Maryline Lherm l'a donc emporté largement dans le canton de Sivens. Comme l'a remarqué justement France 3 le 22 mars 2015, elle était opposée à un autre pro-barrage (socialiste) mais elle "a peut-être su porter plus haut sa voix « anti-zadistes ». C'est bien ainsi qu'elle a gagné la "bataille de la communication".
MARYLINE LHERM OU L'ART DE LA DÉSINFORMATION
Dans l'affaire de Sivens, j'ai déjà évoqué le fiasco de la "bataille judiciaire", qui a été abandonnée lamentablement après la mort de Rémi Fraisse par le noyau qui a contrôlé "l'opposition légaliste" au barrage. Mais cette date marque aussi le basculement de la "bataille de la communication".
Avant la mort de Rémi Fraisse, il est vrai que la contestation a tenu le haut du pavé. Les opposants, dans leur diversité, étaient pour l'essentiel unis dans un même combat contre un projet absurde qui allait saccager un bien commun, une zone naturelle protégée, pour l'intérêt d'une vingtaine d'agriculteurs. La résistance avait reçu de nombreux soutiens et s'était organisée dans la non violence.
On en aura une bonne idée ici (BFM, 13/09/2014):
Reportage édifiant où l'on voit justement le duo Lherm/Puibasset. Vous noterez au passage la phrase culte de Maryline Lherm : "je ne crois pas que l'agriculture puisse se passer d'eau".
Combien de fois l'avons nous entendue ? On se demande pourquoi les agriculteurs locaux s'étaient fermement opposés au premier projet de barrage dans les années 1980. Et comment font tous les autres agriculteurs des coteaux ou des plateaux de la région qui n'ont pas de barrage à 8 millions d'euros sous la main ?
Vous noterez aussi en fin de reportage un agriculteur pro-barrage dans son champ de maïs de plus de 2 mètres de haut... maïs qui a poussé à cette belle hauteur... alors que le barrage n'existe pas... Il nous explique (on le comprend) qu'il faut un barrage pour faire face à une éventuelle sécheresse, donc pour servir d'assurance tous risques... pour sa culture du maïs.
Il faut le voir pour le croire, et là, tous ceux qui veulent bien ouvrir les yeux peuvent le voir.
Après la mort de Rémi Fraisse, c'est une toute autre affaire de Sivens qui commence.
Alors que l'opposition légaliste, cornaquée par France Nature Environnement, va abandonner la bataille judiciaire pour s'engager dans la voie de la politicaillerie, les pro-barrage vont marteler leurs discours sur deux axes :
1- aucune décision de justice n'a été rendue en faveur de l'opposition (il va y en avoir au contraire bientôt... mais toujours contre les occupants)
2- la violence, ce n'est pas l'armée que Valls a envoyée début septembre pour défendre la coupe illégale des arbres et les 25 et 26 octobre 2014 pour défendre on ne sait quoi ce jour là. La violence, c'est la ZAD !
Quelques jours à peine après la mort de Rémi Fraisse, la voie était tracée. Les adversaires étaient vite et bien trouvés : les occupants du site. Le 29 octobre, Xavier Beulin parle des "djihadistes verts" qui auraient été présentés comme "un mouvement pacifiste".
Le 31 octobre 2014, sur France Info, Maryline Lherm parle au nom des habitants. Sa problématique c'est que l"on a sur le site des gens qui sont loin de ces pratiques environnementales" ; qu"on ne parle jamais des habitants qui sont abandonnés dans un site où il y a du danger", qui sont "terrorisés" ! oui "terrorisés" !
La journaliste lui pose alors la question: "quand vous dites terrorisés, ça veut dire qu'il y a des gens qui agressent physiquement, réellement les gens du secteur ?"
A quoi Maryline Lherm est bien forcée de répondre : "Non, non, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit".
Et pour cause. Ceux qui connaissent le site occupé savent qu'il est en pleine campagne et qu'il s'agit pour l'essentiel d'une partie de la forêt domaniale de Sivens et de l'autre de terres acquises par le département. Il n'y a aucun habitant dans la zone occupée et les plus proches voisins sont la famille Lacoste, agriculteur qui est opposé au barrage depuis toujours et qui soutient l'occupation. Les seules violences qui ont eu lieu sur le site entre "habitants", comme elle dit, sont le fait des pro-barrage qui sont intervenus en commando sur la zone et qui ont dégradés divers biens et véhicules. Ainsi, en janvier 2014, un commando d'une vingtaine de personnes cagoulées a saccagé le bâtiment de la Métairie neuve, appartenant au département et occupé par les opposants.
