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Vendredi 5 novembre 2021. 20h45. Dans le ventre de Paris. J’ai regardé pour la troisième fois ce long-métrage dans la vaste maison d’Univers ciné. Des étoiles. 1h26 de pur bonheur dans la culture, dans le pays sans fin.
Des étoiles est une production de la cinéaste franco-sénégalaise, Dyana Gaye. Filmé dans plusieurs villes, dont Turin, New York et Dakar, ce thriller raconte l’histoire de trois personnages au destin commun. L’intrigue du film tourne autour du voyage, et in fine, de l’exil. Les vies de Sophie, Abdoulaye et Thierno s’entrecroisent mais ne se rencontrent pas. Elles dialoguent seulement à travers l’expérience de l’émigration.
Des étoiles est un film bouleversant et poignant, et par-dessus tout magnifique. Il est d’une grande beauté, à bien des égards. Tous les trois personnages ont la liberté et la dignité comme horizon. Mais dans les interstices de cette quête existentielle, Dyana Gaye met aussi en lumière la solitude, avec son lot de blessures invisibles, à laquelle sont confrontés tous ceux qui partent, en laissant derrière eux pays, langue, famille, amis, etc.
Le voyage charrie des douleurs profondes difficiles à guérir. Partie rejoindre son époux Abdoulaye à Turin, sous l’appel incessant de l’amour, Sophie apprend à ses dépens cette impasse existentielle : « la solitude est le fond ultime de la condition humaine », comme disait Octavio Paz. C’est tristement vrai !
Son mari s’est éclipsé à New York, avant même son arrivée, pour y chercher vie et avenir, loin d’elle. Mais les premiers mois d’Abdoulaye aux États-Unis ne sont pas un long fleuve tranquille. Il est perdu dans les rues de Harlem.
Sans logement, sans papiers, sans rien, avec un emploi précaire et trahi par un cousin escroc, Abdoulaye bascule dans la détresse psychologique. Les routes qui mènent au fameux rêve américain sont parsemées d’embûches. Abdoulaye ne dira pas le contraire.
Que dire de Thierno ? Parti au Sénégal à l’occasion des obsèques de son père, en compagnie de sa mère Mame Amy, le jeune homme de 19 ans découvre la terre de ses parents, ses racines. Là où tout a commencé. Mais quelques jours après sa rencontre avec Dakar, ville cosmopolite et ouverte aux vents féconds du monde, Thierno veut trouver dans l’antre de la capitale sénégalaise un piano pour exprimer ses joies secrètes, ses angoisses, ses tourments intérieurs.
Il a la musique dans la tête et dans les tripes. Pour lui, c’est une thérapie, voire un exutoire. Ainsi, grâce à l’aide de sa demi-sœur, Thierno finit par trouver cet instrument qui lui manquait. Il est tout simplement heureux.
Des étoiles est un film sensible, émouvant, mais surtout d’une grande justesse. Il raconte, loin des clichés, l’expérience de l’exil. Mieux, à travers sa caméra, Dyana Gaye déconstruit les idées reçues sur les migrants, diffusées par les extrêmes droites en France, en Italie, en Hongrie, aux États-Unis, etc. Ces sombres gens, nés avant la honte, croient que ces personnes viennent pour voler le travail des « autochtones » ou pour mettre en œuvre le grand remplacement, théorisé par l’écrivain d’extrême-droite Renaud Camus.
Ce film-documentaire m’a procuré de fortes émotions, car il m’a rappelé ma condition d’homme : un jeune Sénégalais internationaliste vivant en France, produit de la civilisation universelle. Des étoiles – un film magnifique, à voir absolument.
PBD