La dimension humaine est réduite à la portion congrue acculée qu'elle est à choisir entre la docilité aliénante et la révolte impulsive: l'implication civile est dévolue aux ONG auxquelles sont délégués les pleins pouvoirs à charge pour elles de la soulager de sa mauvaise conscience.
Dans ce contexte, que peut espérer l'agent économique-électeur-contribuable ? Sommé de ne pas manger de maïs transgénique, ballotté entre la menace d'une explosion sociale et l'illusion de l'Etat-providence, menacé des pires sévices par le "crime organisé" ou "l'immigration clandestine", il tend à écouter les sirènes mercantiles qui lui vendent leurs valeurs refuges comme autant de hochets donnant libre-cours à ses frustrations : le 4x4 du bonheur, le magazine indispensable, le voyage de vos rêves… Internet, loin de lui ouvrir l'horizon comme d'aucuns le prétendent l'enferme dans sa bulle personnelle et le livre âme et corps au filet des moteurs de recherche qui le formatent pour mieux le "cibler". Les jugements se réduisent au péremptoire « a aimé » ou « n’a pas aimé » des réseaux sociaux et reproduisent les discours dominants distillant leur venin.
Dans les pays pauvres où la résignation est recette de vie on se tourne vers le dieu providentiel qui soulagera s’il ne le fait pas déjà les souffrances produites par une mondialisation débridée qui a desséché l’arbre des palabres et figé le respect des traditions en rite dogmatique. La télévision a accompli son œuvre de formatage des esprits avec des programmes au rabais et le Coca Cola abreuve les milliards de gosiers avides de bulles sucrées. Sauf en Corée du Nord, le grand inconnu. La famille qui représentait la seule planche de salut elle aussi se décompose sous l’influence du grand Satan, même la peur du SIDA et les rappels à l’ordre du pape sont sans effet. On vante les « progrès » des pays « émergents » tel le Bric où la sacro-sainte voiture arrache à la religion des pans de fidèles : rouler plus pour consommer plus pour produire davantage… le serpent qui se mord la queue.
Et pourtant ce monde si sombre offre des espaces de lumière pour les femmes et les hommes animés par leur feu intérieur : de la révolte à l’altruisme, les actes d’insoumission sont nombreux et passés sous silence en raison souvent de la modestie de leurs auteurs. Obama pousse sa pierre mine de rien malgré les glapissements des chiens et Wikileaks fait trembler les militaires de tous les pays. La jeunesse réinvente le monde chaque jour : il en sortira bien un Mozart ou un Hegel. Certes, un nouvel Hitler n’est pas inconcevable non plus, mais on ose espérer que l’humanité apprend de ses expériences. Et si de nouveaux murs ont remplacé celui de la honte du siècle passé, ils tomberont aussi sous les coups de boutoir de l’Histoire.