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Gaël Faye vient de remporter le prix Renaudot pour son livre Jacaranda. Je ne l’ai pas encore lu, mais je vais me le procurer quand j’en ressentirai le besoin, peut-être pendant les vacances de Noël. J'ai cependant déjà dévoré son premier livre, Petit Pays, en février 2017. Je l’ai lu d’une traite un dimanche après-midi, parcourant les 215 pages de ce récit intimiste, universel et bouleversant à bien des égards. J’ai été ébloui et séduit, tant par le style d’écriture que par la narration. C’est pourquoi je souhaite partager les émotions qu’il m’a procurées, des émotions que je nomme tristesse, colère.
D’abord, qui est Gaël Faye ? Gaël Faye est un auteur-compositeur-interprète complet. Né au Burundi d’une mère rwandaise tutsie et d’un père français originaire du Jura, il est ballotté entre plusieurs cultures : burundaise par sa naissance, rwandaise par sa mère et française par son père. Ce mélange de nationalités place ce jeune métis dans une situation complexe, marquée par une douloureuse quête d’identité et de sens, au prisme de l’altérité.
Qu’est-ce que Petit Pays ?
Petit Pays est le premier roman de Gaël Faye, celui qui marque son entrée dans le monde de la littérature. Ce livre a remporté le Prix du roman FNAC 2016, décerné par un jury de 800 libraires et adhérents de la FNAC. Dans ce roman, l’auteur se glisse dans la peau d’un autre personnage, Gaby, afin d’éviter une œuvre purement autobiographique
Gaël Faye y décrit une enfance marquée par le génocide rwandais entre Hutus et Tutsis – une guerre qui a volé le bonheur de l’enfance. Le roman débute comme une ode joyeuse à l’enfance (les chamailleries entre copains, les bêtises, l’insouciance, etc.), mais peu à peu, les discussions des adultes laissent entrevoir la perte progressive de l’humanité chez l’homme.
Une tragédie sans nom se prépare alors dans l’esprit des hommes, entraînant la tuerie de personnes partageant une même terre, un même pays. C’est tout simplement tragique. Le jeune Gaby est complètement traumatisé, terrifié, plongé dans un black-out. Il nous confie : « Il y a des choses qu’on ne devrait jamais voir dans une vie. » Les Hutus tuent les Tutsis comme des cafards, et vice versa. Gaby est le témoin d’une barbarie humaine indescriptible, tandis que le reste du monde observe des gens taper dans un ballon de football dans une euphorie démentielle. Pauvre humanité !
Ce petit pays qu’il aime de toutes ses forces s’effondre sous le poids de la haine, de la cruauté et des massacres odieux. Ainsi, l’ère de la démocratie, qui semblait s’annoncer au Burundi, prend une autre tournure et le petit pays bascule en état d’urgence.
Dans ce roman universel, Gaël Faye aborde aussi la question de la langue, condition sine qua non de l’identité humaine. En effet, sa grand-mère maternelle lui a appris l’importance de la langue, qui permet de préserver ses racines et ses valeurs malgré l’exil. Elle souhaitait que ses petits-enfants parlent le kinyarwanda, qu’elle considérait comme une langue poétique, pleine de sens et d’amour, sans faux-fuyants.
En somme, l’histoire racontée par Gaël Faye dans ce livre, qui évoque l’exil, le brassage culturel, les séquelles de la colonisation et la lutte ethnique fratricide, nous bouleverse et interroge profondément notre humanité.