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Billet de blog 30 septembre 2021

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Renouveler la réflexion pour panser l'Afrique qui vient

« Panser l’Afrique qui vient ! », est un cri du cœur, un appel urgent pour insuffler des idées fécondes qui pourraient changer la vie des jeunes désœuvrés, qui pullulent dans nos rues, nos maisons.

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« Futanké de sang, sénégalais de hasard mais malien de cœur », Hamidou Anne est un intellectuel organique biberonné au royaume sans fin du penseur marxiste italien, Antonio Gramsci. Il est l’un des auteurs de la bible « Politisez-vous ». Panser l’Afrique qui vient!,est son premier texte à titre individuel, publié chez Présence Africaine, 25 bis, rue des Ecoles 75005 Paris.

L’homme qui se définit comme un Afro-responsable pense que si l’on veut panser les innombrables plaies du continent, il faut sortir des sentiers battus et se tourner vers l’avenir en mettant sur la touche tout discours mielleux, et afroptimiste béat symbole de la défaite et du refus d’une renaissance africaine, à l’aune d’une nouvelle ère.

Son manuscrit  Panser l’Afrique qui vient! est un cri du cœur, un appel urgent pour insuffler des idées fécondes qui pourraient changer la vie des jeunes désœuvrés, qui pullulent dans nos rues, nos maisons. Ces jeunes sont victimes de mauvaises politiques publiques, pensées et planifiées par ceux qui sont censés changer leurs vies mais aussi par les politiciens sans talent ni génie, corrompus et avides de pouvoir. De Dakar, Ouaga, Bamako, Douala, Alger jusqu’à Tunis la situation de « tous ces jeunes retraités avant d’avoir jamais travaillé » est alarmante. Mohamed Bouazizi diplômé chômeur, jeune vendeur de fruits et de légumes qui s’était immolé par le feu à Sidi Bouzid symbolise parfaitement cette frustration, ce découragement, ce désespoir et cette absence d’objectifs de beaucoup de jeunes.
Merci Hamidou pour la dédicace dédiée à ce martyr et « précurseur d’une transfiguration du monde » !

Mais pour bien panser les plaies ouvertes sur le corps social, il faudra penser à un autre médicament autre que la morphine qui n’a qu’une dose euphorisante. Pour y parvenir, des réponses politiques à la hauteur des enjeux de cette époque seront nécessaires.

Dans le continent africain, être jeune est parfois synonyme de crime. Pourtant, ils valorisent le respect, l’honnêteté, l’intégrité, la fidélité aux engagements. Ce qui n’est pas le cas parfois avec les anciens. Certains de ces kroumirs ont même gagné le trophée du reniement et de la bassesse, si nous prenons le terrain politique comme champ de prospection. Ils sont nés avant la honte.

Fort de ce constat, la jeunesse doit prendre son destin en main en s’armant de connaissances nécessaires pour faire advenir le changement. Cela dit, elle a l’obligation de s’engager si elle souhaite construire un monde meilleur, à l’aune des injustices sociales, économiques, juridiques.

En outre, pour panser toujours le continent de la tête jusqu’aux pieds, il est urgent de repenser la puissance publique dans la mesure où, c’est elle qui assure la sécurité de ses citoyens, ainsi que l'application des lois et règlements. Pour l’auteur, l’Afrique a besoin d’une puissance publique plus agile, gage de sécurité contre l’obscurantisme dont l’unique projet est l’anéantissement de la culture, qui est l’élément vital d’une société dynamique. Elle permet à l’homme de s’élever au-dessus de lui-même et de l’extirper de ses propres turpitudes. Pour ce faire, comme l’écrit Hamidou à la page 44, « il faudrait que nous arrivions à incarner nos gouvernances de culture qui devra être un moyen d’opposition à la racine, dans nos écoles, nos lieux symboliques, nos rues et nos places, au projet terroriste. L’urgence est de revenir au concept senghorien d’enracinement au sein de valeurs endogènes et d’ouverture à l’universel. »

Les politiques doivent miser davantage sur la culture pour éclairer la masse des païens. En fait, si cette entreprise est réussie, des fatwas à tout va ne tueront plus d’honnêtes gens, à la trempe de l’universitaire sénégalais, ce hussard noir - le Professeur Oumar Sankharé. Il n’a pas échappé à la vindicte populaire à cause d’une ignorance crasse.

Les défis sont immenses dans ce continent qui ne fait plus rêver ses fils. « Dans le ventre de l’océan » des maliens, sénégalais, ivoiriens perdent la vie. Il faut que les dirigeants africains soient à la hauteur des responsabilités qui les incombent. Tout d’abord, il faut redorer le blason de l’école républicaine, qui élimine de facto le privilège de la naissance, et lutte contre le déterminisme social. Aussi, il faut repenser cette école à partir de nos propres épistémès mais en ouvrant des fenêtres sur le reste monde, car l’information, la connaissance, le savoir, sont totalement démocratisés. Par ailleurs, la dignité, le bonheur doivent être la cheville ouvrière de toutes nos politiques publiques, pilotées par des personnes compétentes et vertueuses.

Ces soins demandent beaucoup de rigueur et pour avoir des résultats satisfaisants, il faudra mettre au frigo la caste des « smarts ». Le peuple de la start-up nation. Ces gens exécrables sont des agents de l’idéologie néolibérale. Par conséquent, leurs soins ne sont pas efficaces pour panser les blessures qui continuent de charrier des corps et d’infliger des souffrances. La seule urgence de l’Afrique est d’être à la hauteur de ses potentialités pour qu’elle puisse penser le monde de demain. Hamidou a bien raison lorsqu’il dit : « il peut inspirer son avenir politique, social, écologique et spirituel. Mais il ne le fera qu’à travers une entreprise de traitement du passé, d’identification du présent et d’érection des architectures du futur. »

Ce faisant, il faut que le continent accomplisse une profonde révolution culturelle si elle veut que sa jeunesse soit maîtresse de son destin. En d’autres termes, il s’agit pour l’Afrique « d’arrêter de dormir sur la natte des autres », comme le suggérait, l’historien burkinabé Joseph Ki-Zerbo.

Aujourd’hui des "essais politiques" sont produits pour parler du continent, des conditions des jeunes, mais quelques textes seulement sont à la hauteur des grands enjeux de l’heure. Panser l’Afrique qui vient! en fait partie . Nous allons vers des lendemains sombres, à l’aune de l’ascension fulgurante du populisme de droite sous nos cieux. Le texte de mon ami Hamidou peut être une lumière, qui nous éclairera le chemin.

 Birane DIOP

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