Quelles sont les grandes « masses » et les thématiques en présence :
- l'extrême-droite avec l'immigration, l'identité nationale, l'europhobie
la droite dure avec le libéralisme économique, la sécurité, l'identité nationale, des valeurs morales traditionnelles, l'euroscepticisme
la droite modérée et le centre avec le libéralisme économique teintée de social, des valeurs morales libérales, l'europhilie
la sociale-démocratie avec le libéralisme économique teintée de social, des valeurs morales libérales, rôle de l’État (Jacobinisme), l'europhilie
la sociale-écologie avec le social primant sur l'économie, des valeurs morales libérales, rôle de l’État décentralisateur, « l'eurocritiscisme »
. le socialisme révolutionnaire avec le social primant sur l'économie, des valeurs morales libérales, rôle de l’État centralisateur, l'europhobie
A noter que la question environnementale n'est pas du tout portée par les 4 premiers groupes ou de façon anecdotique.
Quelles conséquences sur le plan électoral pour les alliances ?:
- l'extrême-droite et la droite dure sont opposées sur le plan économique suite au contre-pied de Marine Le Pen par rapport à son père, ultralibéral. Une faille grandissante existe entre droite dure et droite modérée sur le plan social et sociétal, et sur l'Europe. Ces 2 pôles réunis de la droite devraient disparaître, la droite dure est appelée à rejoindre l'extrême-droite à brève échéance.
- la sociale-démocratie est en perte de vitesse en Europe. Décrédibilisée du fait de ses résultats économiques et à qui une partie de la gauche reproche ses concessions au système économique libéral, elle peut survivre comme courant à l'intérieur d'un grand parti regroupant droite modérée, centre, social-démocratie. Les divergences actuelles avec la droite modérée ne sont pas du tout rédhibitoires, on le voit avec les thématiques qui les préoccupent. Il s'agirait d'un parti Démocrate type américain.
- la sociale-écologie, mouvement émergent, représente une force politique d'un poids électoral insuffisant pour peser significativement sur les futures élections. Sa dynamique actuelle, y compris en Europe, peut rebattre les cartes dans ce qu'il convient d'appeler un rapport de force politique avec les socio-révolutionnaires. Le clivage porte essentiellement sur l'Europe, la volonté de mettre l'économie au service du social est la même. La transition écologique semble également un thème fédérateur. De la même manière, les socio-révolutionnaires forme un groupe qui seul, pèse insuffisamment dans le champ politique pour modifier les grands mouvements électoraux qui se présentent.
Nous pouvons mettre des noms représentant chaque groupe :
- l'extrême droite et M. Le Pen ; la droite dure et F.Fillon ; la droite modérée et le centre avec A.Juppé, F.Bayrou, E.Macron ; la sociale-démocratie avec M.Valls ; la sociale-écologie avec B.Hamon ; le social-révolutionnaire avec J.L.Mélenchon. Il existe bien sûr d'autres noms pour chaque groupe mais ils jouent un rôle secondaire.
Dans l'optique du premier tour de l'élection présidentielle, hors séisme juridique concernant F.Fillon, M.Le Pen peut à priori compter sur un potentiel de 19 à 22% (18% en 2012). F.Fillon, étant donné le contexte actuel et l'évolution politique entre 2012 et 2017, se situera loin du score de Sarkozy de 27%. Il perdra des voix qui se dirigeront vers le Front National, d'autres vers E.Macron, hors nouveau candidat type centriste. Ce paramètre devra évidemment être pris en compte et modifiera le score en particulier celui de E.Macron. B.Hamon peut compter sur un socle se situant dans les 15%-17% ( près de 29% pour F.Hollande en 2012). JL.Mélenchon devrait progresser en terme de voix (11% en 2012) puisqu'il accueillera un certain nombre de déçus du Hollandisme mais beaucoup moins du fait de l'arrivée de B.Hamon en lieu et place de M.Valls. L'attitude à venir des communistes pourrait modifier également la donne. (voir ci-dessous) Le tempérament de JL.Mélenchon et sa propension pour l'instant à exclure les socialistes quel qu’ils soient, freinent son attractivité et risquent de le pénaliser. Un score de 14 à 15% au premier tour est atteignable .
