Comme des millions de personnes, le 18 décembre 2022, j’ai regardé la finale de la coupe du monde. Deux équipes de titans sur le terrain. Les Argentins m’ont régalé une nouvelle fois avec leur jeu d’équipe, la construction d’occasions, les passes de Messi, les remontées de terrains jusqu’au camp adverse. Mais c’est surtout la symbiose d’une équipe avec son peuple qui m’a surprise, et la capacité à unifier l’hétérogénéité d’un pays en un même sentiment d’appartenance. « On joue pour 45 millions. Le pays traverse une terrible période économique et leur donner de la joie c’est la satisfaction majeure que j’ai en ce moment », a dit le gardien argentin (el Dibu) à TyC Sports après le duel contre les Pays-Bas. Je n’avais pas vu cela depuis l’équipe de Maradona de 1986 et je le revois apparaître trente-six ans plus tard sous les ailes de Lionel Messi. J’ai savouré le jeu des Français grâce à Mbappé, leur gladiateur, et sa capacité à remonter le score en un temps record, nous laissant en guise de leçon que rien n’est jamais défini d’avance. Ceux et celles qui n’ont pas vu cette finale ont sûrement raté quelque chose dans leurs vies. Un match qui aurait pu rester comme métaphore de la vie même. Un match sans doute à voir et à revoir.
Le football a gagné ce 18 décembre, ont dit pertinemment maints médias français. Il a gagné grâce à toute la beauté du jeu de haut niveau et à l’émotion palpitante que génèrent les renversements de situations.
J’ai regardé la finale dans un bar parisien réservé aux Argentins, car on savait qu’on était en territoire ennemi. Sûrement quatre-cents supporteurs de l’albicéleste, et quelques Français. « De la bière pour la table ‘des Français’ », rigolaient ces derniers, dans l’ambiance émotive qui régnait dans le bar. J’aurais souhaité être en Argentine à ce moment-là, me plonger dans la marée humaine qui s’était installée depuis que la sélection est arrivée en demi-finale. « Muchachos, ahora nos volvimos a ilusionar » (« Eh les gars, on a à nouveau de l’espoir »), dit cette chanson devenue au pays l’hymne national de cette coupe. Toutefois ce bar était imprégné d’argentinité, d’appartenance à une identité, de multitude passionnée, de « cábalas » (superstitions) qui est notre façon de contribuer collectivement à la victoire. La mienne : croire et sentir qu’en lançant par des moments le maillot de l’Argentine par terre (car lorsque mon fils l’avait fait lors du match contre le Mexique, nous avons marqué), je faisais partie de cette force collective capable d’aider nos joueurs. Nous n’étions qu’une seule voix, celle qui se vide les poumons en encourageant notre sélection, jusqu’à tomber dans l’extase en criant les buts. Jamais de ma vie je n’ai serré dans mes bras autant d’inconu.es, trempé.es tous et toutes dans la sueur de nos émotions. Trop dans l’extrême pour les Français.es qui nous regardaient bouche bée… Car en Argentine c’est dans cette sorte d’humanité primitive qu’on vit le football.
Le bonheur n’a pas de mots
Le 18 décembre, le football a gagné, certes. Mais il a aussi perdu.
Cela a immédiatement commencé sur les réseaux sociaux, pour se poursuivre sur les chaines de TV nationales, puis revenir comme une bombe sur les mêmes réseaux et dans la presse, même de gauche. Deux jours après la finale, BMF-TV diffuse en direct les célébrations en Argentine et notamment l’arrivée de la Scaloneta (le nom affectif que nous avons donné à l’équipe nationale de cette année, en l’honneur de son entraineur, Lionel Scaloni). Plus de 10% du pays est réuni sur l’avenue la plus large du monde, la 9 de Julio, avec l’Obélisque au milieu. La marée humaine se poursuit sur la boucle qui connecte l’avenue à l’autoroute 25 de Mayo, reliant la ville de Buenos Aires à sa banlieue. Tout un symbole dans un pays divisée par ses classes sociales. « Le bonheur n’a pas de mots », dit l’écrivain italien Lorenzo Serra présent aux festivités, et pour qui l’Argentine incarne même la possibilité d’une utopie, car cette immense fête [l’événement est devenu le rassemblement argentin le plus important de son histoire] est « la révélation d’un monde nouveau que l’Europe observe avec nostalgie ».
