Nous avons soutenu la révolution tunisienne contre le régime de Ben-Ali.
Nous avons soutenu la révolution égyptienne contre le régime de Moubarak.Et nous laissons Kadhafi écraser les manifestants et les volontaires armés de kalachnikovs et de lance-roquettes qui, sans expérience militaire ou presque, se battent contre les avions, les chars, les navires de l'armée régulière libyenne. Et l'armée est en marche pour "purger " l'Est de la Libye.
Nous laissons Kadhafi écraser la rébellion du peuple libyen. Et pourtant nous n'ignorons pas de quoi Kadhafi est capable. À Tripoli, après un moment d'incertitude, il s'est resaisi. Dans la capitale, la situation, de son point de vue, est sous contrôle. Il a fait tirer aveuglément sur les manifestants, sur les hommes, les femmes, les enfants. Tripoli "pacifiée", il restait à reconquérir les villes qui s'étaient libérées. Kadhafi a utilisé hélicoptères et chars pour mater les citoyens de Zawiyah. Il fait de même à Misrata, troisième ville du pays. Ses soldats vont chercher les blessés dans les hopitaux pour leur faire payer leur engagement du côté des insurgés ("terroristes"). Car s'il s'agit de purger le pays, ion peut supposer que cela sera fait sans mollesse.
"Les groupes terroristes fuient sous raids. Nous avons libéré Zawiyah, Al-Uqayla, Ras Lanouf, Brega, et l'armée marche pour purger le reste des régions", a déclaré un porte-parole de l'armée libyenne, le colonel Milad Hussein. (Source Le Monde, 13 mars 2011)
Purger : rhétorique effrayante. Les opposants à Kadhafi sont, dans la bouche de ses affidés (et dans sa propre bouche) des éléments dont il faut débarrasser le corps de la Libye, ce sont des corps étrangers, ce ne sont pas des être humains. Nul ménagement pour l'objet de la purge.
Purger = nettoyer = (si on parle d'êtres humain) exterminer.
Et Kadhafi, quoique fou, est plus fort et plus malin que Ben-Ali ou Moubarak. Il ne se contente pas d'organiser des contre-manifestations, il ne se contente pas de donner sa police et ses milices. Il contrôle aussi l'armée, et il l'utilise... Le dictateur a tiré les leçons des révolutions tunisiennes et égyptiennes. Je doute que nous autres Européens les ayons tirées.
Bref, la purge, du côté de Benghazi, va être rondement menée. Benghazi compte 1 million d'habitants environ. La grande majorité de la population a soutenu la rébellion anti-Kadhafi. Kadhafi n'a aucune raison de se montrer tendre avec cette ville infestée de "terroristes", et si prompte à soutenir l'action des "terroristes".
Que fait la communauté internationale ? Nous n'interviendrons pas sans mandat de l'ONU, disent les Européens. Autant dire : nous n'interviendrons pas. Car Russes et Chinois mettent et mettront leur véto. Pratique non ?
Je résume :
Nous risquons d'assister à des massacres qui ressembleront à ceux de Srebrenica, mais à une échelle plus grande. L'Europe et les États-Unis pendant ce temps discutent. Toutes les options sont ouvertes, expliquent-ils. Eh bien ça fait drôlement peur à Kadhafi, ça ! En tout cas, bientôt toutes nos discussions seront obsolètes : Benghazi et tout l'Est de la Libye reconquis par l'armée de Kadhafi, le calme sera rétabli, les journalistes rejetés derrière la frontière égyptiennes et puis : silence, on réprime.
Je sais que l'actualité es bien chargée, bien tragique ces jours-ci : la Nord-Est du Japon dévasté, et des catastrophes menacent dans plusieurs de ses centrales nucléaires etc. N'oublions pas la Libye. Il faut protéger la population de Benghazi, d'Ajdabiya, de Tobrouk, il faut aider le peuple libyen, il faut faire céder Kadhafi.
________________________________
Les Tunisiens se sont battu pour obtenir la démocratie.
Les Égyptiens se sont battu pour obtenir la démocratie.
Si les démocraties occidentales font preuve d'inertie, les peuples arabes pourront se demander s'ils ne se sont pas trompés de revendication.