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Billet de blog 13 avril 2016

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Bêtise systémique antidémocratique Symptomatologie Perspectives de prises en charge 1

Dans une factualité incessante et amplifiée artificiellement, la question de l'attention des populations constitue un enjeu majeur des psychopouvoirs possesseurs des technologies. Trois philosophes contemporains interrogeant la gouvernementalité anti-démocratique et la symptomatologie liée constituent une base à la fois théorique et pratique structurante, parallèlement au projet du DiEM25.

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 Bêtise systémique antidémocratique, Symptomatologie, Perspectives de prises en charge 1/3

Bonjour,

Je vais vous proposer deux approches aujourd'hui, qui viennent en écho des échanges et réflexions entre des membres de l'association des abonnés de Médiapart CAMédia :

«ne s'occuper que du signe, c'est faire flamber les sujets sans tracer de chemin d'élaboration vers une issue possible».

Nous nous y interrogeons sur les fondements de la crise de confiance actuelle et les symptômes de la souffrance induits, étape de débat qui préface selon moi une mise en commun de la résistance.

Alors que les politiques ne “parviennent” pas à se distancier de la factualité incessante, et que les médias inféodés aux industriels se complaisent à cibler cette symptomatologie pour l'instrumentaliser, l'attention des populations constitue l'enjeu majeur des psychopouvoirs à l'œuvre afin de maintenir dans une eau chauffée progressivement la docilité du plus grand nombre, alors même que les actes agressifs déployés via des stratégies systémiques se multiplient.

Mon premier regard s'appuiera sur l'analyse de trois philosophes inscrits dans notre contemporanéité : Bernard Stiegler, Paolo Vignola et Sara Baranzoni qui mettent en lumière par leur synthèse ce système de gouvernementalité, en l'articulant avec de nombreuses contributions internationales et les grands auteurs.

Dans un deuxième temps, je tâcherai de rendre compte d'une initiative européenne d'envergure pour déboucher sur une nouvelle Constitution, démocratique et refondatrice.

Organologie Gouvernementalité et Symptomatologie

➢ Concept

Bernard Stiegler, depuis plusieurs décennies, étudie les influences de la technique – des techniques – sur l'organologie de nos sociétés : toutes nos élaborations, tant psychiques et sociales, que politiques et industrielles sont le fruit du développement de modes de faire et donc de nouvelles manières de les penser, c'est-à-dire de façons de les intégrer en soi tout en les extériorisant sous la forme d'outils, d'artefacts.

L'organologie est le terme générique qui décrit ces modes d'organisations multiples imbriqués, reliant les formes de pensée, les savoir-être, savoir-vivre et les organisations interpénétrées de nos outils de toute nature (biologiques, psychiques, sociaux, sociétaux et techniques) ; les outils numériques sont les plus récents et les plus subjectifs, dans la mesure où ils sont dotés de pouvoirs de pénétration multiple et ubiquitaire, pilotés à distance dans des méta-organisations mathématisées.

L'organologie ne peut se concevoir comme partisane dans la mesure où elle prend en compte le côté inhérent à ces outils d'extériorisation qui constituent l'humain depuis le Paléolithique : son aspect pharmacologique, ontologiquement poison et remède.

➢ Visées

J'ai commencé mon article par « Bonjour », car il ne peut s'agir en l'espèce de postures individuelles : le sujet est grave et urgent, la pensée qui espère les actes ne peut se concevoir que sur la base de la penséeplurielle prise en compte, de la « démocratie » disions-nous (avant que le mot ne soit galvaudé par le système de gouvernementalité) mais que nous reprendrons en le disant haut et fort, car ses racines grecques antiques (demos signifiant les citoyens en actes) n'ont pas perdu de leur potentialités, même lors des crises actuelles dont nous devons analyser puis dépasser les symptômes.

Paolo Vignola et Sara Baranzoni – chercheurs et professeurs italiens engagéseux aussi dans l'indispensable contemporanéité de la philosophie, sa mise en actes éclairée par les grands auteurs qui nous ont précédés 1 – ont publié en 2014 «L'hiver de la pensée. Symptomatologie de la bêtise à l'âge du défaut grec ».

Geste d'actualité, donc à l'heure du default pointé par la Troïka vers les derniers boucs-émissaires en date, qu'il s'est agi de punir de concert avec les agences de notation, afin d'imposer, par une même « Stratégie du choc 2» un état de minorité démocratique à tout un peuple.

Or, même s'il est arrivé une seule fois depuis sa création en juillet 1944 que, du bout des lèvres, le FMI ait admis avoir exagéré ses exigences coercitives à l'encontre du pays qui a inventé la démocratie, la Troïka (organe tricéphale composé du FMI, de la Banque Centrale Européenne et de la Commission Européenne) ne se remet jamais en question ni ne subit actuellement de contre-pouvoir efficace qui l'obligerait à payer les conséquences des actes qu'il engage au niveau d'un demi-milliard d'habitants.3

Nous avions noté le 30 juillet 2015 l'article d'Amélie Poinsot « Les créanciers de la Grèce relancent la machine à privatiser »4

Le dernier exemple en date vient d'être révélé par Wikileaks : « Grèce: la stratégie du choc imaginée par le FMI »5, où l'on voit que Christine Lagarde déclare maintenir sa confiance à ses deux bras droits : Poul Thomsen et Delia Velculescu.

