Il est humain de voir la poutre dans l’œil du voisin et de s’affranchir de tout soupçon de manichéisme, notre narcissisme nous dotant naturellement d’un jugement précis, nuancé et rigoureux. Les préjugés et autres lieux communs sont le propre de la plèbe et des trolls et ne font en aucun cas partie de notre horizon serein.
Et pourtant… anti ND des Landes bien et manif pour tous mal ; Attac, FdG, EELV ou NPA bien et UMP tout faux ; Palestine bien et Israël la totale ; indignados bien et taxis en grève malédiction : la liste est longue, je n’ose ajouter laïcité-religion ou Catalogne-Europe. On le sait et pourtant on l’occulte, notre vision du monde se construit autour de rejets structurants qui se figent avec les années et se constituent en certitudes immuables, certitudes élaborées lors d’un parcours mouvementé constitué d’expériences plus ou moins douloureuses (qui ne s’est jamais cassé la figure ?) qui nous déterminent.
C’est ainsi que mon prisme d’analyse de l’actualité infaillible se heurtant au parasitage des autres tonalités se sent acculé et contraint de riposter en fonction de catégories préétablies telles que« trotskyste », « angélique », « stalinien », « laïcard », « sioniste », « islamophobe » et j’en passe. Non pas que je qualifie ouvertement mes interlocuteurs ou les auteurs de tels travers car, rappelons-le, je suis doté d’un sens aigu de la nuance ainsi que d’une capacité d’écoute façonnée par mon ouverture d’esprit, mais c’est plus fort que moi, ces propos que je lis portent le sceau de l’infamie trotskyste, angélique, stalinienne etc.
A gauche donc nous militons pour l’équité ce qui nous oppose à ceux qui voient le monde en termes de réussite matérielle, enfin c’est une interprétation possible. Les entrepreneurs et le MEDEF veulent la peau de leurs employés, les banquiers et les multinationales ne financent jamais d’œuvres sociales ou culturelles sauf pour s’enrichir et les USA sont l’incarnation de la cupidité et de l’hypocrisie. Admettons. Mais que dire alors des défenseurs des sans-papiers de RESF ou la Cimade, ces « doux rêveurs » bernés par une Leonarda ou des « relativistes » non convaincus par la logique sévère de refus du voile et victimes de leurs beaux sentiments donc ? Pourtant ils se croyaient de gauche, ces naïfs.
Bref : pourquoi ne pas admettre que le cliché, l’idée reçue, le stéréotype n’épargnent personne et que, s’il sont effectivement une faiblesse de la pensée et le germe de dogmes, croyances et postulats menaçants, ils constituent des repères inévitables à passer toujours au crible du doute ? De même le besoin de classer en catégories les phénomènes et les acteurs sociaux devrait-il déboucher sur une évaluation constante des critères de classement. Le doute n’est-il pas une caractéristique de notre composante cartésienne si admirée hors des limites hexagonales ?