Vous ne rêviez pas d'un monde parfait lorsque vous étiez petit/e, vous ? Ne vous semblait-il pas qu'un coup de baguette magique viendrait tôt ou tard redresser tous les torts ? Mais ce temps n'est plus et nous expliquons, blasés, aux jeunes les contraintes de la realpolitik, la culture du compromis et les multiples raisons du nécessaire renoncement.
Les progrès de l'humanité sont cependant le fait d'utopies qui se sont frayé un chemin aux dépens des conservateurs figés dans leur conception périmée du monde et c'est ainsi que l'inconcevable surgit dans l'histoire humaine, extrait du chapeau du prestidigitateur grâce au mot magique : abolition. Oh, il n'y a pas de quoi chanter victoire encore vu qu'on en a vite fait le tour d'horizon : esclavage, privilèges, peine de mort et on sait ce qu'il en est des deux premiers, de belles déclarations de principes sans effet sur la traite humaine ou les chasses gardées des puissants de ce monde. Le fait d'abolir officiellement ces maux a cependant eu un effet en profondeur sur les sociétés humaines dans la mesure où cet acte volontaire a stigmatisé des phénomènes largement acceptés jusqu'au moment de leur abolition.
Bien sûr, on peut et on veut abolir dans un désir enfantin d'harmonie universelle tout et n'importe quoi : les injustices, les inégalités, les guerres, la publicité, les feux rouges, les jeux, la mendicité... la liste est longue. Mais imaginez un instant : « la résolution 2612 des Nations Unies a aboli les frontières des Etats »... finies les traques aux immigrés clandestins, les fuites de capitaux, la contrebande. Un coup de baguette magique. Mais où est passé le magicien ? Obama, que fais-tu ? Voilà le problème : ils ne sont pas devenus fous. Toute utopie demande un grain de folie, une extrapolation des rêves à la réalité qui sont plutôt mal vus dans la routine de la pensée unique, du consensus mou et du politiquement correct. Or la question serait plutôt : jeunes, où sont passés vos rêves d'un monde meilleur ? Qu'en est-il de votre merveilleuse capacité d'indignation et de révolte ? Oui, bien sûr, ce n'est pas sur Mediapart que vous irez vous faire entendre. Mais je vous trouve bien silencieux tout de même.
Abolir donc. Panacée aux chaînes du passé. Rupture de schémas surannés et suppression d'archaïsmes sur le parcours glorieux du progrès. A terme une amélioration de la condition humaine ou de sa dignité (peine de mort, esclavage). Certes, le parti socialiste n'aura pas de ces audaces de peur d'effaroucher son aile droite et les écologistes ont d'autres préoccupations : abolir l'énergie nucléaire ne semble pas faire l'unanimité. Mais la société a parfois une longueur d'avance sur les politiques, le mouvement homosexuel s'est imposé à eux qui ont pris le train en route et il en fut de même pour l'IVG ou la décolonisation (les peuples opprimés ayant conquis leur liberté de haute lutte). Un jour la réforme est tombée tel un fruit mûr en raison de la ténacité de ceux qui, forts de leur conviction, ne se sont pas laissés détourner de leur projet.
Bon, par quoi commencer donc ? Pourquoi pas par les grossièretés : elles offensent le bon goût et heurtent les sensibilités sans mentionner qu'elles sont le point de départ de maintes violences. Les « pauv'cons » se verraient ainsi ainsi donner du « triste personnage » ce qui à n'en pas douter renvoie une image bien plus flatteuse. Sérieusement : je vote pour la publicité, véritable courroie de transmission de notre modèle économique périmé et gangrène de la pensée. Et vous ?