Honte sur nous, Gaza, bétaillère immobile
Pour errance en enclos, où ta souffrance extrême
Dit tout l’abaissement de l’humanité même
Dont ton bourreau se pare et qui de tout l’exile.
Aux sources de tes maux jaillit l’eau de nos crimes,
Crime d’avoir laissé toutes ces mains infâmes
Au ventre de ta terre, au ventre de tes femmes,
Faire éclore un printemps mort-né fleuri d’abîmes ;
Crime d’avoir laissé ton ciel durcir en mur,
Horizon de plomb où l’aube ne peut lever ;
Crime d’avoir laissé tant de voix te parler,
Qui t’entendent si mal du haut de leur azur,
Qui croient être ta langue et, parlant, font silence
Sur le champ de pleurs où se moissonne ton râle ;
Crime d’avoir laissé tant d’hommes au cœur sale
Signer avec ton sang, qu’à grands jets ils dispensent,
Des traités pour l’image, offensant l’avenir ;
Crime d’avoir laissé se naufrager le droit,
Ce droit où ton école autrefois s’illustra,
Ce droit par l’assassin tordu pour se couvrir ;
Crime d’avoir laissé cette jeunesse en armes,
Réserve d’un État dont l’ultime ciment
Est la haine de l’autre, épandre le ferment
Dans ton peuple martyr d’éternelles alarmes ;
Crime d’avoir perdu sens et chair de ton cri,
Cri pour Noor, Ibrahim, Issam et Yahiya,
Cri pour Tasneem, Moath, Shuruq et Diaa,
Cri pour Majd, Ismail, Haneen, Rizq et Rami…
Honte sur nous, Gaza, qui rend chaque mot vain,
Ce crime qui te tue et que nous laissons faire
– Honte sur nous toujours, honte impossible à taire –,
Ce crime qui tue, il nous tuera demain.

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