Nous arrivons au bout du bout de l'Histoire. Que ressentons-nous ? Rien. Conscients plus ou moins de nos contradictions, de l'impossibilité de dénouer une situation où le tragique côtoie le comique, de trouver les réponses pertinentes aux problèmes que nous avons créés et qui deviennent inextricables, nous avons choisi la solution la plus simple et la plus à notre portée, un comportement nihiliste. Culture faisandée, manque de réflexion, de courage et de volonté à choisir des voies difficiles, tout concourt à dessiner une trajectoire conduisant à une fin sans gloire. Nous aurions donc fait notre temps. Plutôt Thanatos qu'Eros. Même l'instinct de survie semble s'être enfoncé dans les sables mouvants de la résignation. Pour combattre la "chose" et nous donner du courage, on nous sert le concept de résilience. Connerie de psycho-sociologue que la résilience ! Sur le plan de l'économie, nous avons laissé faire le néolibéralisme. Sur le plan politique, nous plébiscitons le nationalisme et le populisme ou mieux, l'attelage national-populisme. Le 2 en un. Aux chiottes l'Histoire et ses enseignements ! Sur le plan de la Communication et du vivre ensemble, c'est le diktat des réseaux sociaux: nombrilisme, déferlement de haines identitaires et d'appels aux meurtres symboliques ou réels, la sauvagerie labellisée modernité. Et la pornographie la plus trash accessible à tous, le fantasme sans l'amour. Trop compliqué l'amour. Faut donner. Echange gratuit. Sans oublier les médias shootés à la télé-réalité, à de soi-disant amuseurs à l' humour aseptisé et convenu, aux clashs orchestrés, aux slogans, aux petites phrases et autres scandales minables où l'obscène n'a d'égal que la médiocrité crasse. Et la tweetofolie, quelques mots, des onomatopées, et je balance la sauce pour faire le buzz. Canards sans tête. D'aucuns affirment avoir trouvé LA solution à tous nos - malheurs- . Il suffirait de confier nos destins à la Science, le scientisme béat, la Science cherche n'importe quoi ... trouve tout. Et on applique. Pas de tri sélectif, c'est pas le boulot des scientifiques qu'ils disent, c'est donc celui des marchands. Et voici, voilà les nouvelles technologies, des gadgets pour remplir nos cabas et vider nos cervelles, les couteaux suisses qui résoudront quoi au fait ? la question dramatique du réchauffement ? *. Les idées saugrenues ne manquent pas, les solutions estampillées sérieuses non plus: intelligence artificielle ( maîtrise sur les applications ? ), voiture électrique 1 et voiture autonome ( fiabilité ? capteurs en panne ? responsabilités en cas d'accident ? ), nucléarisation ( sans commentaires ), transhumanisme, " ogémisation " de la Nature, clonage, j'en passe et des meilleures - ou des pires -. A chaque problème, un problème. telle est la devise, la procédure à respecter. La fuite en avant pour ne pas tomber, pédalons, pédalons comme disaient les Shadoks. Complexifier. Ne pas contrôler. Ne pas douter.
Pour ma part, futur condamné ( pas tout seul, ça me réconforte ), je saisis la dernière cigarette et le verre de gnole. Ce sera la grande bouffe dans tous les domaines, version Marco Ferreri. Un crédit pour acheter un gros cul SUV pour la frime avec plein de trucs électroniques embarqués et ça fera plaisir à mon banquier qui me fera profiter, très cher client, d' un crédit à la consommation qui coûte rien ; fini le tri fastidieux des déchets ménagers, terminé le recyclage .de mes piles et objets électroniques, la Nature comme poubelle, c'est à portée de main. Ensuite, quelques achats inutiles mais bien polluants quant au bilan carbone: une montre connectée afin de connaître ma tension heure par heure, mon nombre de pas dans une journée, le taux d'humidité dans l'air et tout plein de choses encore qui m'occuperont le cerveau; les lunettes connectées pour être plongé dans le virtuel hypnotique Ah oui, aussi le frigidaire intelligent avec écran télé qui m'interpellera gentiment pour me dire qu'il manque une plaquette de beurre et 1 yaourt à la fraise ( j'aime les yaourts à la fraise ). J'aurai le choix, des catalogues pleins, les porte-clés, les balances, les vêtements, les chats, les chiens et les poissons rouges…. ( 50 milliards d'objets connectés en 2020 ! ). Je vais me faire plaisir et " les objets connectés c'est le plaisir assuré ". Le tout - et le rien - connecté, voilà bien un marché juteux à fort potentiel coco ! Tout ça via Internet. Le fameux cloud va chauffer. Prévoir un gros disjoncteur. Passons à la bouffe. Avec l'économie réalisée sur le bio que je boycotterai, je vais pouvoir me goinfrer de plats cuisinés industriels, gain de temps pour en manger plus. Ou à la limite, des produits bios venant des "antipodes". L'ail bio venu d'Argentine, le kiwi bio provenant de Nouvelle Zélande, les fruits et légumes exotiques bios ayant parcourus des milliers de kilomètres pour arriver dans mon assiette en plastique. La mondialisation des échanges, sans limite, sans contrôle, que du bon. Et puis il faut faire tourner la machine jusqu'au bout. Où mon égoïsme rejoint l'intérêt général. La pollution c'est de l'emploi. La pollution c'est du pognon. Tous ensemble, tous ensemble, oui, oui, unis par nos égoïsmes assumés.
A bas les moralistes désuets, les stoïciens tristouilles avec leur sagesse, leur vertu et leur tempérance, les donneurs de leçons geignards, les écolos pas rigolos, les coincés des mandibules et des intestins qu'ils soient végétariens ou végétaliens, les bobos tout en bio culpabilisants. Nous sommes de toute façon les plus nombreux et la raison commande que la jouissance soit intense parce qu' elle sera brève. Ne refusons pas cet orgasme précoce. Allez je vous laisse, je vais fumer ma clope sans filtre et boire mon verre de gnole non bio.
* selon le dernier rapport du GIEC, pour contenir le réchauffement global dans la limite de 1,5 ° depuis l'ère préindustrielle, il faudrait que les émissions mondiales de CO2 baissent de 45% en 2030 par rapport à 2010 et que le zéro émission nette ( différence entre les émissions et la capture des gaz à effet de serre ) soit atteint en 2050 ! Pour limiter à 2% c'est respectivement moins 20% et 2075. Notons que les conséquences d'un demi degré entre 1,5 et 2 sont déjà dramatiques sur tous les plans: hausse des niveaux des mers ( écart de 10 cm ), 10 millions d'habitants touchés en plus, impact amplifié sur les écosystèmes, 2 fois plus d'espèces animales affectées, pandémies certainement plus nombreuses… .avec l' IRREVERSIBILITE à la clé. Et avec + 3°, tous les désespoirs sont permis ! Le hors contrôle définitif. Les engagements NON contraignants des signataires de la COP 21 à Paris en 2015, 3 ans déjà, ce succès planétaire que les martiens nous envient, conduisent à + de 3°... 2019 à 2030: 11 années. Retour en arrière : 2008 ( Euro de foot, bientôt la fin des départements sur les plaques minéralogiques, et le début des jeux Olympiques de Pékin, le Grenelle de l'environnement de Sarkozy…). 2019 à 2050, 31 années, retour en arrière: 1988, début du 2ème septennat de F. Mitterrand … Hier, les souvenirs sont encore frais. Un constat: seules les périodes de crises économiques font baisser les rejets de CO2. De force…
1https://blogs.mediapart.fr/berthe-dominique-henri/blog/280218/la-voiture-electrique-grosse-et-couteuse-arnaque