EELV avec Y.Jadot devrait grignoter à la marge le potentiel de B.Hamon mais suffisamment pour minorer le score de ce dernier (E.Joly :2% en 2012. ). Vu le contexte de cette élection et l'état des forces droite-gauche , ce faible pourcentage s'avérera préjudiciable à B.Hamon.
Les socles de voix pour chaque candidat sont déjà fixés. Ces socles ne suffisent pas bien sûr à prévoir l'ordre d'arrivée avec les poids électoraux de chacun. Ils indiquent seulement les gains à réaliser d'ici le premier tour pour être qualifié au second. Les mouvements habituels préélectoraux vont se faire avec des dynamiques propres. La dynamique pour l'instant semble positive pour B.Hamon et E.Macron. Beaucoup moins pour F.Fillon, stable pour M.Le Pen et pour JL.Mélenchon.
Le mois de février éclairera le débat, situera le réel potentiel de E.Macron en fonction des ralliements d'un partie des socio-démocrates à sa candidature, confirmera le statut de leader de la droite dure de F.Fillon et évacuera ou non un accord de gouvernement B.Hamon et JL.Mélenchon. Mais cet éventuel accord ne débouchera pas sur un désistement au 1er tour de l'un ou l'autre. Par ailleurs, l'attitude des communistes vis à vis de JL. Mélenchon évoluera. On connaît la difficulté relationnelle et stratégique qui existe entre communistes et mélenchonistes. La possibilité pour les communistes d'échapper au tête à tête exclusif et subi de fait avec JL.Mélenchon ne peut que leur convenir. Par ailleurs, les communistes se préoccupent plus des législatives que de l'élection présidentielle. Ils vont certainement mesurer le risque de lier leur sort à celui du mouvement La France Insoumise qui n'a pas d'assise locale contrairement au PS tendance socio-écologiste. Un rapprochement avec B.Hamon est donc envisageable.
Spéculation, politique-fiction ? Certes. Il s'agit simplement d'une réflexion à partir de la situation politique actuelle. Les surprises à même de bouleverser le paysage politique d'ici avril, si on se réfère aux résultats « improbables » des primaires , sont de l'ordre du possible. On connaît déjà certaines éventualités … Il semble toutefois que la présence de la gauche au second tour est conditionnée à une dynamique très forte de B.Hamon liée à un dégonflement du phénomène E.Macron dont les citoyens ne connaissent pas encore le programme économique. L'attitude de M.Valls et des caciques du PS sera déterminante. Par ailleurs, le sort judiciaire de F.Fillon renforcera ou non le Front National et M.Macron (sauf nouvelle candidature). Aucune élection n'a connu autant d'inconnus.
Serons-nous dans une configuration « marée basse » pour le premier tour avec de faibles scores pour les 2 premiers, type 2002 (20 et 19%) ou une configuration « marée haute », type 2007 et 2012 (respectivement 31%-26% et 29%-27%) ?. A aujourd'hui, la première configuration semble la plus probable. Ce qui augure, dans la mesure où de faibles mouvements de voix auront un impact très fort, un résultat que l'on peut qualifier d'aléatoire. Un score faible pour les 2 premiers candidats aura des conséquences postélectorales délétères pour la démocratie car la légitimité du gagnant à la présidentielle sera mise en cause tout de suite. Chacun ressent que nous entrons dans une zone de danger et pas seulement de turbulences. Seul celui qui incarnera un espoir crédible et fort et proposera des solutions partagées par un nombre significatif de citoyens pourra modifier la donne sachant à contrario que l'homme providentiel n'existe pas (sauf pour la droite dure ) ! La contradiction historique est aussi là.