Nota bene : Ce document est basé pour partie sur l’analyse de quelques dizaines d’articles, souvent dans des revues à comité de lecture, et souvent antérieurs à l’actuelle pandémie qui nous soumet à un flux d’informations difficiles à contrôler. L’auteur reconnait ne pas avoir de compétences médicales et en virologie. L’analyse est celle d’un physicien/chimiste/mécanicien des fluides et aérosols.
Ce billet ne considère qu’un seul aspect de l’actuelle pandémie. L’auteur reste persuadé qu’il existe trois voies de contamination mais que la contamination « aérosols » est une voie de contamination majeure sinon principale en nos régions, et qu’il sera très important d’assortir le dé-confinement de recommandations forte envers les populations sur le port du masque et la ventilation.
Il est cependant possible que le retour des beaux jours sous nos latitudes contribue, à côté du port du masque qui se généralisera, à la résorption de l’épidémie. Ceci plaiderait d’ailleurs pour l’importance majeure de la voie « aérosols » qui est probablement largement favorisé en période hivernale, pour des raisons tenant à la physique des aérosols d’une part et au mode de vie d’autre part (le confort thermique menant à favoriser la vie en intérieur et une ventilation basée sur des considérations énergétiques, très probablement insuffisante si l’on se place du point de vue « transmission »). Si l’épidémie se résorbe effectivement à court terme il faudra rester extrêmement vigilant face à un possible rebond à l’automne.
Le phénomène de saisonnalité des infections virales respiratoires est par ailleurs bien connu que ce soit pour la grippe ou pour le rhume, et dans le langage commun « prendre froid » y fait bien référence. Nous examinons ci-dessous des observations sur la présente pandémie, puis les possibles explications (au moins physiques) de la saisonnalité en général, sujet sur lequel les spécialistes du domaine semblent loin d’être d’accord. Nous avançons ensuite quelques interprétations et prédictions.
Les observations sur la présente pandémie.
La tournure prise par la pandémie de Covid-19 semble bien aller dans le sens d’une influence climatique. On peut se baser sur trois données :
- Le nombre de mort recensé par pays, source john Hopkins : https://gisanddata.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/bda7594740fd40299423467b48e9ecf6.
- La population par pays.
- La latitude du pays mais aussi l’altitude.
On peut bien sur ensuite affiner et regarder la pyramide des âges (la létalité du Covid est bien plus élevé pour les personnes âgées), la mortalité annuelle (plus élevée en fait dans les pays occidentaux ou la population est plus âgée), et regarder plus en détail la nature du climat de certains pays, en particulier ceux qui enregistrent les plus faibles mortalités dues au covid.
Un calcul simple à faire est la mortalité/ 100 000 habitants. On s’aperçoit alors qu’en Europe de nombreuses régions ont une mortalité par Covid de l’ordre de quelques dizaines pour 100 000 par exemple en Belgique il est à l’heure où l’auteur écrit ces lignes de 58 pour 100 000, et de 34,47, 43, 16 respectivement pour la France, l’Espagne, l’Italie, et les USA. Aux USA on note une très grande disparité régionale (qui interpelle) quand on compare des villes densément peuplées comme New-York et San-Francisco. La différence du mode d’habitat dans ce dernier cas (grand buildings à New-York, beaucoup plus dispersé à San-Francisco ), joint à la différence climatique, pourrait expliquer une grande amplification de la transmission aérosol à New-York notamment par les systèmes HVAC (Heat, Ventilation, Air Conditioning).
En dessous de 30° de latitude les taux de mortalité chutent drastiquement, bien souvent en dessous de 1/100 000, parfois quelque unités/100 000 et l’on peut constater que certains pays tropicaux chauds et humides enregistre souvent une létalité quasi nulle.
Même l’Equateur, présentée par les médias comme ayant une mortalité Covid effroyable, affiche un taux de 4/100 000 bien inférieur à ceux que nous connaissons. Même si la ville de Guayaquil au climat tropical humide semble particulièrement touchée, elle pourrait représenter effectivement une exception, et sa gestion sanitaire et sociale (en particulier des obsèques) en a fait un cas malheureusement très médiatique. Par ailleurs la partie centrale de l’Equateur est en fait traversée par la Cordillère des Andes et donc est plus ou moins fraîche (ou même froide) en fonction de l’altitude, tandis que presque toute la partie ouest, bien que plate, est affectée par un courant océanique froid, ce qui abaisse un peu la température et rend plus aride le climat. Par exemple à Quito (la capitale ; 2850 m d’altitude) en mars la température est typiquement de 9-19 C avec un faible ensoleillement.
