Quelques jours ont suffi pour faire disparaitre les titres racoleurs sur ce que le politiquement correct a baptisé « le drame de l’immigration » et on tourne la page. La trentaine de migrants noyés de vendredi ont encore fait provisoirement la une des quotidiens hormis Mediapart qui a dû le signaler dans son fil d’actu sans s’appesantir.
RAS ? Sujet tabou ? manque de substance ? question galvaudée ? vide médiatique ? ou connivence des puissants comme le suggère Poppie qui éviteraient de déranger les consommateurs dans leur médiocres certitudes ? Indifférence plutôt envers ces étrangers qui ne sont que des nombres abstraits de victimes sans visages, mouches que l’on chasse d’un revers de la main. Sentiment d’impuissance face à un sujet qui fâche et nous dépasse. Peut-être, mais nous avons le devoir de hurler à l’injustice, de chercher et de dénoncer les coupables.
Oh bien sûr, pour ceux de droite la réponse est vite trouvée, ce sont les naufragés qui se sont embarqués inconsciemment sur ces coquilles de noix les responsables et leurs passeurs. Mais non. Ils ont été chassés de leurs terres nous le savons bien pourtant, pour mémoire : faim, guerre, manque de perspectives, absence d’eau, menaces sur la vie, rien de neuf me direz vous. Mais les chiffres sont là : le Pakistan est le premier par le volume des migrants acceptés sur le territoire. Le Pakistan… les pauvres en effet sont plus solidaires, cela est un lieu commun mais qui ne plaide pas en faveur du monde riche obsédé par l’invasion et sa crise économique qui si elle est grave semble bien petite face aux problèmes du Congo ou de la Somalie.
Et le Rana Plaza, vous vous en souvenez ? Mais oui, cette usine minable au Bangla Desh qui s’est effondrée en engloutissant plus de mille travailleurs. Quel rapport ? L’amnésie médiatique tout simplement qui convient si bien aux grandes marques de vêtements impliquées dans le drame (en sous-traitance il est vrai comme on s’empressera de faire remarquer à droite ce qui n’est-ce pas les dédouane de toute responsabilité), tout comme cet oubli qui relègue les noyés de la Méditerranée dans les limbes de l’anecdotique avec les accidents de la route et les victimes de la violence machiste : phénomènes acceptés et subis, qu’y pouvons-nous Madame ?
Or non, il n’y a pas de fatalité, cette honte pour reprendre l’expression juste du pape doit cesser. La Frontex est chargée de surveiller les frontières maritimes, certes pour canaliser les migrants vers les centres de rétention et les expulser de la terre promise, mais aussi pour les protéger, il faut la doter de plus de moyens. La loi scélérate italienne criminalisant les marins secouristes vient d’être abolie dans l’émotion du moment, une bonne chose. Dans les ports de départ devraient être distribuées des brochures diffusant des conseils aux candidats au voyage et les numéros d’appel d’urgence. Et surtout les aides économiques de l’UE devraient être distribuées en toute transparence jusqu’à l’utilisateur final afin d’approcher l’objectif d’amélioration des conditions de vie en Afrique, continent que certains prétendent en voie de développement. Tolérance zéro pour les complicités coupables et la corruption, chercher et trouver d’autres canaux de distribution.
Encore un papier baignant dans les bonnes intentions et la mauvaise conscience que ces quelques lignes peut-être ? Une réaction indignée plutôt face à la manifestation de l’injustice nord-sud que l’auteur de ces lignes ne doit pas être le seul à éprouver. Un refus de l’oubli honteux, de la fatalité et la résignation.
En hommage aux habitants de Lampedusa, signer ici : http://temi.repubblica.it/espresso-appelli/?action=vediappello&idappello=391309&firma=true
lire aussi: http://www.presseurop.eu/fr/content/article/4214811-lampedusa-merite-le-nobel-de-la-paix
http://www.lacimade.org/nouvelles/4638-Lampedusa---l-Europe-assassine
http://www.lacimade.org/nouvelles/4640-Frontex---surveiller-ou-sauver-des-vies--