Quelques jours plus tard, Maryline Lherm dénonce encore, jusqu' au plus haut niveau de l'Etat, la terreur que font régner les zadistes sur la région, comme en témoigne le communiqué de Ségolène Royal après la réunion du 4 novembre 2014 :
"Madame le maire a demandé avec beaucoup d’émotion d’ailleurs que soit réglé le problème de l’occupation illicite du terrain et a demandé l’évacuation immédiate. J’ai donc demandé à la coordination des associations locales d’appeler à l’évacuation du terrain, la réponse n’a pas été négative, donc je crois qu’un effort doit être fait dans ce sens pour que le territoire, les habitants du territoire, les riverains du territoire retrouvent la tranquillité.
Notamment il y a une dame qui est âgée de plus de 70 ans qui n’est plus dans sa maison, sa maison est squattée, j’ai demandé à ce que cette dame puisse revenir chez elle et que la tranquillité et que la sécurité publique soient rétablies, que le terrain soit donc évacué de cette occupation illégale."
A la télévision, Ségolène Royal essaie de faire pleurer la France entière avec sa vieille dame chassée par des méchants zadistes, alors que tous les gens qui connaissent la situation manquent de peu de s'étouffer :
Il s'agit en effet d'un bobard comme il y en a eu beaucoup dans l'affaire de Sivens. Dans les jours qui suivent, Le Canard Enchaîné et La Dépêche du Midi indiquent que la maison n'était pas squattée, qu'il y avait un panneau à l'entrée invitant tout le monde à respecter ce lieu, et que la vieille dame avait été déménagée à la demande des gendarmes, suite au fait que le chantier lui avait coupé l'électricité et le téléphone... Mme Lherm avait simplement menti à la ministre.
Le 15 novembre suivant, à Albi, la FNSEA attend "5 000 citoyens exaspérés" et Philippe Bardy (FDSEA Tarn) déclare : "Ce ne sera pas la manifestation des pro-barrage contre les écologistes, mais celle du ras-le bol contre les 'zadistes', des mercenaires venus de partout, qui utilisent la violence contre un projet qui a suivi un processus démocratique". Et chacun y va de son discours ce jour là. Ces citoyens exaspérés, qui viennent des Landes, du Gers et de tout le Sud Ouest n'ont aucun lien direct avec Sivens, si ce n'est qu'ils pensent d'une manière générale que l'eau, en France, leur appartient.
Maryline Lherm regrette ce jour là «que les entreprises et les forces de l'ordre soient parties de la zone du Testet, mais que les opposants soient restés.»
Suite à cette manifestation, Ben Lefetey réagit par un communiqué édifiant indiquant que "Le Collectif salue à nouveau l'initiative de Ségolène Royal, visant à trouver des solutions consensuelles permettant d'assurer l'avenir de l'agriculture sur le bassin du Tescou (...) Chacun doit donc concentrer son énergie dans cette direction et contribuer ainsi à un apaisement bienvenu sur le territoire.» On croirait entendre Ségolène Royal ou son petit télégraphiste !
Dans les mois qui vont suivre, les opposants au barrage n'auront toujours pas de décision de justice en leur faveur mais les pro-barrages, eux, vont obtenir des décisions d'expulsion, ce qui va leur permettre de donner dans la surenchère en février et mars 2015.
Alors que le noyau qui dirige l'opposition légaliste au barrage s'en remet à Ségolène Royal en claironnant le 16/01/2015 -" Le projet initial est enfin abandonné !", les pro-barrage s'organisent et vont mener de pair, agressions dans le secteur, actions en justice visant à obtenir l'expulsion des zadistes, et déclarations incendiaires de certains élus ou dirigeants agricoles.
Dans cet exercice, Maryline Lherm va tenir le haut de l'affiche en multipliant les déclarations et en prenant ouvertement parti pour les groupes/FNSEA qui vont bloquer tout le secteur de Sivens.
Je ne citerai ici que son interview à BFM le 1er mars 2015
Elle y prétend :
- que "la population souffre" ! Quelle population ? et de quoi souffre-t-elle exactement ? De voir que le site du barrage est occupé en rase campagne par des "peluts" (chevelus) alors que les recours judiciaires sur la légalité du barrage n'ont pas encore été jugés ?
- qu "on n'a plus accès aux routes". Seule la petite route qui longe le site du barrage en rase campagne est en partie barrée, suite aux attaques dont les zadistes ont été victimes (note 1).
- qu "une partie de la population n'a plus accès a leurs propriétés à leurs maisons". Quelles propriétés ? Quelles maisons ? Quelle "partie de la population". Les propriétés et la maison occupées appartiennent au Département ou à la CACG.
- Qu'elle a "demandé la mise en place d'une cellule psychologique". Pour qui, pour quoi ? Certaines personnes qui seraient passées par là en rase campagne, à défaut de toute agression physique, auraient-elles été choquées par la vue de sauvages qui vivent dans des cabanes, dans la boue ou dans les arbres, en mangeant les carottes et les poireaux que leur apportent des âmes charitables de la région ?
