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Billet de blog 9 mai 2016

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Stop au TAFTA. Et après ?

Les déclarations françaises sur le Tafta ne conduiront pas à la fin des négociations. Elles reprendront. Ce jour là; il faura préalablement purger cette négociation de son principal vice de construction.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les déclarations françaises sur l’arrêt probable des négociations du Tafta ne signifient pas que le projet soit définitivement enterré. Toutefois, si les négociations reprennent un jour, il faudra d’abord supprimer le principal vice de construction dont il est entaché. 

Commençons par cinq constats.  Ils vont nous faire découvrir ce vice de construction. 

Premier constat : une fois signés, les accords sur le commerce international tels que le Tafta, deviennent de véritables Lois qui sont supérieures au droit européen, lequel est supérieur au droit national, lequel est supérieur au droit local etc.

Deuxième constat : le TTIP portant sur plus de 40% du PIB mondial, il est clair que s’il est signé un jour, il servira de modèle à tous les accords sur le commerce mondial. L’enjeu est donc crucial. 

Troisième constat : la mondialisation économique est un échec. Ce constat a été dressé par Monsieur Klaus Schwab, Président fondateur du Forum Economique Mondial de Davos, dans une chronique publiée dans LES ECHOS le 20 Janvier 2014. http://www.lesechos.fr/20/01/2014/LesEchos/21608-044-ECH_votre-mission-sera-de-reorganiser-le-monde.htm.

Il faut absolument lire cettechronique. On y lit cet aveu stupéfiant de la part de Klaus Schwab : « …. Au fond, le message délivré par les militants antimondialisation au tournant du siècle dernier était juste. »

Quatrième constat :  dès le début des années 90, cet échec de la mondialisation était identifié et annoncé (Cf Robert Reich et son livre « l’économie mondialisée », éd Dunod 1993, ou encore Jacques Attali à l’Unesco en 1998). A l’époque, on avait bel et bien identifié la division des peuples en trois classes sociales dans tous les pays de la planète :

- L’hyperclasse, un groupe évalué à l’époque à quelques millions de personnes, disposant de tous les moyens de la connexité et de la création, captant la majeure partie de la richesse créée, et disposant d’une influence phénoménale sur les Hommes politiques (Les oligarques).   

- Les nomades de misère, au bas de l’échelle, subissant les technologies et obligés de bouger pour trouver du travail ou pour survivre. Pour eux, la précarité et la misère sont la règle.

- Entre les deux, une gigantesque classe moyenne, vivant dansl’espérance factice de rejoindre l’hyperclasse et dans la peur réelle de devenir nomades de misère.

Dix huit ans plus tard, on ne peut qu’être frappé par la réalisation de ces prédictions.

Cinquième constat : le TTIP est structurellement construit sur le modèle des accords de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) des années 94-2004, c'est-à-dire les accords qui ont conduit à l’échec dénoncé par Klaus Schwab. Donc, il nous mène lui aussi à l’échec.

Quelle est la caractéristique principale de ces accords ?  Toutes les clauses concernant le commerce sont contraignantes, mesurables, mesurées et sanctionnables par un système d’arbitrage. En revanche, les dispositions concernant les domaines social et environnemental, (fréquemment dénommées : « volet développement durable ») sont vagues, et laissées au bon vouloir des opérateurs économiques. Aucune sanction n’est possible. L’Homme et l’environnement sont les laissés pour compte.

Aujourd’hui, aucun pays ne peut s’opposer à l’importation d’un produit sur son territoire dès lors que les règles du commerce sont respectées, même si le produit a été fabriqué dans des camps de travail forcé (en piétinant la charte de l’ONU et les textes de l’Organisation Internationale du travail) et au prix de dégâts environnementaux majeurs. Dans les faits, le droit du commerce est donc supérieur à tous les autres.

Par conséquent, si nous signons demain le TTIP (40% du PIB mondial), sans aucun changement par rapport au texte d’aujourd’hui, nous aurons définitivement consacré politiquement et juridiquement la supériorité du droit du commerce sur tous les autres dans la mondialisation (et donc dans tous les pays du monde), puisque c’est le seul droit qui soit contraignant et sanctionnable en cas de non respect.

Il est donc clair que nous n’aurons aucune chance de transformer l’échec de la globalisation en réussite, sans un changement  radical sur ce point dans le TTIP, et dans les accords qui le suivront.

Comment procéder ? C’est simple. Il faut mettre le droit de l’environnement et le droit social au même niveau que le droit du commerce, comme c’est le cas dans toutes les démocraties. Une des solutions techniques de mise en place est décrite par exemple dans la résolution du Parlement Européen du 8 juillet 2005 http://media.wix.com/ugd/146df5_89d409f021b947788759667e42a21fe3.pdf (voir les paragraphes surlignés à partir de la page 7). Il s’agit de prévoir que la totalité des dispositions du TTIP soit contraignante (qu’il s’agisse des dispositions à caractère commercial, social ou environnemental), et que le non respect de n’importe quelle clause puisse être sanctionnée par la saisine du système d’arbitrage prévu à cet effet.  

Pour transformer l’échec de la mondialisation en réussite, il y a bien d’autres mesures prendre. Cet article s’est limité au principal vice de construction du TTIP, car c’est par lui qu’il faut commencer : replacer l’Homme au centre du dispositif.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.