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Billet de blog 6 mai 2017

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Un an, un mois et un jour - l'irresistible ascension d'un jeune homme nommé Macron

Emmanuel Macron a réussi son pari. Il rentre à l'Elysée au terme de sa (pas si) longue marche, débutée il y a un an, un mois et un jour à Amiens, avec le lancement de son mouvement. Il faut saluer le nouveau Président en tant que républicain. Mais on ne peut faire l'économie de la définition du macronisme : un néo-libéralisme de centre droit qui appelle une opposition claire de gauche.

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Illustration 1
Profession de foi 2nd Tour

Emmanuel Macron remporte la Présidentielle.

Une élection qui restera dans les annales politiques comme la victoire éclair d'un stratège, "homme pressé" de la vie politique française :

Un an, un mois et un jour après le lancement d'En Marche à Amiens, il rentre à l'Elysée en vainqueur : 10 ans plus jeune que Valérie Giscard d'Estaing président, il réussit à sa première tentative, quand François Mitterrand et Jacques Chirac avaient dû s'y reprendre à trois fois, quand François Hollande et Nicolas Sarkozy avaient derrière eux près de trente ans de vie politique avant d'accéder à la magistrature suprême. Cette rapidité est une nouveauté. "Flash Macron" semble avoir brulé toutes les étapes du "cursus honorum" classique de la vie politique française, et se révèle comme le premier des grands transgressifs de la 5ème République :

Issu de la galaxie des experts ayant entouré François Holllande pendant la campagne de 2012, Emmanuel Macron est pourtant, au départ, le plus pur produit du système présidentiel  et énarchique- il n'avait jamais été élu et doit tout au Président de la République dans son ascension comme secrétaire général adjoint de l'Elysée puis ministre de l'économie - il aura su "tuer le père" avec habileté, profitant des divisions des socialistes, et du "dégagisme" ambiant qui aura vu l'élimination de tous les principaux favoris à droite (Sarkozy, Juppé...), comme à gauche (Hollande, Valls...), s'appuyant aussi, soyons beau joueur, sur une part évidente de talent  et de charme individuel  :

Gendre idéal au regard azuréen, Rastignac de Picardie, Kennedy français aimant la poésie de René Char, marié à son ex professeur, il renvoie à un imaginaire romanesque dont les Français sont friands. 

S'il est apparu comme une météore, c'est qu'il a su briller au sein d'un système politique à bout de souffle grâce à un sens aigu de la communication politique et du timing, grâce  surtout au lancement d'un mouvement devenu une "une machine de guerre" extrêmement bien marketée et disposant de la ressource militante suffisante pour occuper le terrain et remplir les salles des meetings. Il aura su forcer son destin, la baraka faisant le reste : l'affaire Fillon lancée fin janvier par un article retentissant du Canard, les révélations à tiroir qui se seront succèdées, auront ramené vers lui une partie du centre droit et des Républicains.

Décrétant la "fin des partis", puis la "refondation du monde politique", il aura su incarner une force aspirante, en siphonnant à droite, au centre et à gauche, ralliés sincères, éternels opportunistes et jeunes techno de la politique, à l'image de son état major, surdiplomé et appréhendant la politique en professionnels des réseaux sociaux et des études d'opinion. 

Aimé des médias qui auront favorisé son ascension très nettement (on s'épuiserait à compter les unes de magazines élogieuses qui ont salué son parcours ces derniers mois), soutenu par de nombreux hommes et femmes d'influence aux carnets de chèque généreux (l'étendue  des levées de fonds restant un tabou du mouvement), il aura réussi à s'imposer comme le recours possible de ceux qui ne croyaient plus en l'axe de partage droite/gauche et qui estimaient que la recette "progressiste et réformiste" de Macron permettrait de faire bouger un pays souffrant d'immobilisme et de blocages.  C'est à dire, selon les enquêtes d'opinion, environ 40% des sondés. La majorité du pays continuant à se reconnaitre dans l'axe de division issu de la Révolution française.

Macron est  surtout le nouveau chouchou de la classe moyenne et supérieure, des cadres sup' et des diplomés du supérieur, de tout ce que notre société compte de porteurs de costards et de tailleurs élégants... On le dit populaire dans les "Quartiers" de banlieues. Sans doute apparait il comme le symbole d'une réussite éclatante et décomplexée, du rêve libéral de ceux qui, depuis Guizot, font de "l'enrichissez vous" la formule magique du bonheur terrestre.

Comme le dit Michel Houellebecq, la campagne d'Emmanuel Macron aura été "une thérapie de groupe pour convertir à l'optimisme" un pays déprimé par le terrorisme et le chômage et qui ne croyait plus en ses propres forces.

