« Le métier des armes ce n'est pas un métier comme les autres. C'est le seul métier où quand on y entre, on sait qu'on va peut-être devoir donner la mort ou peut-être la recevoir » dixit notre premier ministre à la Résidence de France à Libreville (17.7.11).
« recevoir la mort » ... grande messe nationale pour nos soldats tombés au front donc, mais qu'en est-il du deuxième terme de l'assertion : « donner la mort » ? Combien de tués « au nom de la France » ?
Avec quelle cérémonie ? Tous de méchants talibans ? Des terroristes qui s'en prennent à nos RER ? Ou des femmes et des enfants en dommages collatéraux abattus par la trouille lors des patrouilles dans un univers hostile ? Question subsidiaire : à quoi est due cette hostilité ? Risquerai-je un point Godwin en osant comparer les soldats étrangers à bord de leurs camions à ces soldats casqués traversant en trombe villages et hameaux à bord de leurs side-cars ? Afghanistan, immense cour de récréation où l'on se casse la gueule mutuellement. Où l'on consomme les munitions fabriquées dans nos manufactures proprettes. Où l'on teste nos merveilleux joujoux : drones, cibles de visée digitale, ogives guidées...
... et on remet ça en Libye. Au nom de « nos valeurs » pour défendre la veuve et l'orphelin entendez la femme voilée et l'enfant endoctriné par le dictateur. On se sert en pétrole au passage, comme chez l'autre dictateur, vous savez bien, celui qui fourbissait ses armes secrètes transportées en camion banalisé dans les usines à lait. Il avait aussi du pétrole, simple détail. Au nom de la France. En mon nom donc ! Qu'importe le fait que je ne sois pas d'accord, c'est au nom de la démocratie , de la République, silence dans les rangs !
Autre citation qui vaut son pesant d'or de notre député du Nouveau Centre, M Philippe Folliot lors du débat sur l'intervention en Libye où il aurait été en son pouvoir d'arrêter ce jeu mortel et fier de son expérience ô combien exaltante de vol en avion de chasse : « Ayant partagé avec eux un vol d'entraînement sur mirage 2000, j'ai pu prendre conscience de l'extrême difficulté de la tâche d'un pilote de chasse, puisque les décisions sont prises dans des conditions hors-norme »... quelles décisions si tout est déjà joué et la conscience dudit pilote anesthésiée à coup de discours plus patriotiques les uns que les autres ? ... extrême difficulté disiez-vous ? Allez donc visser les boulons du viaduc de l'A 9 en construction dans le vide et sous l'intempérie M le député : c'est aussi un sport extrême ! Sauf que les primes de risque ne sont pas tout à fait les mêmes.
La prime de risque et la retraite de métier éprouvant, parlons-en : nos vaillants soldats se battent pour de nobles idéaux comme les brigades internationales, gratis. Ah non, pardon, j'oubliais les familles que leur solde entretient ce qui leur vaut la retraite avant le commun des travailleurs (j'allais dire mortels mais là il est vrai en effet qu'ils le sont davantage) ainsi que le supplément dû à l'engagement sur le terrain , mais il est indécent de le mentionner m'objectera-t-on. Nous soutenons la démocratie naissante dans la Libye des clans , sus à l'affreux dictateur ami (encombrant) de la France et nous pouvons y mettre le prix, ces jeunes aviateurs le méritent bien et leur revenu est la moindre de leurs préoccupations !
Qui disait déjà « la guerre, quelle connerie » ? Un romantique bien sûr sur lequel la Realpolitik n'a aucune emprise. Oh certes, De Gaulle avait raison et ce n'est pas en le demandant gentiment que les Allemands seraient repartis, mais approuverait-il nos « engagements » actuels ? Oui, les talibans sont des fascistes et les ennemis du monde occidental mais ils sont chez eux et l'histoire de leur pays a démontré combien les saigneurs de la guerre sont bien implantés dans le pays. Vouloir changer la donne par la force a conduit à l'impasse actuelle : la Bérézina n'est pas si loin, le grand homme l'aurait probablement vu à temps.