Mais le peuple argentin et puis la sélection nationale furent rapidement visés. « L'envoyée spéciale de la chaîne Marie Gentric », explique un article d’Arrêt sur images qui commente la scène diffusée par BMF-TV, « a ainsi rapporté que, même si l'ambiance générale est bon enfant, "il y a beaucoup d'insultes contre Kylian Mbapée, et notamment des insultes racistes, on en entend énormément depuis le début du défilé" (…) Des supporters argentins y saisissent le micro de la journaliste, insultant sans vergogne et à plein poumons le n°10 des Bleus : "Puto Mbappé", ou encore "Chinga a tu madre", entend-on, que l'on peut traduire prosaïquement par "enculé de Mbappé", ou "nique ta mère" ».
Cela va sans dire, aucun.e Argentin.e n’exprimera jamais un « chinga a tu madre » – qui s’écrit par ailleurs « chinga tu madre » – puisque c’est une expression mexicaine. « Andate a la concha de tu madre », dit exactement le malheureux supporteur. Des insultes, certes – « nique ta mère » est sans doute la meilleure traduction – comme celles qu’on profère très régulièrement en Argentine, quand on est énervé.es, contrarié.es, mais aussi (et cela est plus difficile à faire comprendre) quand on est heureux.ses ou euphoriques[1]. J’aurais souhaité que BMF-TV invite quelqu’un qui puisse expliquer les nuances de la culture populaire et footballistique argentine, car les présentateurs attendaient des explications sur ce qu’ils percevaient comme étant de la haine envers l’identité, voire la nation française. Mais rien de tel…
Que cela nous plaise ou non, qu’on le comprenne ou non, dans la culture du football argentin, chambrer l’équipe adversaire avec vulgarité ou bien des images chocs est une tradition. Il suffit de voir les affiches[2] avec lesquelles l’équipe de Boca Juniors ou de River Plate (les plus emblématiques de la ville de Buenos Aires, mais aussi de tout le pays) couvrent la ville après la victoire ou la défaite de l’un ou de l’autre, et notamment au moment du Superclásico, l’un des duels les plus célèbres du football mondial. Et ne parlons même pas du moment où River Plate fut déclassé temporairement de catégorie en 2011. Les blagues sur « l’enterrement de l’adversaire » étaient des plus lourdes. En comparaison, les insultes et les gestes contre Kylian Mbappé ne représentent même pas un quart de ce qu’on peut voir au quotidien en Argentine. « Ma famille est de Boca, et je peux vous dire qu’à la Bombonera, des messieurs très distingués dans leur vie quotidienne se transforment en bêtes sauvages une fois le match commencé », illustre l’écrivain franco-argentin Santiago Amigorena.
Nonobstant, la correspondante française insiste notamment sur des insultes racistes – en articulant lentement sur ce dernier terme – proférées contre Mbappé dans la ville de Buenos Aires. Or, parmi les insultes diffusées dans l’extrait, aucune d’elles n’était à caractère raciste. Elles auraient très bien pu être dits envers un joueur de Boca, de River ou de n’importe quelle autre équipe adversaire (les Brésiliens sont souvent les premiers concernés et pourtant ils célèbrent avec nous cette victoire).
« Ces insultes, assez inédites dans le cadre d'une célébration de victoire en Coupe du monde », poursuit l’article cité d’Arrêt sur images (et auquel j’ai tout de suite envie de répondre non : ce n’est pas du tout inédit dans la culture populaire argentine, mais n’ayant pas gagné de coupe depuis trente-six ans, il est normal qu’on ne les ait pas entendues en Europe), « s'inscrivent dans un déferlement de haine énorme envers le joueur français, avec une pluie de tweets d'Argentins traitant Mbappé de "sale nègre", entre autres horreurs. Sans compter, lors du défilé, les images d'un cercueil en feu agrémenté d'une photo de la star de PSG, ou d'incessantes moqueries douteuses de la part des joueurs de l'Argentine eux-mêmes ». Cette dernière phrase mérite un arrêt sur image (je reviendrai sur la première). Elle fait référence à des gestes de supporteurs qui s’inscrivent dans la même tradition de la « gastada » ou la « cargada » (le chambrage) dans le football. La poupée, un poupon plus précissement, avec la tête de Mbappé que Dibu Martinez portait dans ses bras lors du défilé[3] – geste qui ne semblait pas choquer Lionel Messi – renvoie justement au jeu culturel de « père et fils ». « En el Maracaná, la final con los brazucas la volvió a ganar papá[4] », chante encore notre hymne de cette coupe. « Papá » : c’est le père qui apprend à son fils à jouer au foot, c’est alors à ce dernier de suivre son exemple. C’est tout. Il n’y plus rien à comprendre et moins encore à y chercher de la haine ou un geste raciste. L’équipe de Boca a des milliers de tirades sur ce modèle au sujet de River Plate, à tel point que c’est devenu un classique de la culture footballistique argentine. Par ailleurs, le même Emiliano Martínez l’explique dans une interview récente.
