En ces temps troubles où la peur de l'Autre semble l'emporter sur son accueil et son écoute et où se dressent les barrières du retranchement sécuritaire, les critères toujours fluctuants de la compréhension des mobiles d'autrui évoluent vers l'intransigeance et le repli. La transgression radicale du geste terroriste a pour effet immédiat la stigmatisation de sa famille et ses amis pour aboutir à celle de ses semblables réunis sous l’étiquette de la religion, de l'apparence et de l'origine. Bien, mais qu'en est-il du lyncheur potentiel d'Arabes: est-il aussi assimilable à la foule indignée par des gestes d'agression envers des pompiers ?
 se pencher sur ces comportements extrêmes suscitant habituellement rejet et dégoût au coin de la cheminée on s'interroge sur le vécu ayant conduit à de tels actes concrétisés ou non. Cette interrogation perçue elle-même parfois comme une transgression du code social procède non seulement d'une légitime curiosité intellectuelle mais aussi d'une empathie. Or c'est là que cela se complique car comment expliquer que la partie de la population acceptant de s'intéresser aux mobiles d'assassins suicidaires s'oppose radicalement à celle qui fait preuve de compréhension envers les apprentis lyncheurs? L'empathie semble changer de camp en fonction des antagonismes politiques.
Or il est des thuriféraires de Marine le Pen capables de recueillir et d'héberger un SDF en hiver sans regarder à la couleur de sa peau tout comme le premier réflexe d'un zadiste témoin d'un accident impliquant une personne en uniforme sera de lui porter secours: l'empathie est un élan altruiste, une recherche de soi dans autrui. Alors quelles limites ? A en croire Edwy Plenel, si mon voisin de table me bassine avec les immigrés venus manger notre pain, je dois entrer en confrontation directe dans un rapport de force avec lui du haut de mes convictions et ne pas céder un pouce. Mais pourtant ce commensal est aussi un Autre auquel je dois respect, écoute et présomption d'innocence, non ?
Le mur de Berlin était tombé alors que les Allemands se rendirent compte que celui dans leur tête était autrement plus difficile à abattre et il subsistera longtemps encore. La division rampante attisée par la folie démagogique au pouvoir ne peut conduire qu’à la confrontation, le soufflé monte dans le four des passions. Serait-ce être bisounours que de considérer que personne ne saurait prétendre détenir la vérité, toute la vérité, et que la paix sociale exige non seulement de la modération mais surtout beaucoup d'empathie ?
(1) voir ici