Cette question de l’altitude qui revient en fait, au moins pour la température, à migrer vers de plus haute latitude lorsque l’on monte en montagne, est donc aussi à prendre en considération. Elle explique peut-être les observations en Iran ou l’épidémie semble maintenant marquer le pas.
Enfin citons le « new scientist » du premier avril avec des prévisions rapportées dans l’article totalement infirmées par les faits trois semaines plus tard :
https://www.newscientist.com/article/2239380-will-the-spread-of-covid-19-be-affected-by-changing-seasons/
“If, for example, we look at the epidemic in Australia – where it is still their summer, moving towards their autumn – there are a lot of cases and they’re having an acceleration of an epidemic there,” says Jimmy Whitworth at the London School of Hygiene and Tropical Medicine.
Or les chiffres contredisent totalement ces propos, l’épidémie n’a pas accéléré et la mortalité covid reste égale à 0.36/100 000 en Australie, donc plus que faible.
De même : “For now, the World Health Organization says on its website that the virus can be transmitted in all areas, “including areas with hot and humid weather”.
Bien sûr il est dit « peut être transmis », il n’y a évidemment pas de conditions climatiques « miracles » ou toute transmission, en particulier par contacts, serait inhibée. Mais majoritairement l’on observe une très faible mortalité au Viêt-Nam, Cambodge, Thaïlande et Indonésie pays pourtant densément voire très densément peuplé. Bien sur certains pays comme le Viêt-Nam ont su prendre des mesures fortes, et le port du masque est plus généralisé en Asie du sud-est, mais ces mesures sont-elles suffisantes pour expliquer les observations sur cette zone géographique ?
Ce ne serait pas la première fois que l’OMS (World Health Organization, WHO en anglais) se tromperait sur ses prévisions ou ses recommandations (insuffisantes). Ainsi sa prévision que la prochaine cible de la pandémie serait l’Afrique ne semble en rien se réaliser pour l’instant (par bonheur peut-on dire). On peut ici noter que pour de nombreux pays africains l’accès à l’eau pour tous et donc la stratégie de lavage des mains par tous est pourtant problématique.
Si l’on considère maintenant la pyramide des âges elle ne peut en rien expliquer les observations car nous sommes ici dans bien plus qu’un ordre de grandeur entre des pays tropicaux humides et ceux d’Europe de l’ouest. voir : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMPagePyramide?codePays=VNM&annee=2015.
La pyramide des âges pourrait expliquer un facteur de 2 à 4 seulement sur la mortalité pour 100 000. On observe d’ailleurs que dans les DOM tropicaux français l’épidémie n’a pas flambée alors qu’en Martinique et Guadeloupe la pyramide est équivalente à celle de la métropole.
Enfin un dernier mot, aux latitudes de l’Europe de l’ouest et des USA l’impact sur la mortalité habituelle est absolument non négligeable ce qui n’est pas le cas au sud : la gravité de la pandémie semble bien en grande partie localisée climatiquement.
Les observations et raisons de la saisonnalité ?
Qu’observe-t-on ?
La saisonnalité est bien connue pour la grippe et d’autres virus respiratoires. Cependant les raisons de cette saisonnalité sont encore loin de faire l’unanimité des chercheurs, trois paramètres physiques sont en général considérés la température, l’humidité relative (ci-dessous HR) et l’humidité absolue (ci-dessous HA).
Rappelons que la pression de vapeur saturante de l’eau correspond à la masse maximale d’eau vapeur que l’on peut contenir dans une unité de volume (masse volumique en g/m3 par exemple) sans risquer de déclencher sa condensation. Elle augmente très fortement avec la température suivant une loi thermodynamique exponentielle dite de Clausius-Clapeyron. L’humidité relative HR c’est le rapport entre la quantité effectivement contenue à cette quantité saturante (qui peut s’exprimer en rapport de pression partielle à la pression saturante.)
Quan HR devient proche de 100% plus rien ne sèche, même s’il fait très chaud comme on peut le constater lors de voyages en pays tropicaux très humides pour le linge.
