C’est du moins ce que pourrait conclure quelqu’un de moins respectueux que nous de la dignité du corps préfectoral à la lecture des aventures de Stella, jeune camerounaise de 25 ans, en France depuis 10 ans, en situation parfaitement régulière, élève infirmière en Belgique, qui se retrouve sans papiers depuis le 3 janvier 2013…
Cette histoire à dormir debout n’est pourtant pas le produit de la seule incompétence ou de la stupidité bureaucratique. C’est d’abord la conséquence de dix années de dressage sarkozyste de l’administration, de la base au sommet, « éduquée », formatée dans l’idée que tout étranger est un suspect qu’on peut traiter sans ménagements, à qui il convient de ne délivrer que le moins de titres de séjour possible et les plus précaires. Les mésaventures similaires à celles de Stella sont nombreuses, et pas seulement à Antony. Des exemples en ont été publiés ici, d’autres le seront.
Des élus ont été priés d’intervenir, un courrier a été adressé au sous-préfet d’Antony et au préfet de Nanterre mais aussi au cabinet de Manuel Valls car ce genre de pratiques est loin d’être exceptionnel. Il est l’héritage empoisonné de l’ère Sarkozy. Il serait temps que le gouvernement et le président de la République le mesurent et corrigent le tir.
M.R.
La lettre de Stella au sous-préfet d’Antony :
Fontenay aux Roses, le 22 janvier 2013
Monsieur le préfet,
Voici mon histoire:
Je me prénomme Mlle NgatchouJiamo Stellad'origine camerounaise, j'ai 25ans et vis à Fontenay aux roses.
Je suis entrée en France en août 2002 avec ma petite sœur pour y rejoindre ma mère. J'avais 15 ans.
A 18 ans, j’ai obtenu un titre de séjour vie privée et familiale renouvelable chaque année.
J'ai réalisée une grande partie de ma scolarité ici. Du collège au lycée :
J'ai obtenu mon Brevet des collèges dans la ville de Béziers (Collège Fénelon) que je fréquentais avec ma sœur, mon BEP Carrière Sanitaire et Sociale dans la ville de Narbonne (Lycée Beau séjour) et j'ai un niveau BAC Science Médical et Sociale (Lycée JacquesVaucanson aux Muraux).
J'ai toujours voulu être Infirmière, ce métier me passionne, mais n'ayant pas eu mon BAC, un ami de ma tante, qui vivait en Belgique m'a informée qu'il était possible de réaliser les études d'infirmière en Belgique sans passer de concours et qu'avec mon BEP et mon niveau BAC il était possible d'intégrer une école d'infirmière directement.
J’ai saisi la chance de ma vie. Après une équivalence de mes diplômes on me dirigea vers une année préparatoire. Suite à cela je débutai mes études d'infirmière à Liège (Belgique)
Je réussis mon année préparatoire avec mention et j'ai pu débuter ma première année d'infirmière. Je l’ai réussie avec mention également et actuellement je suis en cours de 2ème année d'infirmière.
Tout au long de ces 3 ans en Belgique, je voyageais régulièrement entre Liège et Rouen où je retrouvais ma famille. Je passais toutes mes vacances scolaires avec celle-ci et au moins un week- end par mois. Lors du renouvellement de mon titre de séjour, j'ai expliqué ma situation à la préfecture de Rouen qui m'a délivré un titre sans problème. Cette décision de leur part a été positive pour moi car ils avaient compris que ma situation était temporaire.
Arrivée à Fontenay aux Roses, la nouvelle commune où je vis avec ma sœur, je me suis présentée à la sous préfecture d'Antony où j'ai demandé la carte de résident de 10ans comme j’en avais le droit, puisque j’avais une carte Vie privée et familiale depuis plus de cinq ans.
En Juillet 2012, j'ai constitué le dossier sous la même forme qu'à Rouen et j'y ai rajouté une lettre explicative de mon parcours scolaire, de mon projet professionnel et mon intérêt de continuer ma vie en France.
Le 3 janvier 2013 je me suis rendue à la sous préfecture d'Antony ou on m'informa verbalement que ma demande de carte de 10ans était refusée ainsi que le renouvellement de mon titre VPF, autrement dit, je me retrouve sans papiers.
Je ne peux vous expliquer mon désarroi et mon ahurissement, surtout après avoir passé de si belles fêtes avec ma famille et mes amis. J'entendais souvent parler des sans papiers sans toutefois me sentir concernée car j'avais toujours été régulière, j'ai vécu une vie sans problème en France, avec ma Famille, mes amis. Bien que n'étant pas française de titre, je ne me sentais pas différente d'une autre car pour moi, mon histoire et ma vie était ici en France. Tout ce que je voulais et que je souhaite toujours c'est pouvoir être utile à la société et venir en aide aux personnes souffrantes et je sais qu'avec le métier que j'ai choisi, je le serai. Je désire donc que la France qui m'a accueillie ici étant jeune, continue à me soutenir dans mes projets et me permette de réaliser et pratiquer ce métier qui me tient tant à cœur.
Je vous prie d'agréer Monsieur le Préfet, mes sincères salutations
NGATCHOUJIAMO STELLA