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Billet de blog 16 janvier 2011

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Liberté d’opinion et de parole : limites (sans vouloir donner de leçons)

Si je pense : « les arabes m'emmerdent » je dirai « il faut maîtriser les flux migratoires » et voterai Le Pen ou Sarkozy. Si je pense : « les juifs sont des salauds » je dirai « le lobby sioniste accapare la presse » et voterai aussi Le Pen ou Mélenchon c'est selon. Et si je pense : « moi je suis plus intelligent que ça » je dirai « le malaise social est imputable à la crispation générée par Sarkozy » et m'abonnerai à Médiapart.

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Si je pense : « les arabes m'emmerdent » je dirai « il faut maîtriser les flux migratoires » et voterai Le Pen ou Sarkozy. Si je pense : « les juifs sont des salauds » je dirai « le lobby sioniste accapare la presse » et voterai aussi Le Pen ou Mélenchon c'est selon. Et si je pense : « moi je suis plus intelligent que ça » je dirai « le malaise social est imputable à la crispation générée par Sarkozy » et m'abonnerai à Médiapart.

Rien n'est simple mais tout est simplifiable. Les spécialistes des sciences de la communication devraient se pencher au chevet de MdP malade de son postulat prônant la liberté de parole. Sa charte stipule pourtant une évidence démocratique en exigeant dans son point 2 de respecter les autres et les textes en vigueur. Il faut maintenant appeler les juristes à la rescousse pour cerner les limites du « on est libre de penser ce que l'on veut mais toute vérité n'est pas bonne à dire »... quelle vérité ? Celle que j'affirme péremptoirement en invoquant des faits puisés sur Wikipedia et mis bout à bout pour étayer ma conviction citoyenne et « indépendante » ? Celle que Zemmour clame pour se griser de notoriété ? En tant que sujet autonome bénéficiant du privilège de vivre dans une démocratie laïque suis-je ipso facto à même de me prononcer sur des sujets complexes de par leurs implications multiples ? Et surtout, suis-je habilité à incriminer des personnes publiques en me dispensant de dire qui je suis ?

Le débat ouvert par la publication des documents secrets sur Wikileaks a dégagé une ligne de partage nette entre deux conceptions de l'individu : le citoyen responsable et le sujet incompétent. Dans la mesure où il est appelé à déposer pieusement son bulletin de vote on pourrait penser que c'est la première qui l'emporte mais la bataille qui fait rage autour de la protection des sources ainsi que de la diffusion de certaines données démontre qu'en démocratie les règles du jeu ne sont jamais établies de manière définitive. Alors : une dictature des experts avec plébiscite tous les quatre ou cinq ans ? Ou bien la joyeuse pagaille médiatique dont notre journal est un bon exemple ? La liberté considérée comme fin justifierait de laisser ce moyen livré à lui-même , mais de là à accepter le n'importe quoi et les invectives il y a un pas franchi qui menace l'existence d'espaces de réflexion et offense la conception humaniste du monde qui devrait prévaloir.

La lutte de classes a cédé le pas à une lutte du savoir : le populisme du « parler vrai » et du « bon sens » s'oppose frontalement aux adeptes du recul de l'analyse souvent plus diplômés et vilipendés en tant que « bobos » par les premiers et regardant parfois avec condescendance les « braves gens » apparentés à des poujadistes. Cet affrontement socio-culturel met en danger la coexistence démocratique comme on peut le constater par la violence verbale déployée et le ressentiment auquel la soupape de sécurité de l'autocensure est retirée : cela débouche sur la haine, qu'elle soit anti-sarkozy, arabes, juifs ou végétariens. Et quand on dit les choses, on les fait parfois. Comme la prostitution qui assouvit les pulsions générées par la libido, internet offre la possibilité de déverser l'ire produite par les frustrations au quotidien. La rançon de son succès : l'humanité qui s'y étale et dénude sans pudeur.

Alors ? Tout potache serait capable de rédiger le très galvaudé « ma liberté s'arrête là où commence celle d'autrui » dans une dissertation au vocabulaire choisi pour ensuite traiter de nom d'oiseaux son professeur dans son dos. Parfois en le lui disant, question de caractère. « c'est pas faute m'dame, j'étais énervé » : quel âge avons-nous ? Où est notre responsabilité civique ? Voulons-nous tout gâcher ?

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