Les Argentins ont gagné contre la France dont Mbappé est la figure représentative. Ils l’ont alors « enterré » (d’où la « minute de silence » à l’initiative de Dibu dans les vestiaires). Ils sont devenus le « papá » et Mbappé le fils. Cette métaphore gagne en ampleur face à la peur que le joueur suscitait, (les « géants » des Pays Bas déclenchaient une peur similaire en quarts de finale). « ¿Dónde está Mbappé ? » (« Il est où Mbappé ? »), j’ai entendu cette vanne à plusieurs reprises lors des premiers 80’ du match jusqu’à ce que ce même Mbappé nous ait bien fait fermer nos gueules. Ensuite, les gestes du gardien argentin et les autres des supporteurs sont sûrement une réponse aux propos que le joueur français avait tenu en juin 2022, par rapport à la qualité du football sudaméricain et que le continent entier avait mal avalé[5]. « L’Argentine et le Brésil ne jouent pas des matches de haut niveau avant de se qualifier pour la Coupe du monde. En Amérique du Sud, le football n’est pas aussi avancé qu’en Europe. Et c’est pourquoi, quand on regarde les dernières Coupes du monde, ce sont toujours les Européens qui gagnent », c’est exactement ce qu’il a dit. Lorsqu’un Européen utilise des termes comme « pas aussi avancé », cela renvoie aux veines toujours ouvertes de l’Amérique latine. Même lorsque cet Européen est un jeune racisé, issu de l’immigration postcoloniale et qui connait le racisme et la négrophobie dans son propre pays, car les latinoaméricains sont malheureusement à des années-lumière de comprendre le contexte européen sur ces questions et notamment celui de la France. Pour le continent, ces propos resonnent dans un contexte de domination culturelle et économique historique des peuples latino-américains par les pays européens.
Ah mais ça c’est pour rigoler !
Je croyais plus ou moins maîtriser les règles du football, mais celles du jeu médiatique français, je ne les avais pas vu venir. BMF-TV a isolé à son gré des mini-séquences des festivités des Argentin.es pour les montrer au grand public[6], sans tenir compte du fait que ce qu’un peuple fête dans son pays qui a ses codes, sa culture, on ne peut l’extraire sans un minimum de contextualisation. « No te lo puedo explicar, porque no vas a entender [7]», chante encore notre hymne, comme si l’auteur, lui, savait qu’après tout ça, il fallait qu’on s’explique devant les battus. Contrairement à la télévision française, l’envoyée spéciale d’une chaine de télévision suédoise a diffusé des images de l’ambiance euphorique qui régnait dans la ville de Buenos Aires, où les supporteurs et supportrices chantaient notamment l’hymne de ce mondial et d’autres chants en honneur à la sélection. Ces chants étaient nettement majoritaires par rapport aux saillies contre Mbappé.
Le seul geste qu’on pourrait reprocher aux Argentins, est celui de Dibu Martínez au moment de recevoir le gant d'or, car il s’est passé lors d’une cérémonie officielle et devant de millions de personnes. On en ignore les vraies raisons[8]. Dans mes rêves les plus fous, j’aurais espéré qu’il l’ait adressé au gouvernement qatarien. Mais rien de tel. Le gardien a dit plus tard qu’il l’a fait parce que les supporteurs français n’arrêtaient pas de le huer. C’est sans doute un joueur plongé dans son émotion intime qui n’a pas eu le réflexe d’agir dans le politiquement correct. Sa jambe sûrement encore vibrant de son arrêt empêchant une victoire française, à quelques secondes de la fin du temps additionnel, et le transformant à jamais en Homme de Vitruve pour la culture populaire argentine. « En Argentine, le seuil de tolérance de ce qui est assimilé à de la vulgarité est incomparable à celui que vous avez en France », explique à ce propos Santiago Amigorena. Car pour lui, « Emiliano Martínez est le symbole de la passion argentine. Ses célébrations ont mis en avant toute l’exagération qui réside en nous, surtout quand on parle de football ». Même si on aurait préféré qu’il garde ce geste pour la maison, là où on aurait rigolé, car l’humour est aussi, pour nous, un sport national.
