TINA: pas d'autre choix que la dictature des “marchés”, c'est ce que nous assène la doxa des pouvoirs assujettis aux capitaux. Aucune alternative. Ce crédo a beau être battu en brèche par tout ce que le pays compte d'idéalistes et de philanthropes qui s'insurgent avec raison contre le rouleau compresseur du gouvernement apostat, il n'en reste pas moins que l'horizon reste désespérémentvide: quel est le paradigme susceptible d'arrêter cette machine qui s'est emballée pour insuffler un début d'espoir, quelle est la force populaire ou pas qui parviendra à imposer des critères d'intégrité et d'humanisme dans les rouages de l'économie mondiale ?
Chacun a sa petite idée et garde jalousement sa lueur d'espoir après l'irrémédiable constat de la faillite du système (expression malheureuse depuis qu'elle a été dévoyée par Soral et cie) avec le sentiment diffus que la manif de papa avec drapeaux rouges qui flottent au son des cornes de brume ça ne marche plus, ça n'effraie plus personne. De plus le vin est tiré et le rouge ne fait plus recette tout comme il n'est pas la recette à nos maux. Mais le monde appartient aux jeunes. Un bien mauvais héritage et ce n'est pas à prendre ou à laisser, ils doivent faire avec. Et que leur propose-t-on à part Steve Jobs et Federer comme héros ? Rémi Fraisse tombé sous les tirs des gendarmes ne défilait pas, il luttait. Sa cause est aussi la nôtre mais quelle est-elle au juste ? ZAD, fort bien. Décroissance, autonomie alimentaire, troc et monnaie solidaire, soutien aux sans papiers, projets communautaires... projets à petite échelle, projets d'utopie, le mot est lâché.
Ces poussières de résistance, les sommets altermondialistes parallèles aux G8, G20..., les wikiprojets pourront-ils faire bouger les choses ? Chacun sa réponse toutefois la simple observation des faits de société et des solutions avancées laisse bien peu de place à l'espoir de voir émerger un nouvel ordre économique de notre vivant. Bien sûr il y a ce bouillonement sur la toile hors des medias dominants et des faiseurs d'opinion mais force est de reconnaître que la fachosphère lui fait contrepoids et que le désordre de ce foisonnement d'idées ne permet pas aux projets solides d'émerger. Pour tenir la route et être audible ils requièrent l'aval de l'université, des médias et donc du pouvoir en place qui s'en servira comme faire-valoir de sa bonne conduite démocratique. Piketty en est la parfaite illustration bien que son succès émane aussi du constat incontournable des inégalités croissantes qui réveille ce qui reste des valeurs de gauche autour de la justice sociale et de la solidarité.
Commencer localement et à l'échelle communautaire, tel est le choix de tous les désabusés de la politique potemkine alors que d'autres estiment qu'il convient avant tout de se débarrasser des oligarchies et de jeter par-dessus bord institutions et Europe. Ces derniers expriment par là leur légitime rejet de la perversion du système sans proposition concrète cependant sinon de retour à “avant”: protectionnisme, nationalisations, sauvetage de l'Etat providence moribond alors que les localistes et les échangistes alternatifs misent sur l'engagement concret et l'action. Oui, les vide-greniers et autres gratiferias, les monnaies locales et les associations d'aide au logement, aux sans-papier, aux exclus vont dans le bon sens et sont louables, de même que les projets communautaires de partage ou de solidarité comme l'open source, le commerce équitable ou le woofing mais rien de bien cohérent là-dedans qui laisse entrevoir la fin du capitalisme global: une cacophonie qui attend le chef d'orchestre ? Le messianisme a mauvaise presse mais il se trouve des personnes pour invoquer avec nostalgie les exemples de Bismarck et de de Gaulle face à l'adversité ou pour louer le charisme de tel politicien en vue.
Pas d'alternative disent-ils. La mondialisation est là et nivellera tout, écrasant Cuba Venezuela et Corée du nord. En effet, le pouvoir de séduction du mythe du cireur de chaussures devenant PDG est dévastateur: la tentative d'introduction d'un réseau social SMS avec financement étasunien à Cuba, le Zunzuneo, s'alimentait de ce rêve paillettes-piscine-Ferrari que les chaînes des Etats Unis déversent dans le tiers-monde. Et que lui opposer, le retour aux valeurs ancestrales ? ... à celles du communisme ? Celle du progrès ayant vécu sa vie, l'écologie a bien tenté de la relayer mais en s'institutionalisant un peu partout et en faisant allégeance au léviathan qui sut la dévoyer (économie verte de façade). Les migrants en quête d'une vie décente semblent n'avoir aucun doute concernant ce choix économique dont la dame de fer affirmait qu'il était inéluctable. Peut-être le séminaire des zapatistes qui se tiendra du 3 au 9 mai au Chiapas nous fournira-t-il une piste solide, son titre est encourageant: “la pensée critique face á l'hydre capitaliste”, de même que tous les mouvements autodénominés alternatifs qui contredisent cette chère Margaret. A suivre.