Macron était le candidat de 2ème tour des Républicains et a battu la candidate de l'extrème droite à l'issue d'un débat télévisé d'une rare violence.  Les démocrates que nous sommes ne peuvent être que soulagés de voir le péril du FN s'éloigner momentanément. Le score de la candidate FN est cependant effrayant car sans précédent. Sa présence au second tour de la Présidentielle semble, hélas, banalisée. Le score FN montre une France coupée en deux.  Le front républicain n'est plus qu'un souvenir. Le combat électoral se menant désormais, surtout, en conscience, au niveau de chaque électeur républicain.  Que dire, hélas, des ambiguités coupables de certains électeurs, en particulier à gauche, qui se sont réfugiés dans l'abstention "révolutionnaire" au 2nd tour ? 

 Il ne devrait y avoir aucun état d'âme à se battre frontalement contre une formation qui cultive le rejet de l'autre et la discrimination entre les individus quand on vit au pays des Droits de l'Homme... Avoir le libéralisme en détestation n'excuse pas de prendre le risque de faciliter l'accession d'une formation aux origines fascistes au pouvoir.

Emmanuel Macron sera le Président de tous les pro-européens qui verront en lui un espoir possible pour la relance d'une Europe en panne, d'une Europe minée par les populismes, d'une Europe qui devra réconcilier les élites et les peuples avant l'explosion. Sans relance européenne, sans réconciliation, populaire, la vague FN et populiste continuera à grandir en France et en Europe pour nous submerger peut être à la prochaine présidentielle ou, plus tôt, aux prochaines européennes. 

Le vote du 2ème tour, comme celui du Premier, étriqué pour un président de la République (seul Chirac en 2002 a fait moins au Premier tour), indique clairement qu'Emmanuel Macron reste un choix par défaut de beaucoup de Françaises et Français.

Il faut donc rappeler aussi les limites politiques du projet Macron ,qui ne dit pas officiellement son nom, et qui s'appuie sur des recettes libérales bien packagées et enrobées d'un discours  lénifiant sur les "nouvelles protections" :

Si l'on regarde ses propositions de plus près, on s'aperçoit ainsi, de manière stupéfiante,  que le terme "d'égalité" est totalement absent de ses professions de foi de dernière partie de campagne, tout comme de celle de deuxième tour.

Comme le terme de "solidarité", lui aussi escamoté au profit de celui de "protection" incarnée surtout dans sa proposition phare sur le régime chômage pour les indépendants.

Tout cela révèle de choix idéologiques profonds plutôt que d'omissions. Rien n'aura été laissé au hasard dans sa communication.

Le Macronisme n'est donc pas de gauche, pour ceux qui en doutaient encore. Wikipédia le classe  d'ailleurs déja au centre droit du champ politique. Et dans la famille européenne, la proximité avec le groupe ADLE (Alliance des démocrates et des libéraux européens) apparaitra progressivement comme une évidence.

Le Macronisme est au plan économique et social un néo-libéralisme 2.0 qui se fonde sur la théorie du chomâge volontaire (avec l'idée de pénaliser les chômeurs qui n'accepteraient pas deux offres d'emploi "décentes"),  avec  l'idée sous-jacente que le chômage est dû principalement  à l'excès de règlementation et de "freins" qu'il s'agit de dévérouiller pour relancer l'activité. 

En ce sens, le Macronisme ne peut être considéré comme une conversion tardive de la gauche française "à la 3ème voie", 20 ans après l'arrivée de Tony Blair au pouvoir en Grande Bretagne (il devint premier ministre en 1997) : le "New Labour" assumait sa paternité travailliste, ce que n'assume pas Emmanuel Macron, qui n'a jamais valorisé autre chose que sa propre "Loi Macron" dans le bilan du quinquennat passé et dont la "synthèse" programmatique n'a donc rien d'Hollandiste : Produit d'un Hollandisme sans héritier, pour l'heure, Il est fascinant de constater à quel point Emmanuel Macron n'aura que peu revendiqué les réussites du quinquenat passé, obsédé par l'idée de ne "pas regarder dans le rétroviseur" et de construire une offre politique nouvelle.

A celui qui propose de réformer le régime des retraites pour en finir avec les régimes spéciaux, à celui qui veut "simplifier de manière drastique le code du travail", à celui qui veut diminuer "la dépense publique" en baissant le nombre de fonctionnaires, à celui qui veut ramener le dialogue social au niveau de l'entreprise, là où les représentants des personnels sont traditionnellement faibles, nous n'avons d'autre choix que de nous opposer clairement.

Car en tant que socialiste, nous croyons que la première des priorités politiques est la lutte contre les inégalités. C'est notre boussole idéologique, nous qui ne nous contentons pas du monde "tel qu'il est".

Adepte de la démocratie sociale, nous pensons que les meilleures réformes sont celles qui sont négociées patiemment avec les partenaires sociaux, sans passage en force, et avec le sens des responsabilité qu'il convient de garder en tête pour pouvoir créer de l'emploi dans un pays au chomage massif sans sacrifier les sacro-saints acquis sociaux au passage.