« C'est inexplicable », « rustique », « vulgaire », dissent les journalistes de BFM-TV au moment d’ajouter cette scène aux extraits des festivités argentines, renforçant ainsi l’image des Argentins comme des personnes vulgaires et irrespectueuses. « Puto Mbappé », « Enculé de Mbappé » ou plutôt « Pédé », cette insulte homophobe à l’encontre du Français est par ailleurs largement répandue dans la culture footballistique, masculine et viriliste par excellence (et dont le geste de Dibu en rend par ailleurs compte). À ce propos, ne vous en mêlez pas, j’ai juste envie de dire, les féministes argentines sont déjà en train de s’en charger. Mais ceci n’est pas exclusivement un trait footballistique argentin. Il suffit juste de voir le récent dessin humoristique de l’illustrateur français Boumono qui représente le même motif et avec plus de violence à l’égard du gardien argentin. Du côté français, chambrer au football, semble aussi être une habitude, même si cela ne s’exprime pas de la même manière, cela n’enlève en rien le caractère provocateur. Au moment de la finale, de nombreux bars parisiens, marseillais ou d’autres grandes villes, utilisaient les maillots des joueurs argentins, et notamment celui de Messi, comme paillasson ou serpillière. Habitude qui proviendrait de l’OM en rivalité avec le PSG. « Ah mais ça c’est pour rigoler ! », répond-on ici à cette remarque. R.A.S…
De notre racisme, on s’en charge.
Mais le jeu le plus astucieux, pour ne pas dire le plus sale, c’est celui d’avoir sorti la carte du racisme. S’appuyant sur des tweets des supporteurs et supportrices argentin.es qui proféraient effectivement des insultes à caractère raciste à l’égard du joueur français, les médias ont amalgamé les célébrations au pays et les chambrages des joueurs au racisme. On devrait pouvoir arrêter plus facilement la bêtise humaine et plus encore lorsqu’elle s’exprime sur les réseaux sociaux. Mais ce que révèlent plutôt ces tweets, c’est la persistance du racisme et notamment de la négrophobie dans l’ensemble des pays. Autrement, l’Argentine aurait été plutôt une exception. En effet, des commentaires de ce genre baignent au quotidien nos réseaux sociaux, aussi ici en France et à l’égard des mêmes joueurs.
Si l’on ne peut pas nier qu’en Argentine il existe des racistes, on ne peut pas non plus en faire une caractéristique nationale qui expliquerait l’absence de joueurs noirs dans l’équipe. Que des médias de masse la jouent sale, ce n’est pas une nouveauté, mais le plus étonnant c’est que ces clichés aient été repris par la presse critique. Outre l’article d’Arrêt sur images, Slate se questionne sur la « blanchité » générale des joueurs de la sélection argentine qui expliquerait une négrophobie inhérente à un pays qui chercherait à invisibiliser la population noire existante. En balayant très rapidement l’histoire nationale, l’article évoque l’envoi des noirs comme chair à canon lors des guerres d’Indépendance et celle contre le Paraguay qui ont eu lieu au début du XIXème siècle. Pourtant ces populations ont connu un destin similaire aux Troupes coloniales en France, notamment celles des Tirailleurs Sénégalais. Des indigènes et des « gauchos » (des paysans nomades des pampas habitués à la vie errante des guerres et des activités clandestines) furent également envoyés en première ligne lors de ces conflits.
