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Billet de blog 15 septembre 2015

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Etats généraux LGBT en novembre !

Des Etats Généraux LGBT, http://manifestelgbt.com/, vont se tenir les 13,14 et 15 novembre à Avignon. Y sont conviées les associations LGBT de France, un ensemble disparate, éclaté, souvent en recul et sans consensus, qui a subi l’agression inouïe de la ci-devant Manif pour tous, n’a guère su faire preuve de vitalité contre, a vécu l’obtention du mariage comme une victoire octroyée avec réticence, et manque aujourd’hui cruellement de boussole pour ses actions futures.

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Des Etats Généraux LGBT, http://manifestelgbt.com/, vont se tenir les 13,14 et 15 novembre à Avignon. Y sont conviées les associations LGBT de France, un ensemble disparate, éclaté, souvent en recul et sans consensus, qui a subi l’agression inouïe de la ci-devant Manif pour tous, n’a guère su faire preuve de vitalité contre, a vécu l’obtention du mariage comme une victoire octroyée avec réticence, et manque aujourd’hui cruellement de boussole pour ses actions futures.

Je suis avec beaucoup d’intérêt la préparation de cet évènement. Il peut être dans ce climat morose, prometteur d’un renouveau de la scène ou du mouvement LGBT en France, scène  à laquelle j’appartiens depuis 1975, ces dernières décennies en tant que militant de sensibilisation à l’homophobie dans une association locale (LGBT Formation) après avoir par deux fois contribué à la relance des Universités d’Eté des Homosexualités de Marseille, creuset naguère unifiant aujourd’hui lui aussi rétréci sur lui-même. Présentée comme la plus radicale, Act-up, est en déshérence. AIDES se restructure, la coordination des Marche est morte de ses errances, l’EuroPride de Marseille fut un désastre, rongée par les maux mêmes de la “Communauté” (concurrence associative, querelles d’égo, commercialisation…), les espaces commerciaux se rétrécissent. Une ou deux associations surnagent avec plus ou moins de dynamisme…

J’ai assisté durant trois décennies, avec des sentiments mélangés, aux convulsions des structures associatives subventionnées (la destruction des services publics s’accompagna de la dévolution de ses missions au secteur associatif jusqu’au jour où la même logique vient l’asphyxier à son tour). Elles furent et restent souvent régies par un “esprit d’entreprise” qui fait trop souvent fi du personnel tout en lui faisant porter le chantage à la noblesse de ses missions, et cultivent une centralisation parfois extrême dans laquelle la démocratie, l’autonomie, l’initiative sont sous… le contrôle absolu d’un centre (parisien) jaloux de son autorité jusque dans le moindre détail. Un peu comme on gère sa marque… sans même le sens de la subsidiarité de l’Europe libérale. Ainsi signer un communiqué d’interpellation des autorités à Marseille suite à des agressions homophobes exige au moins les 48h du délai qu’il faut pour que le “centre” donne son aval !!

Comme bien d’autres j’ai été atterré, durant le déchaînement des ci-devant “manifs pour tous”, de l’atonie des associations LGBT, les principales se contentant de communiqués mi effrayés mi indignés et, sans doute, de conciliabules temporisateurs dans les ministères socialistes, rien ne venant sauf une manif réussie, appeler le “peuple LGBT” et ses ami/es à se faire entendre de façon démultipliée, diverses, régulière, combattive sous une bannière fédératrice réellement nationale. J’ai eu le sentiment qu’on nous piétinait la gueule sans que nous ne disions rien. Le militantisme du communiqué et de l’appel indigné aux autorités a remplacé l’organisation de la mobilisation concrète des personnes LGBT et de leurs allié/es.

J’ai vu ainsi avec une triste ironie pas moins de trois “campagnes nationales” contre l’homophobie être “lancées” ces toutes dernières années, chacune sa bannière, chacune ses circuits, chacune son outillage dûment estampillé, sans il faut le dire grand retentissement chez les LGBT et encore moins le public. De la com… ? Alors que des assises contre l’homophobie seraient une urgence pressante, combinant les ressources, les réseaux, les savoir faire et démultipliant les énergies, ce que certaines associations dédiées seraient en mesure et en devoir d’impulser de façon unitaire.