L’humidité absolue (HA) c’est la masse d’eau effectivement contenue dans une unité de volume. Au vu des explications ci-dessus on comprend que HA est fonction de HR et de la température et que comme HR plus cette dernière est élevée plus HA le sera.
Les articles publiés sont presque unanimes pour montrer que lorsque la température s’élève les épidémies de cette catégorie diminue, cependant il y a une controverse entre HA et HR : laquelle est la plus importante ? cette controverse semble, du point de vue de l’auteur, en partie sans raison puisque comme vu plus haut HA est liée à HR et à la température.
Ce que nous retiendrons :
Ce type d’épidémie se propage moins sinon pas du tout dans les pays chauds et humides. A quelques exceptions près comme Guayaquil en Equateur.
Les explications possibles :
- Le temps de vie du virus en fonction de la température.
-Il existe des données sur le temps de vie du COVID sur différentes surfaces et en aérosols mais en général avec des études conduites à la température ambiante par exemple 23°C. Ainsi aucune systématisation sur surfaces/aérosols en fonction de la température n’a été établie.
- il existe des données sur l’inactivation de virus en solution, mais pour lesquelles l’inactivation est en fait recherchée pour une utilisation ultérieure et de ce fait elles sont restreintes à des valeurs supérieures à 50-60 C.
- Enfin il existe quelques données parfois anciennes pour d’autres virus jusqu’à des températures proches de 30 C. Dans ces études il est en général noté que le temps de vie a des températures basses (autour de 20 C et bien en dessous) est extrêmement long. La dégradation du virus se produit avec une loi du premier ordre c’est-à-dire une décroissance exponentielle avec le temps mais dont le module (inverse d’un temps caractéristique) est fortement fonction de la température. L’ensemble des données existantes a été rationalisé sous forme de loi d’Arrhenius.
Ce que nous retiendrons : le virus se détruit bien avec la température mais autour de 30 C cette destruction est très lente : plusieurs dizaines d’heures dans les conditions des expériences rapportées (n’étant pas virologiste ni médecin je ne peux commenter sur les protocoles).
- Le pouvoir virucide des rayonnements ultraviolets.
Le problème ici est que l’essentiel des résultats de laboratoire porte sur l’action virucide de lampe à 254 nm, dans les UVC. Or, grâce à la fameuse couche d’ozone, les UVC et en particulier le rayonnement à 254 nm sont absents du rayonnement solaire au sol. Les résultats sont donc extrapolés (d’une façon dont je ne suis pas à même de juger) vers les UVB (280-320 nm) ce qui est sans doute très sujet à caution.
Il a été noté le pouvoir microbicide et virucide de l’exposition à un rayonnement solaire intense. Mais dans ces conditions il est sans doute très difficile de déconvoluer un effet thermique de l’effet sélectif des UV.
D’autre part et du fait de la loi d’absorption de Beer-Lambert les UVB ne sont présent qu’une partie de la journée, lorsque le soleil est proche du zénith. En lumière ultraviolette le jour solaire est bien court.
- Le pouvoir inhibiteur d’un temps chaud et humide sur la création d’un aérosol viral.
J’ai déjà discuté ce point dans un précédent blog/post
Il existe en fait une importante littérature sur le sujet. L’explication principale vient du devenir des gouttelettes émises quand une personne infectée tousse, éternue, parle ou chante. Les gouttelettes émises directement à une taille <5 microns contiennent finalement très peu de virus mais ce sont les gouttelettes de taille supérieure qui en s’évaporant vont créer des particules contenant beaucoup plus de virus et capables de se maintenir longtemps en suspension. On pourrait parler d’« aérosolisation » des particules émises. On a entre autres créations de « noyaux secs » à fort pouvoir infectant.
Les données de la littérature montrent que nous émettons ces gouttelettes autour de 32 C avec une humidité dans l’air exhalé proche de 100% . S’il fait une température de cet ordre ou même un peu plus élevée avec une forte humidité les gouttelettes de taille intermédiaire vont ne pas s’évaporer et tomberont donc rapidement au sol ce qui aura un effet très réducteur sur la voie de transmission « aérosol »
Enfin le mode d’habitat et en particulier la contamination aérosol par l’air intérieur via les systèmes HVAC joue probablement un rôle important, en relation avec ce point de la création et du transport d’un aérosol viral et de sa non-dilution.
