Qui se souvient de ce tour opérateur au nom évocateur où réfugiés espagnols, prêtres ouvriers et militants PSU arrondissaient leur maigre budget en accompagnant des enthousiastes pour découvrir le monde, “Voir et Connaître” ? Pionnier du tourisme des trente glorieuses, son absorption par le groupe Trigano sous l'enseigne du Club Méditerranée signa la fin d'une vision non alignée du voyage de loisirs refusant de bronzer idiot.
Le tourisme est une industrie un peu particulière qui pour tout bien produit des souvenirs et noue des contacts humains. Certes, son impact écologique est désastreux malgré les progrès réalisés dans la combustion des réacteurs qui polluent (surtout au décollage) ainsi que dans les espaces d'implantation balnéaire ou touristique (nappes phréatiques ponctionnées), mais ses effets pacifiques d'entente entre les peuples ne sont pas à négliger malgré la dimension trop souvent superficielle des visites. Hormis les industries culturelles qui relèvent le plus souvent de l'artisanat, quels secteurs d'activité offrent autant de bénéfices humains ?
Cette ressource abondante en devises des pays d’accueil du tourisme de masse représente par ailleurs une manne qui fait rêver mais c'est aussi leur talon d’Achille comme nous le voyons actuellement dans les pays arabes. C'est alors que la solidarité devrait intervenir face au drame mais aucune voix ne s’élève pour inciter les bonnes volontés à se mobiliser. Nous savons qu'un coblogueur se rendra prochainement en Tunisie pour ne pas donner raison aux assassins mais il est à craindre que son exemple ne reste marginal et qu'il se trouve bien seul avec quelques rares profiteurs voyant dans cette débâcle l'opportunité d'un séjour à prix imbattable.
Pourquoi dans le système économique qui nous tient dans ses filets les citoyens conscients des enjeux sociaux ne mettent-ils pas à profit la seule arme que celui-ci leur fournit: le boycott? Hormis quelques rares occasions où les cibles visées étaient en général des compagnies pétrolières ou agroalimentaires, ce puissant outil de chantage que redoutent pourtant les géants de l'industrie n'est que rarement employé. Dans le domaine du tourisme, c'est le contraire qui fut préconisé lors des bombardements de Bagdad ordonnés par George W Bush avec un bouclier humain d'occidentaux venus pour dissuader les frappes étasuniennes et britanniques. De même la croisière pacifiste avec Gaza comme destination se termina-t-elle par la mort de 9 militants tués à bord des bateaux de la flottille de la liberté lors de l'assaut israélien en 2010.
Si l'on ne souhaite pas prendre tant de risques, il existe des voyagistes spécialisés dans les séjours et circuits à la rencontre des autochtones avec en option la participation à des projets de développement. Ces opérateurs voient cependant leur rayon d'action limité en raison de la situation de plus en plus critique en Afrique et ailleurs pour les Européens et des consignes de sécurité alourdies.
Cuba représentait aussi une exception en drainant vers elle tous les curieux et sympathisants d'un régime frondeur et anticonformiste: pour éviter les restrictions du blocus, il fallait faire le grand bond du Canada à l’île tropicale avec des Iliouchines tchèques remplis de kérosène pour éviter l'espace aérien des Etats Unis. Actuellement á l'heure de la réconciliation il convient de se dépêcher si l'on désire trouver ce lieu encore préservé des distributeurs de Coca-Cola et de restauration rapide, mais là n'est pas le propos car ce type de voyages n'est pas à la portée de tout le monde.
Si un séjour en Tunisie n'est pas non plus abordable pour les petits budgets, restent les foyers ruraux et les chantiers pour les plus courageux de même que les formules xhelp et wwoof qui proposent le troc de la force de travail contre le gîte et le couvert: hautement recommandable, mais plus que de solidarité il s'agit là d'échanges lorsque l'on ne tombe pas sur des négriers du XXIème siècle comme cela nous est hélas arrivé. Pour être exhaustif il convient de signaler aussi le site couchsurfing qui permet de voir du pays sans payer d’hôtel et donc par retour d'ascenseur d'héberger des routards fauchés ou simplement enthousiasmés par cette formule hospitalière: une possibilité riche en contacts humains qui permet une approche “ethno” des lieux visités mais on est loin de l'esprit solidaire évoqué supra.