Je n’incriminerai cependant pas trop les personnes, beaucoup ont fait, font ce qu’elles pouvaient et croient devoir faire. Nous nous démenons en général avec passion et un fort sentiment d’isolement sans cependant nous être donné le temps ni les moyens de réfléchir au pourquoi de ce sentiment ni aux moyens de le conjurer. Nous sommes plutôt victimes d’un “air du temps” aux miasmes violemment “libéraux-réalistes” qui sévit depuis des décennies d’autant plus terribles que marquées par le sceau de la pandémie dévastatrice et du retrait progressif des pouvoirs publics. Ce sentiment nous distrait de nos colères en nous poussant sur le chemin d’une forme de résignation rageuse tandis que, comme tout le monde, les LGBT ploient sous le poids de la crise et des difficultés à vivre. Néanmoins il est certain que certains se complurent dans l’ivresse libérale quand d’autres s’y firent par souci d’efficacité.

L’utopie comprise non comme une chimère irréaliste, mais comme un “lieu qui n’existe pas” et… doit donc être imaginé, pensé, créé, géré, visibilisé collectivement, y fut aux abonnés absents, étouffée sous les nécessités d’auto défense, les sirènes légalistes et les promesses institutionnalisantes de la gauche LGBT qui furent quasiment les seules à pouvoir se faire entendre. Le milieu LGBT subit l’asphyxie de cet “air du temps” avec le reste de la société, ni plus ni moins, sans doute un peu moins si l’on considère la créativité de la mobilisation contre le sida.

 Aujourd’hui il semble qu’un vent nouveau soit en train de chercher son souffle.

Alors ces Etats généraux sonnent comme un espoir mais aussi une promesse. Ils sont issus du “manifeste LGBT”, http://manifestelgbt.com/, que j’invite à signer car de cette signature découlera une inscription à ces journées. Le manifeste a été opportunément lancé il y a une bonne année par deux militants associatifs de région, rompant ainsi le trop fréquent centralisme substitutiste français qui veut que dix personnes se réunissant à Paris composent d’emblée une association nationale alors que cent à Marseille ne sont vus que comme une association régionale ! Substitutiste parce que depuis trop d’années, trop de décisions importantes (Pacs, Mariage…) et de concertations avec les pouvoirs échappent et aux débats et au contrôle du riche tissu associatif LGBT. Ces états généraux peuvent être un moment fédérateur inaugurant un autre mode de relation dans la galaxie LGBT française, qui sorte des coteries, des centralisations, des personnalisations et du substitutisme actuels.

De quoi va-t-il s’agir ?

J’invite là encore à aller voir le site du manifeste. Une équipe s’est proposée à Avignon pour en porter l’organisation pratique, elle est au travail, elle a besoin de votre soutien par la signature bien sûr et la participation de nos associations à ce moment. Il semble qu’une centaine d’associations aient déjà souscrit à l’initiative. Sans doute ces états généraux ne règleront-ils rien, mais s’ils parviennent à initier une dynamique rénovatrice, ce sera formidable.

L’homophobie, tout d’abord, sous toutes ses déclinaisons (envers les lesbiennes, les gays, les bi, les trans etc…) n’est pas une idée vague, elle est profondément ancrée dans nos mœurs et nos constructions de soi, étroitement associée au sexisme et au familialisme. Une force certes minoritaire mais active, virulente, haineuse s’est constituée qui du coup déculpabilise bien des violences envers nous et promet des lendemains agités. Il faut maintenant conjuguer les forces, que la lutte soit mutualisée dans sa diversité d’acteurs, non plus considérée comme une chasse gardée, ni comme un combat annexe mais l’affaire partagée de toutes et tous.

Le conformisme qui fait renoncer à la vraie vie au profit des formes communément acceptées et des buts communément célébrés, pèse maintenant sur les LGBT. On se marie à deux, fidélité au doigt, on “fait” parentalité à deux, foin du troisième parent et achetant les ventres féconds, on a gagné le droit de divorcer, bientôt de changer de sexe, on sera hétéro, ou bi ou lesbienne ou gay etc etc… ou ou ou, chacun/e dans sa case, sa ptit’case comme disait une chanson d’antan, toutes façons de réguler les questions que posent nos (la)sexualités et leurs genres, afin d’en éteindre “le trouble”, d’en supprimer l’étincelle utopique, créatrice d’autre chose, d’un autrement...

Enfin la confiance ! La confiance interassociative est un ferment indispensable de renforcement de la communauté, dans un climat général où la concurrence, la compétition, le marquage de terrain est la loi. La confiance intraassociative aussi contre le centralisme excessif, militer n’est pas obéir ni en référer. Il faut que les associations trouvent le chemin de la confiance sous toutes ses formes, chacune libre de ses activités et de ses choix au service des LGBT, mais décidée à mutualiser et conjuguer les combats.

Voilà pour quels enjeux je suis avec attention le développement de cette initiative bienvenue ! Venez-y, signez !

Soutenons ces états généraux !

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