- Et, ce qui me paraît être un des sommets de cette triste histoire, elle déclare :
"aujourd'hui ce sont les agriculteurs qui sont obligés de faire régner l'ordre sur le site". Quel aveu !
Quand on sait ce qui s'est passé depuis début février 2015 dans le secteur, on peut se demander de quel "ordre" parle Maryline Lherm. En effet, depuis le début février, des agriculteurs ou des personnes liées à la FNSEA, venues parfois d'autres départements, ont bloqué en toute impunité LES routes de tout le secteur, en filtrant les passages, en interdisant à des habitants anti-barrage de passer, en dégradant divers véhicules, tout ceci sous l'œil complaisant des forces de l'ordre. Les agriculteurs ont fait régner "l'ordre FNSEA", le même qui leur a permis de déverser impunément des tonnes de fumier à Toulouse, à Albi et ailleurs, sous l'égal regard complaisant des hommes de Monsieur Cazeneuve.
Et gare aux agriculteurs qui ne seraient pas d'accord avec le barrage. C'est ainsi que la famille Lacoste a été bloquée et menacée sur sa propriété par les commandos-FNSEA, toujours devant l'œil goguenard des forces de l'ordre.
Illustration sonore ici, sur Radio Canal Sud, http://www.canalsud.net/?Sivens-degage-on-amenage-fdl-du-9 à partir de la minute 14 : Monsieur Lacoste, bloqué dans sa ferme, demande à la maire de Lisle de garantir sa liberté de circulation et celle de sa famille. Et Mme Lherm, tout simplement, se moque de lui.
A Lisle sur Tarn, il y a donc deux catégories de citoyens pour le maire :
- ceux qui sont pro-barrage et qui peuvent bloquer les routes de la commune tranquillement en toute illégalité (délit d'entrave à la circulation)
- ceux qui sont contre le barrage et que les commandos peuvent bloquer chez eux et empêcher de circuler librement pour aller chez eux.
L'Histoire de France montre qu'une telle conception de la démocratie entre amis peut parfois marcher, dès lors que l'on favorise des gens et des groupes de pression influents et que l'on arrive à occulter les véritables problèmes posés par un dossier litigieux. Elle montre aussi qu'il est facile de susciter des peurs contre des groupes sociaux, pour peu que, comme les zadistes, ils aient un mode de vie qui sorte un peu de l'ordinaire, dans un paysage où tout a été rasé par les bulldozers...
Bien sûr il faut savoir aussi profiter de la complaisance ou des erreurs de l'adversaire, mais la morale de cette histoire c'est qu'une bonne pratique de la désinformation et du mensonge, une bonne utilisation des bons poncifs (l'agriculture a besoin d'eau !), une bonne pratique du clientélisme, l'art de faire passer son intérêt personnel pour l'intérêt général, l'art de susciter les peurs du "bon peuple" et de brandir les terribles menaces qui pèsent sur la société, il n'y a rien de tel pour assurer une bonne élection.
Maryline Lherm aura montré jusqu'au bout qu'en matière d'électoralisme, tous les coups sont permis :
Alors qu'elle a été élue avec le soutien ouvert de la droite, qu'elle a pratiquement fait au second tour le plein des voix du Front National dans le canton de Sivens ... elle a voté le 2 avril 2015 pour Thierry Carcenac (PS) à la présidence du Conseil départemental !
On peut donc laisser le mot de la fin à un orfèvre en la matière, Philippe Folliot, autre cumulard tarnais, grand partisan du barrage et grand donneur de leçons en matière de "légitimité des élus" et de légalité républicaine, lequel a déclaré après ce vote : "Le groupe est unanime, il est choqué par le comportement de deux élus qui avaient eu notre investiture, qui ont été élus avec cette investiture, et qui, moins de 48H après le scrutin sont allés rencontrer Thierry Carcenac pour se rallier. C'est un comportement politiquement indigne" (Le Tarn Libre, 2 avril)
Parmi ces deux élus, il y a, vous l'avez compris, Maryline Lherm.
Note 1 - La Dépêche du 5 avril 2014 précise : "Les «habitants de la zone à défendre» (ZAD) se sont dits dans un communiqué «surpris de l'article du 4 avril 2014 dans les colonnes de la Dépêche du Midi qui met en scène des partisans du barrage de Sivens en les qualifiant de riverains gênés par l'occupation. En effet, c'est suite au saccage de la Métairie Neuve le 23 janvier 2014 par un commando d'individus cagoulés et diverses provocations sur le terrain que nous avons du nous organiser (...). La surveillance des routes, qui n'est en aucun cas un contrôle, fait partie de ce dispositif de défense indispensable. Nous appelons tous les usagers de la RD132 à l'ouverture d'esprit et rappelons que nous sommes toujours ouverts au dialogue"