Beau programme, non ? Et pourtant le PIB doit prendre maintenant en compte l’économie souterraine, dopant de ce fait les données macroéconomiques (dette publique, déficit…) dans une dynamique lancée aux Nations Unies et décidée en Europe en 2012 (1). Réalisme ou cynisme ? Alors que la consommation de drogue est illégale et que le client de services sexuels se verra bientôt criminalisé on trouve des armes en vente dans les magasins Leclerc.
Cet état de fait est calqué sur le modèle des USA où la répression inefficace du trafic des stupéfiants va de pair avec le refus puritain du commerce sexuel alors que l’exécution de son prochain pourtant interdite dans les écritures est protégée par la loi. Certes, la richesse et la complexité d’un pays aussi grand incite á nuancer et les récentes volte-face des Etats de Washington et du Colorado autorisant le cannabis pour les plus de 21 ans indiquent peut-être une timide évolution vers la fin de la répression. Le mouvement anti prohibitionniste mené par de nombreuses personnalités (d’anciens présidents et premiers ministres ainsi que des ex-secrétaire de l’Otan ou directeur de la Réserve Fédérale… curieusement ne plus être aux manettes semble ouvrir les horizons et libérer la parole)(2) a débouché depuis 2008 sur des rapports de commissions internationales faisant le constat de l’inefficacité de la guerre contre les cartels, de ses effets collatéraux et de la nécessité d'une réorientation, préparant le terrain en concomitance avec la lassitude générée par l’inexistence de progrès en la matière.
Intégrer la plus-value du crime dans les comptes publics donnera une plus grande lisibilité de cette composante essentielle dans l’économie mondiale : Etats producteurs, Etat intermédiaires, Etats consommateurs… tout le monde s’y retrouve et tout le monde en vit, du garagiste du dealer á l’avocate en passant par les travailleurs de l’usine de préservatifs. De même les investissements lourds de l’armée seront-ils désormais comptabilisés, générant jusqu’á 3% d'augmentation du PIB (3) et l’ensemble de l’économie souterraine ainsi quantifié devrait augmenter le PIB européen de 0,5% (4) ce qui n’est pas négligeable. Simple jeu d’écritures pour sortir du bilan morose mais aussi approche plus réaliste de la création de richesses susceptible á moyen terme de déboucher sur des politiques plus adaptées de lutte contre les dépendances.
Ainsi pourrait enfin voir le jour une politique coordonnée de prévention-éducation, d’encadrement du travail du sexe et de la production et de la distribution de la drogue dans une optique de santé publique et de réhabilitation au niveau international. Les moyens de répression enfin débarrassés du travail de routine verraient ainsi l’efficacité de leur lutte contre les grands acteurs du crime renforcés : la responsabilité des pays importateurs de drogue ou de péripatéticiennes leur impose d’agir sachant que la volonté politique déplace parfois des montagnes comme dans le cas du tabagisme ou de la prévention routière. Les lobbies du crime sont certes plus redoutables que la SEITA ou l’automobile club mais la santé de notre jeunesse, la fin de la guerre du narcotrafic et des filières proxénètes est á ce prix. Quant aux armes on voit difficilement les chasseurs les restituer contre quelques Pesos comme les guérilleros repentis en Amérique latine lors de cérémonies médiatisées mais en imposant une prohibition de la guerre á l’ONU sait-on jamais…
(1) http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20130801trib000778672/changer-la-maniere-de-calculer-son-pib-une-revolution-des-mentalites.html
(2) http://www.courrierinternational.com/article/2011/06/09/comment-sortir-de-l-impasse
(4) http://www.lalibre.be/economie/actualite/comment-la-drogue-et-la-prostitution-vont-reduire-la-dette-europeenne-5304eca735704ec4c3a79362