEUT AUJOURD'HUI  ENCORE ÊTRE RENDU CADUC.

J'EN APPELLE ENCORE AUX MEMBRES DE CHACUNE DES ASSOCIATIONS QUI ONT SIGNÉ LES REQUÊTES INTRODUCTIVES D’INSTANCE CONTRE LA DUP ET LA DIG, ELLES SEULES HABILITÉES À COMPLÉTER LES RECOURS INITIAUX.

RIEN N'EST ENCORE PERDU. Les affaires ont été laissées en sommeil devant le TA: elles y dorment toujours. Il suffit de les réveiller.

Ces arrêtés sont illégaux et doivent être annulés si les affaires sont normalement défendues ce qui n'est pas le cas à ce jour !

Je dénonce avec d'autant plus de force cette affaire que le préfet Gentilhomme vient de parler d'un accord futur dans La Dépêche autour du dédommagement du département et de la CACG et de cette vaste fumisterie de "projet de territoire" dont Lefetey et le préfet nous rebattent les oreilles depuis des mois (encore une histoire de com. dans laquelle il ne manque à ce jour que les dindons de la farce, comme le coup de la com.21 avec Notre Dame des Landes ou les gaz d'échappement des voitures ).

Dans la perspective de cet accord à venir, on pouvait et on peut toujours s'attendre à tous les renoncements.

J'en appelle à tous les opposants : il est toujours temps d'ouvrir les yeux et de voir la face cachée de la lune.

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