En ce sens, le Macron des ordonnances et du probable 49.3 n'aura que peu de chose en commun avec Michel Rocard, avec qui on aurait le tort de le comparer, tant la "méthode sociale" de l'ancien premier ministre, disparu il y a moins d'un an, est aux antipodes de celle, annoncée, d'un Président Macron désireux d'aller vite et fort dans les réformes.

Notre opposition socialiste ne devra pas être sectaire cependant. Car nous serons toujours perdants sur le terrain de la critique radicale, doublé sur notre gauche par un mouvement des Insoumis en grande forme. Car il y aura des réformes sociétales que nous ne pourrons que saluer, quand elles feront progresser certains droits. Car il faut se montrer ouvert à la promesse de "renouveau démocratique" que Benoit Hamon avait appelé également de ses voeux pendant la campagne des présidentielles, en faisant sans cesse référence au "vieux monde" politique à dépasser.

Notre opposition devra donc se fonder sur des propositions alternatives, sur des contre projets de loi, et devra s'appuyer sur des groupes socialistes à l'assemblée et au sénat mobilisés et qui refuseront le piège de "l'indifférenciation" idéologique dont se nourrit, justement, le FN qui renvoie dos à dos Droite et Gauche.  A ceux tentés par le champ des sirènes macroniennes, je réponds que le Parti socialiste peut rêver meilleur destin que d'être une force d'appoint dans une majorité disparate, et que le destin d'un député socialiste n'est pas de servir de caution à des réformes brutales qui mettront très vite la France dans la rue.

La promesse "d'alliage"parlementaire et gouvernemental d'Emmanuel Macron, entre socialistes, centristes et républicains de droite, ne pourra accoucher que d'une confusion politique encore plus grande qu'aujourd'hui, en donnant raison hélas au Front National ou à la France Insoumise de Mélenchon qui posent, ensemble, mais avec des propositions politiques bien sûr différentes, l'opposition Peuple/élite, Gagnants de la mondialisation/Victimes de cette dernière,  européistes contre patriotes, comme l'alpha et l'oméga du nouveau champ politique de 2017.

Le combat des législatives commence aujourd'hui. Ne l'entamons pas en étant battus dans nos têtes : Il y a tellement d'éléments de fragilité idéologique dans le Macronisme, tellement de forces centrifuges contenues dans une majorité qui ira du Mouvement Progressiste de Robert Hue aux libéraux proches de l'UDI ou de Madelin, que l'équation des investitures d'En Marche en sera nécessairement polluée.

Les milliers de candidats à la candidatures qui souhaitent l'estampille En Marche seront déçus de constater que les investitures sont bel et bien décidées par un jury de 5 personnes et tranchées par le nouveau monarque républicain de 39 ans.

Les investitures en mode boite noire, voilà qui met déja du plomb dans l'aile  à l'ambition de refonder la vie politique sauf à considérer que l'hyper verticalité  et le centralisme démocratique sont le nec plus ultra de la modernité politique.

Le Macronisme va générer rapidement des déceptions, et le choix du Premier ministre donnera rapidement une orientation au quinquenat pour sortir de l'ambiguité du ni droite ni gauche.

La tentation du césarisme démocratique sera là également, car la force d'un homme ne peut lui permettre de vaincre seul la puissance d'Institution de la 5ème baties sur mesure pour un monarque républicain et qui se refermeront sur lui.

Une dose de proportionnelle, la réforme du comité économique social et environnemental, ne seront pas suffisantes pour accoucher d'autre chose qu'une 5ème République bis, quand il faudrait une 6ème République nouvelle.

Nous , socialistes, pouvons incarner demain le "parti de l'intelligence", comme la campagne de Benoît Hamon l'a montrée, il y a un espace politique pour porter la transformation écologique et sociale, interroger notre rapport au travail, miser sur de nouvelles ressources vertes, sur la dimension coopérative et collaborative, pour à nouveau "faire société" au sein d'une République bienveillante et métissée.

Du hollandisme orphelin, sachons aussi garder la meilleure part, en nous confrontant à l'inévitable devoir d'inventaire avec lucidité. Nous avons trop pêché par nos divisions, sachons dépasser l'opposition stérile entre "Frondeurs" et "Lignards" et redevenir des socialistes unis.

Comme le disait Victor Hugo dans son discours sur la misère (1849), "vous n'avez rien fait, tant que l'esprit de révolution a pour auxiliaire la souffrance publique". 

Gageons que l'auteur de "Révolution" devenu Président, saura se rappeler que l'on ne peut mener de révolution contre le peuple, et qu'on ne gouverne bien que quand on gouverne avec justesse.  

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