L’Argentine a à peine plus de deux-cent ans d’existence et la population s’est constituée de diverses vagues d’immigration européenne, suite notamment au dépeuplement des terres par la guerre contre les populations indigènes, au cours du même siècle. Puis, les populations se sont mélangées, entre les « criollos » (des Espagnols nés sur place à l’époque coloniale et souvent eux-mêmes métis), les nouveaux arrivants et ce qui restaient des indigènes et des noirs. Certaines communautés indigènes, notamment les Mapuches, n’ont pas tant été affectées par ces mélanges, en raison sûrement de leur emplacement géographique, la Patagonie, terre particulièrement peu peuplée. Les gènes noirs, par contre, subirent un « blanchissement », jusqu’à passer pratiquement inaperçus chez la population actuelle et même chez ceux et celles qui se reconnaissent aujourd’hui comme afro-descendants.
Les médias français extrapolent ainsi le racisme existant en Argentine. Ils l’expliquent avec une grille de lecturefrançaise ou américaine. Puisqu’il ne touche pas, comme ils le laissent entendre, exclusivement les personnes noires, mais surtout ceux et celles que l’on perçoit comme ayant la peau « marron », même au niveau institutionnel. Cette « identité marron » concerne les couches populaires, dont les aïeux étaient des indigènes, des métis (blancs, indigènes et noirs), des migrants latino-américains et même des Européens (des paysans ou des ouvriers). « Le noir populaire », ou « la négritude populaire », car ceux ou celles qu’on désigne comme des « noir.es » en Argentine – « negros de mierda » (« de salles noirs ») – renvoie justement à la population pauvre habitant les zones rurales, les quartiers populaires et les bidonvilles. C’est une population qui n’a pas d’attaches ethniques et culturels en tant que telles à revendiquer, mais plutôt une identité liée à sa classe sociale.
Les articles qui voient dans notre sélection des joueurs exclusivement blancs, nourrissent paradoxalement le fantasme autodestructeur que l’on attribue aux Argentin.es de se croire des blancs et Européens. En désignant une blanchité qui n’existe pas, ils portent tort à cette « identité marron » : ils nient directement son existence, étant donné que la plupart des joueurs de la sélection nationale en sont issus. C’est notamment le cas d’Ángel Di María, surnommé « El cuco » (« le croque-mitaine », parce qu’on le trouve moche) ou « el fideo » (« le spaghetti », parce qu’il est fin et long) – particularité par ailleurs très argentine de chambrer quelqu’un.e en le/la nommant de façon affective par ses traits physiques, chose qui amène le plus souvent à l’auto-dérision. Le joueur est le fils d’un charbonnier qu’il aidait dans son enfance. Mais c’est aussi le cas de Cristian Romero, de Marcos Acuña ou d’Emiliano Martínez – pour ne mentionner qu’eux– qui viennent des quartiers très pauvres de différentes grandes villes du pays et dont leur destinée aurait été bien différente s’ils n’avaient pas intégré le sport de haut niveau. Et puis, la soi-disant sélection « blanche » a deux joueurs qui portent des prénoms indigènes : Nahuel Molina et Lautaro Martínez. Un Nahuel et un Lautaro, un jaguar et un guerrier en mapudungun, ont soulevé cette coupe du monde au point que la Nation Mapuche, le Wallmapu, reconnaît aussi comme sienne cette victoire argentine[9].
[1] « ¡Argentina campeón, la concha de tu madre ! », dit par exemple l’un des supporteurs filmés par une correspondante suédoise.
[2] Avec l’avènement des réseaux sociaux, tout cela passe dorénavant par ces canaux.
[3] Et qu’apparemment un supporteur lui aurait lancé depuis la foule.
[4] « Au Maracana, la finale contre le Brésil l’a gagnée une nouvelle fois papa ».
[5] À titre d’exemple, l’équipe nationale du Chili a félicité la sélection argentine via ses réseaux sociaux, tout en répondant à Mbappé : « Apprends de ceux qui ont inventé le football : L’Amérique du Sud ».
[6] Car finalement les seules images qui tournent sont celles d’un sarcophage et d’une croix avec l’effigie de Mbappé, le poupon de Dibu et les insultes de trois supporteurs argentins. BMF-TV n’a pas pu en trouver plus d’exemples dans un rassemblement de plus de cinq millions de personnes ?
[7] « Je ne peux pas l’expliquer car tu n’en comprendras pas ».
[8] Dans une interview récente, il explique que c’était une sorte de pari entre ses coéquipiers.
[9] Voir à ce propos le post du journaliste argentin Mariano Saravia sur sa page Facebook, touché par le message de Pedro Cayuqueo, écrivain et intellectuel mapuche chilien. Le 30 décembre 2022.