- D’autres explications à caractère médical.
On trouve bien sur d’autres explications à la saisonnalité : manque de vitamine D en hiver, agression de nos muqueuses en particulier nasales par le froid …
En conclusion : au vu des données de la littérature et des observations le point de vue de l’auteur est que l’impact des conditions climatiques, en intérieur et extérieur, sur la formation de l’aérosol viral (point numéro 3 ci-dessus) est sans doute un point clé pour expliquer les observations.
Tentative de rationalisation.
Il n’y a pas lieu de remettre en question qu’il existe trois voies de contamination, et que la troisième voie aérosol est importante, sinon majeure dans certaines circonstances, contrairement à la position initiale de l’OMS.
Un des articles scientifiques que j’ai consultés (concernant en fait la grippe) avance l’idée que les voies de contamination seraient différentes suivant les pays et les latitudes, essentiellement aérosol dans nos pays (où l’épidémie flambe ou a flambé), et davantage par contact direct ou indirect dans les pays plus chaud (et humide) où la voie « aérosols » seraient plus ou moins inhibée.
Ceci « fait sens » au vu des pages précédentes.
Nous noterons de plus que sous nos latitudes on chauffe l’air intérieur aux bâtiments jusqu’en avril, aboutissant ainsi à une HR très faible favorable à la création d’aérosols infectants, souvent recirculés à l’intérieur des locaux. Tous les systèmes mécaniques de ventilation sont en fait à étudier de près incluant la climatisation pour les mois à venir. C’est d’ailleurs « indoor » que l’on a observé des épisodes de contamination plus ou moins massive (salle de prière, bateaux de croisières et militaires, moyens de transport, restaurants ..). Dans de nombreux pays du sud la pauvreté implique une vie « outdoor » et la ventilation naturelle (l’auteur a dormi en Inde du sud dans un bâtiment d’université sans fenêtre mais avec grille, sans air conditionné mais ventilation naturelle massive).
On peut remarquer de plus que dans des pays chauds et ensoleillés la voie de contact indirecte sur des surfaces pourraient être inhibés au moins partiellement par l’action du soleil sans même avoir besoin de faire appel à l’action des ultraviolets : quiconque a marché pieds nus sur un sol sombre, sous les tropiques ou en été sous nos latitudes, ou bien a failli se bruler sur son volant de voiture, le sait : les surfaces exposées atteignent des températures bien supérieures à celle de l’air ambiant ce qui détruit certainement les virus.
Il est bien évidemment probable que ce type d’épidémie ait un caractère plurifactoriel et que de ce fait des scénarios différents puissent jouer suivant les régions. Il semble cependant que l’hypothèse climatique puisse amener à raisonnablement penser que la voie aérosol ait jouée et joue toujours un rôle majeur dans l’épidémie telle que nous l’avons connue en Europe.
En conclusion quelques prévisions :
L’auteur se hasarde ici à quelques prévisions, pour les deux premières il souhaite avoir raison, pour les suivantes il espère se tromper.
- L’épidémie ne flambera pas en Afrique, ni dans les pays à climat équivalent en général, à quelques exceptions près. Id est on n’y atteindra pas les taux de mortalité que l’on a pu connaitre dans nos contrées, même en corrigeant de l’effet « pyramide des âges »
- Sous nos latitudes elle va régresser avec l’arrivée des beaux jours sous réserve bien sur des comportements.
En effet la possible saisonnalité n’est en rien un encouragement à ne pas respecter la distanciation sociale, le lavage des mains, le port du masque etc... Cela pourrait facilement conduire à une reprise de l’épidémie compensant un éventuel bénéfice « climatique », ce qui explique peut-être le cas de Guayaquil.
- Le risque de rebond avec le retour des mauvais jours, du chauffage et d’une vie « indoor » avec ventilation insuffisante est loin d’être négligeable. Il importe que nos gouvernements s’y préparent par tous les moyens et cette fois ci de façon sérieuse.
- En France le retour des plus jeunes enfants, incapables de garder un masque, à l’école dès le 11 mai est une grave erreur.
Dans l’hémisphère sud à nos latitudes il y a essentiellement les océans mais peut-être on pourrait assister à des aggravations d’épidémies au sud de l’argentine ou de l’Australie s’ils ne suivent pas une politique de prudence