A l’heure du délire financier des transactions intercontinentales de spéculation à la nanoseconde et des fortunes off shore le citoyen lambda se trouve livré en Europe aux politiques d’austérité et le petit agriculteur africain ou asiatique aux fluctuations du marché alimentaire. Peut-on arrêter le train en marche ? Bien sûr que non, survivront ceux qui auront su s’adapter.
Certes, le repli sur le local tant préconisé dans la perspective altermondialiste constitue une piste ainsi que les initiatives conviviales d’échange qui ont le vent en poupe, mais à l’échelle mondiale une autre dimension dicte sa loi : celle des porte-conteneurs qui changent de propriétaire en pleine mer et de la récolte du soja brésilien gagné sur la forêt amazonienne qui vient engraisser nos animaux et « enrichir » nos aliments. Abolir cela ? Nous avions déjà consacré un billet à ce sujet en son temps en nous référant à la baguette magique de notre tendre enfance dont les gesticulations vaines n’ont pour effet que d’entretenir notre illusion.
Utopie et réalité du terrain ne font jamais bon ménage et la recherche d’un équilibre acceptable nourrit le pragmatisme tant décrié par celui qui n’est pas directement impliqué. Nonobstant les fâcheuses conséquences d’une mondialisation comprise comme un ballet cruel des capitaux sans frontières narguant la majeure partie de l’humanité confinée dans la misère, des opportunités se présentent parfois, immédiatement rejetées au nom du développement durable, de l’indigénisme, de critères d’authenticité. On pourrait invoquer l’aéroport de Notre-Dame des Landes ou la construction de barrages comme en Amazonie. Ne touchons pas au dogme du naturel certes, mais on ne voit pas bien au nom de quoi le nanti possédant voiture et ordinateur refuse au chômeur longue durée ou à l’indigène qui le souhaite de pouvoir aussi s’en équiper.
Oui c’est chercher des verges pour se faire battre que d’invoquer les retombées matérielles de la mondialisation néolibérale et tel n’est pas notre propos : il s’agit seulement d’éviter de s’engluer dans les idées reçues qui stigmatisent tout ce qui rime avec progrès industriel et portent aux nues tout ce qui relève du communautaire et de l’écologique. Oui, la notion de progrès tombée en disgrâce mérite un aggiornamento et non, tout mouvement contestataire n’est pas légitime par le seul fait de s’opposer au pouvoir.