Ces deux mots viennent d'émerger, comme des morceaux d'épave après une catastrophe aérienne, à la surface de notre océan, agité et tourmenté par la tempête des élections présidentielles.
Le premier de ces deux mots est un néologisme inventé par les sociologues, afin de relier "précarité" et "prolétariat" pour caractériser les travailleurs qui ont des contrats de travail précaires, les CDD, les stagiaires, les intérimaires,etc ainsi que tous ceux qui ont un emploi clandestin. Le précariat définit une nouvelle classe sociale qui est, selon Robert Castel "un infra-salariat se développant en deça de la société salariale". Ne permettant plus d'assurer l'indépendance économique et sociale des travailleurs, il est le terreau du malaise, de la souffrance et de la colère. Il apparait dans les lieux touchés par la désindustrialisation et son corollaire la perte d'emploi, ou dans la paupérisation rurale. C'est l'une des causes profondes de la dislocation du tissu social français et par conséquent, du vote pour le Front national.
La "méprisance"* est un mot utilisé par Nicolas Sarkozy, dans un de ses récents discours, pour stigmatiser ses contradicteurs. Car il venait de dire :"Ceux qui veulent venir en France doivent suffisamment parler français...Imaginez une mère qui ne parle pas français, comment peut-elle éduquer ses enfants ?"
Dans le numéro 783 de "Marianne", dont la première page toute noire, porte le mot FIN en jaune au dessus d'une photo de Sarkozy qui met la main sur ses yeux, l'excellent et jubilatoire chroniqueur Alain Rémond reprend la balle au bond et écrit : "Il faut dire que Nicolas Sarkozy, lui, maîtrise parfaitement la langue française, c'est même un modèle en la matière...Méprisance, cher pays de mon enfance...Remarquez, voilà quelques temps, à propos des lois sur le respect de l'environnement, il avait lancé "Il faut arrêter d'empêcher quiconque de faire quoi que ce soit". Là, ce qui serait bien, ce serait de l'empêcher, lui, de continuer à faire n'importe quoi. Notamment de donner des voix au Front national en validant ses thèses et ses idées. On voit, aujourd'hui, le résultat."
Sans vouloir paraphraser le mémorable Bobby Lapointe, on pourrait dire que "Précariat et méprisance sont bel et bien les mamelles du destin" ...
* mépriser est issu de mesproisier (d'après Alain Rey) : estimer indigne d'attention ou d'intérêt, ne faire aucun cas de.