Nous sommes bien d’accord: le système actuel qui donne carte blanche aux élus pour mener une politique contredisant leurs promesses et les installe pour une durée déterminée tous privilèges compris à leur poste est devenu obsolète : une révision de nos institutions est nécessaire.
Mais tout d’abord, avons-nous besoin d’élus ? Un « plan social » à l’assemblée n’est-il pas envisageable ? Les élus sont à notre écoute disent-ils et elles, mais ils écoutent surtout la voix de leurs intérêts : où en est la loi qui devait mettre fin au cumul des mandats, domaine dans lequel la France est championne ? Rejeté récemment par le Sénat hostile au projet, ce roman feuilleton vise une application en 2017 seulement. Ce premier pas franchi, il resterait à dégraisser le mammouth de la haute administration en s’assurant de l’utilité réelle des différents postes de conseiller et d’adjoint, mais gageons que ce ne sera pas pour demain.
A l’heure d’internet et de l’immédiat, le peuple prétendument souverain est exclu de fait de la gestion de la cité qui est confiée aux spécialistes formatés par les grandes écoles alors que la possibilité d’une cogestion en ligne existe en théorie. Certes sur des questions telles que l’avortement, la peine de mort ou le mariage pour tous des retours de manivelle sont à redouter mais au nom de quelle idée et sur la base de quels critères préjuge-t-on de la maturité de nos concitoyens ? Si une revitalisation politique de la société est souhaitable, elle doit passer par un transfert partiel de pouvoir aux citoyens faute de quoi le taux d’abstention continuera son envolée jusqu’à laisser une caste dénuée de toute légitimité sévir sans scrupules comme dans la ferme aux animaux.
De telles réformes relevant de l’utopie, le repli sur soi et le morcellement de l’engagement citoyen en fonction d’objectifs individuels prévalent : monnaie locale, commerce équitable, troc, logement et urbanisme durable, bio, ONG… tout ce foisonnement d’énergie est bien le signe qu’un élan existe qui s’est éloigné de la politique par désabusement. La clé réside dans la jeunesse dont le récent cri du cœur n’a pas été relayé à sa juste mesure dans les médias qui ont traité de haut le mouvement de solidarité avec les élèves reconduits à la frontière : la soif de justice de ces esprits frais et vifs est susceptible de déboucher sur des concrétisations 2.0 à la J .Assange s’ils ne sombrent pas dans le consumérisme ou le conformisme de la pensée dominante.
Reste le champ expérimental Mediapart, conçu par certains de ses abonnés comme un lieu de démocratie. Une certaine confusion concernant le terme « participatif » en a amené une partie à s’inventer des droits dans la gestion des affaires du journal, plus particulièrement du club. En fait la participation concerne surtout les affaires de la cité que le journalisme d’investigation tente d’assainir, jouant à plein son rôle de quatrième pouvoir. La liberté de commenter dans les fils de discussion ou les blogs permet à chacun d’apporter son grain de sel à la marmite politique et sa contribution à la réflexion générale, incitant les journalistes professionnels à plus de rigueur. Indéniablement il s’agit là d’un outil démocratique performant mais hélas encore trop marginal.
Si l’histoire repasse les plats et que Marine le Pen arrive un jour au pouvoir par les urnes, ce ne sera pas grâce à la démocratie mais au prix de son dévoiement par les scandales à répétition, les mensonges et les trahisons de ceux qui devaient représenter le peuple à la tête de l’Etat.