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Billet de blog 28 février 2015

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"La tragédie des biens communs" (fable pour notre temps)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

à Garrett Hardin (1915-2003), écologue américain*

Il était une fois un pays d'hommes libres,
Libres de commercer et d'exploiter leurs pairs
(La liberté, là-bas, souffrait qu'on eût des serfs),
Se vouant de tout cœur et de toutes leurs fibres,
À la tâche de croître en un monde forclos.
Chez eux, ils étaient rois, mais ils se rêvaient dieux.
Rapportant le cadastre à l'infini des cieux,
Ils voulurent tirer la manne de leurs lots.
Un jour, des paysans, sur des prés communaux,
Libres de contenter leur unique intérêt,
Mirent de plus en plus de veaux à pâturer.
Les taux d'occupation devinrent infernaux,
Les sols en s'épuisant nourrirent moins les bêtes,
Les rendements en viande inclinèrent leurs courbes.
Les veaux buvaient leur pisse et mastiquaient leurs bourbes.
Alors chacun pensa qu'ajouter quelques têtes
Au cheptel maigrissant regonflerait la marge.
Ce fut à qui sur sa parcelle tasserait
Le plus rapidement le plus de minerai.
Les prés n'en purent mais d'une pareille charge,
Si bien qu'hommes et veaux périrent de famine
Et que la liberté dut accepter la bride
De l'intérêt commun aux parages du vide.
Il n'est de profit vrai que celui qu'on domine. 

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* Ce poème est une adaptation de son célèbre article intitulé "The Tragedy of the Commons", qui dénonce les vertus prétendument régulatrices du marché. 

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