Bertrand ROUZIES

Correcteur à Mediapart

Abonné·e de Mediapart

175 Billets

1 Éditions

Billet de blog 29 décembre 2014

Bertrand ROUZIES

Correcteur à Mediapart

Abonné·e de Mediapart

Éveillons-nous les uns les autres !

Bertrand ROUZIES

Correcteur à Mediapart

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’humanité connaît la faim
En mangeant le globe sans fin.


Nous réveillonnons mais veillons-nous ?
Boude-t-on son plaisir en en sachant les coûts ?
Cessera-t-on d’adorer l’étoile
Qui témoigne en brillant d’un monde qui se voile ?
Nous réveillonnons mais comme on dort.
Un lendemain de fête est un lendemain mort.


L’humanité connaît sa fin
En mangeant le globe sans faim.

Entre deux bombances, mon imagination m’a servi en rêve un étrange plat que j’ai voulu partager avec vous, lecteurs et lectrices transhumants, parce qu’elle m’en a intimé l’ordre et que cet ordre-là, jailli des profondeurs, n’est pas de ceux qu’on élude.

Vous vous étonnerez peut-être que mon imagination s’exprime en vers bien calibrés et se dessine en lignes claires. N’y voyez nulle affectation. L’activité onirique est une mobilisation cérébrale intense capable de miracles. Elle vous transforme un flûtiste passable en pianiste virtuose, un écrivaillon timide et complexé en orateur hors de pair, une existence terne de rond-de-cuir en épopée colorée digne de l’Arioste, un flirt de couloir en bacchanale sardanapalesque. C’est une de ses ruses favorites que de se faire un instrument de mes habitudes d’écriture et de lecture pour me toucher au cœur. Cette ruse ne réussit pas toujours, mais c’est la meilleure de son répertoire.

Ceci posé, ne me demandez pas qui est cet inquiétant personnage emmoustaché à l’impériale, à mi-chemin entre le Sâr pédalant et le dictateur d’opérette. Il est plusieurs, comme toute créature de fiction, et me parle par plein de bouches. Ce qu’il m’a dit, ce qu’il vous dit peut-être, d’autres l’ont dit et sans doute mieux dit, mais ce qui se prêche en la cathédrale intime est autrement puissant, autrement commotionnant que ce qui se prêche sur les estrades médiatiques, car nous sommes les parois de notre propre chambre d’échos.

Il est frappant de constater que les plus rudes leçons d’éveil nous viennent souvent du rêve. Que retenir de celle-là ? Qu’une jouissance pleine, tous les sens en alerte, est une jouissance inquiète, qui s’accroît par l’observation, plutôt que par l’ivresse, qui se répand sans se dissiper, qui s’abandonne sans s’oublier. Que la fête doit être une autre manière de faire, non pas une nouvelle occasion de défaire. Que notre participation au festival si précaire de la vie ne doit pas se borner à faire entendre notre note dans un concert dont les harmonies les plus subtiles nous échappent encore. Que ni le spectacle permanent, ni l’ataraxie ou absence de troubles ne nous inscrivent dans le vivant. Qu’il faut se laisser troubler par le monde avant que de le troubler, car c’est de ce monde que nous tenons notre humanité. Ce sera mon vœu pour 2015.  

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.