Nous sommes bien loin de voir le FMI appliquer les trois règles qu'il était sensé mettre en œuvre pour (sic) :

• Chaque État devait définir sa monnaie par rapport à l’or, ou au dollar américain lui-même convertible en or. Il en découlait pour chaque monnaie une parité officielle en or ou en dollar (système dit d’« étalon de change-or » ou « gold exchange standard »).

• La valeur des monnaies sur le marché des changes ne devait fluctuer que dans une marge de 1 % par rapport à leur parité officielle.

• Chaque État était chargé de défendre cette parité en veillant à équilibrer sa balance des paiements.

Mais la référence à l'or a été supprimée par les États-Unis le 15 août 1971 et le principe des monnaies flottantes adopté en février 19736.

Pas de représentation démocratique au FMI, comme nous venons de le souligner à la note 2.

« Les agences de notation et la Troïka n'en paient jamais les conséquences, bien au contraire, elles en tirent profit »7

Or, poursuivent ces auteurs, « on ne peut continuer longtemps à détruire la puissance publique, à savoir toutes les bases du vivre (et du savoir-vivre) en société ainsi que ses possibilités et capacités économiques, politiques, et par conséquence le sentiment qu'un pays peut avoir un avenir. De cette manière, la crise ne fait que s'aggraver […] jusqu'au moment où il n'y aura plus de place que pour un petit groupe d'hyènes et de chacals.»

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1 G. Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, PUF, 1962

G. Deleuze, Logique du sens, Paris, Minuit, 1969

Friedrich Nietzsche, Sämtliche Werke, Kritische Studienausgabe, ed. G. Colli & M. Montinari, Berlin, Gruyer (1967-1977), 1980 Nachgelassene Fragmente 1887-1889 (vol.14)

Félix Guattari Les années d'hiver1985

2 Naomi Klein, La stratégie du choc. La montée d'un capitalisme du désastre, Arles, Actes Sud, 2008

3 508,2 millions d'habitants en 2015 https://fr.wikipedia.org/wiki/Démographie_de_l%27Union_européenne «Lors du sommet du G20 de Londres le 2 avril 2009 il a été décidé d'accroître significativement les ressources du FMI à hauteur de 1 000 milliards de dollars pour mieux faire face à la crise mondiale. Les pays émergents s'estiment en effet sous-représentés dans les institutions financières existantes. La réforme aura fait passer de 4 à 6,4 % les droits de vote de la Chine, ce qui l'aurait placée juste derrière le Japon mais loin encore derrière les États-Unis dont la quote-part n'aurait que légèrement diminué que de 17,7 à 17,4 %. Cette réforme aurait permis aux pays des BRICS d'être parmi les 10 pays ayant la plus forte quote-part, au détriment notamment du Canada. En août 2010, 181 pays admissibles à voter représentant 99 pour cent du quota avaient approuvé cette hausse. Bien que signé par le président américain Barack Obama en 2010, les Républicains du Congrès des États-Unis ont refusé de ratifier ce projet de réforme du Fonds Monétaire International.»

4 «A la surprise générale, le triumvirat d'experts annonce alors, devant une assemblée de journalistes et sans autre forme de procès, la création d'un programme de privatisations censé dégager, déjà à l'époque, 50 milliards d'euros de revenus… programme complet de privatisations à hauteur de 50 milliards d'euros pour la période 2011-2015» https://www.mediapart.fr/journal/economie/300715/les-creanciers-de-la-grece-relancent-la-machine-privatiser

5 3 avril 2016 | Par Martine Orange https://www.mediapart.fr/journal/international/030416/grece-la-strategie-du-choc-imaginee-par-le-fmi

WikiLeaks révèle une conversation entre deux responsables du Fonds monétaire international (Poul Thomsen et Delia Velculescu) sur la question de la Grèce. Ceux-ci semblent prêts à aller jusqu’à pousser la Grèce à la faillite pour obtenir un accord européen sur l’allégement de la dette grecque et amener le gouvernement grec à faire toutes les réformes souhaitées par le FMI. (à l'échéance de l'été 2016)

6 Suspension unilatérale le 15 août par les États-Unis de la convertibilité en or du dollar. Après une période de transition, cela mènera à l'adoption en février 1973 (accords de Washington) du système des changes flottants, encore en vigueur aujourd'hui, qui fut effectivement mis en place le 19 mars 1973 et fut entériné par les accords de la Jamaïque du 8 janvier 1976. https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_crises_mon%C3%A9taires_et_financi%C3%A8res et analyse ici : http://www.lemonde.fr/idees/article/2009/04/06/monnaie-de-reference-par-paul-jorion_1177091_3232.html

7 http://www.ladeleuziana.org/wp-content/uploads/2014/05/baranzoni-vignola-1.pdf et http://www.academia.edu/9814830/Lhiver_de_la_pensée._Symptomatologie_de_la_bêtise_à_lâge_du_défaut_grec

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