Autant prévenir, notre formation non philosophique nous interdit l’accès aux cimes de l’abstraction et nous nous limitons à l’acception usuelle du relativisme : ce qui est relatif à autre chose. Or il semble qu’il y ait un rejet de cette attitude au bénéfice de son contraire, le principe intangible, le dogme, la valeur absolue.
Pour reprendre un sujet galvaudé mais significatif, le mariage pour tous peut être vu sous l’angle biologique de différenciation sexuée qui régirait l’organisation sociale ou bien au contraire dans une perspective de mise en contexte de cette différence qui reconnaît à une minorité ses droits, entre autres celui de procréer ou d’adopter. L’enfant, enjeu majeur et otage de cette confrontation, peut être à son tour appréhendé comme une promesse innocente, vulnérable et « pure » ou plutôt comme un être en devenir doté de capacités de discernement dans un monde divers auquel il fera progressivement face avec la force que lui transmettra son éducation. On peut aussi se situer dans une perspective diachronique qui met en opposition un conservatisme trouvant ancrage dans les valeurs traditionnelles « perpétuelles » avec un progressisme qui postulerait le refus desdites valeurs au bénéfice du doute émanant de notre ignorance de ce que seront les valeurs futures.
Les chantres de la laïcité qui rejettent l’association du religieux au port vestimentaire se situent eux aussi dans le fief de leurs valeurs républicaines qui ne sont pas susceptibles d’être mises à jour alors que la jeunesse clame son rejet cyclique de l’ordre établi. Relativiser, cela revient à mettre en perspective et constater que tout voile ne signifie pas éloge de la circoncision comme le stipule le raccourci frontiste et que tout comme nombre de Catholiques ont adopté le préservatif, beaucoup de Musulmans sont opposés à cette mutilation. C’est accepter la promesse d’un futur meilleur dont nous ignorons tout si ce n’est qu’il différera de ce que nous connaissons actuellement et qui fait qu’une personne dotée de l’immortalité se trouverait forcément en porte-à-faux avec ses croyances actuelles. Accepter qu’une femme se voile finalement, c’est ne pas lui imposer une norme érigée comme juste selon des critères qui relèvent d’une vision limitée du monde.
Est-il donc si mal vu de se montrer « tolérant » ? Oh certes, tolérance et charité vont de pair, il s’agirait d’une forme de condescendance bourgeoise envers des inférieurs. Est-ce si sûr ? En l’absence d’autre expression on peut souligner l’avantage que présente le fait de tolérer face à celui de ne pas tolérer : ne pas empoisonner la vie de l’autre. Entendons-nous : l’intolérable existe bel et bien et il se peut que le problème se situe au seuil de ce qui l’est et ce qui ne l’est pas qui est loin de faire l’unanimité. Mais on ne m’ôtera pas de l’idée que le progrès de l’humanité passe par la remise en question de ses dogmes : c’est mon petit dogme à moi.