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Billet de blog 3 août 2014

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quand j'étais communiste

Quand j’étais jeune, j’avais douze ans. Tout était très simple : les riches et les pauvres n’avaient qu’á gagner tous la même chose et comme cela, plus de problèmes ni de jalousies. Les curés que je fréquentais parfois au catéchisme me dépeignaient un monde généreux duquel était absent bizarrement la notion d’exploitation d’autrui : tout se résolvait á coups d’aumônes et de justice divine post mortem. Mais j'ignorais que j’étais communiste ni que c’étaient de dangereux bandits le couteau entre les dents : Staline, Pol Pot, Dany le rouge et consorts,  tous assoiffés de pouvoir au prétexte de justice sociale. Avec des nuances bien évidemment mais les nuances á cet âge…

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quand j’étais jeune, j’avais douze ans. Tout était très simple : les riches et les pauvres n’avaient qu’á gagner tous la même chose et comme cela, plus de problèmes ni de jalousies. Les curés que je fréquentais parfois au catéchisme me dépeignaient un monde généreux duquel était absent bizarrement la notion d’exploitation d’autrui : tout se résolvait á coups d’aumônes et de justice divine post mortem. Mais j'ignorais que j’étais communiste ni que c’étaient de dangereux bandits le couteau entre les dents : Staline, Pol Pot, Dany le rouge et consorts,  tous assoiffés de pouvoir au prétexte de justice sociale. Avec des nuances bien évidemment mais les nuances á cet âge…

Donc il suffit de donner á chaque travailleur la même paie. Les entrepreneurs sont des travailleurs á part entière, de même les notaires, les diplomates, les pharmaciens et les commerçants : tout le monde pareil. L’horaire ? Malgré le fait que mes parents me manquaient souvent  lorsqu’ils étaient retenus par leurs obligations professionnelles, ces considérations me dépassaient un peu et il m’eût été facile d’objecter qu’á temps égal, salaire égal, où est le problème ? Ah oui, les travaux différents c’est vrai et il est injuste que le cantonnier qui creuse la terre dans le froid en se gelant les mains perçoive la même rétribution que le chef de service installé bien confortablement au chaud dans son fauteuil ergonomique mais ma foi il nous faut bien des routes et des chefs, non ? Bon, pour les chefs c’est un autre problème mais je n’étais pas pervers au point de remettre en question l’ordre social préétabli (avant ma naissance et pour éviter de dire « établi »).

Mais á cet âge le communisme ça n’existait tout simplement pas. Et maintenant, ça n’existe plus : juste un songe, un envoûtement, un cauchemar pour certains. Donc j’avais raison avant l’heure. Mais le hic, c’est que tout le monde ne gagne pas la même chose. Et il semblerait même que tout le monde gagne de plus en plus différemment : les sans-papiers qui lavent les grabataires et les cadavres gagnent disons dix fois moins qu’un huissier et peut-être quinze á vingt fois moins qu’un président de conseil d’administration. Et il y a bien pire : l’ouvrière bengalie qui nous coud les pantalons touche disons dix fois moins qu’un professeur et cent fois moins qu’un commandant de bord (il est vrai que le coût de la vie est moindre puisqu’elle n’a pas besoin d’huile d’olive ni de couches Pampers pour son bébé et que les médicaments pour sa maman elle n’a qu’á les acheter en générique).

Maintenant je ne suis plus très jeune et je ne suis plus communiste. Le monde global est á sa juste dimension dans mon esprit qui finalement s’est accommodé du fait que le portier qui donc vous ouvre la porte en vous donnant du Monsieur ou du Madame selon les cas, apostrophe banale dont on oublie qu’elle émane d’un temps où l’on considérait autrui comme un citoyen égal en droits et devoirs, jongle toutes les fins de mois avec les traites pour sa voiture et sa machine á laver. Il y a aussi c’est vrai les portillons électroniques où les chevaliers du plan Vigipirate vous palpent aisselles et chevilles en distillant la parcelle de pouvoir obtenue en compensation d’une fiche de paie poids-plume mais allez leur parler de communisme ! Les dures réalités néolibérales ont chassé le bisounours d’un idéal voué dès le début aux gémonies car nous ne naissons pas tous égaux, n’est-ce pas ?

Note anecdotique : le correcteur orthographique refuse Vigipirate avec une minuscule !

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